17 Oct 2016
Lisa McGarry est dirigeante de Mobeefox, une start-up qui permet de créer des interfaces mobiles multimédia, et depuis peu de l’imprimerie-façonnage Mizenboîte. Elle partage avec nous les leçons qu’elle a su tirer de son parcours, avec ses réussites et ses embûches. Une chef d’entreprise douce et courageuse, passionnée de coaching.

Mobeefox vient de remporter un prix au concours Lépine. Comment vis-tu cette récompense ?
Je suis très heureuse et fière, il y avait quand même quelque 530 projets au total ! Nous avons reçu la Médaille du secrétariat d’Etat chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger (qui dépend du Ministère des Affaires Étrangères). On s’était dit « on participe », mais on n’avait pas d’objectifs spéciaux… Alors c’est une très belle surprise ! Mobeefox a été récompensé car c’est un produit qui peut être multilingue en un instant, et qui peut être accessible à tout type de culture et d’utilisation. Son lancement en 2006 nous a demandé beaucoup d’efforts et de persévérance, alors on savoure vraiment cette reconnaissance, d’autant plus que là l’activité est en pleine expansion !
Peux-tu nous parler de ton parcours, avant la création de Mobeefox…
Je suis Irlandaise et j’ai fait mes études en France. J’ai passé le bac et un BTS de communication, que je n’ai d’ailleurs pas obtenus, à « zéro-virgule-quelques-points » près, tous les deux ! ! Sur le moment, je l’ai plutôt mal vécu ! Cela faisait peu de temps que j’étais en France, et je n’étais pas très forte à l’écrit. Quand, il y a quelques années, j’ai passé et obtenu un Master en Coaching à Paris, cela a été pour moi une petite victoire. Comme quoi cela avait laissé des traces ! En France, on attache beaucoup trop d’importance aux diplômes !
Il y a une grande différence avec l’Irlande ?
Bien sûr, dans la culture anglo-saxonne en général, on considère qu’il n’y a pas d’échecs, il n’y a que des expériences ! Le diplôme n’est que la validation par un certain corps d’une manière de penser. On ne devrait pas recruter sur un cv, ni sur des diplômes, mais sur des compétences, des capacités et des motivations ! Le « savoir-être », c’est ça qui est important ! C’est à cela que je pense quand je fais passer des entretiens de recrutement : chercher avant tout ce que la personne a envie de faire et d’apprendre.
Après tes études, tu as travaillé dans la communication ?
J’ai d’abord été assistante de direction bilingue, puis j’ai travaillé dans la communication et le marketing, comme consultante, directrice artistique, enseignante… La transmission est une de mes passions. En 2001, mon compagnon Jean-Richard Maguet et moi sommes devenus entrepreneurs, par le rachat de deux entreprises. D’abord une entreprise d’édition de logiciels à Châteauroux, qui comprenait six personnes et avait un CA de 600 000 euros. C’était un départ en retraite, avec un plan de continuation… Suivi de trois croissances externes. Puis une web agency parisienne… Pendant sept ans, j’ai co-dirigé avec lui cette entreprise, qui comprenait en tout 25 personnes, sur deux sites. Quand en 2008 nous avons revendu, l’entreprise faisait 2,5 millions de chiffre d’affaires.
C’était donc une belle réussite ; pour quelles raisons avez-vous revendu l’entreprise ?
Les choses se passaient mal pour notre fils à l’école, pour des raisons de santé ; nous avons décidé de donner priorité à son bien-être. Nous avons voulu nous rapprocher de notre famille, qui est dans le Sud-Finistère. C’était important qu’on se recentre sur notre famille, et qu’on prenne du recul. Aujourd’hui notre fils est heureux, et il va bien ! En nous installant en Bretagne, nous avons trouvé un nouvel équilibre.

Cela avait été un de tes souhaits de devenir chef d’entreprise ?
Non, pas à ce moment là, c’était plutôt le projet de mon compagnon, et moi j’étais en second, j’étais en position d’exécutante. Je ne m’épanouissais pas vraiment, j’étais même en souffrance. L’entreprise pour moi, c’était surtout du stress, voire des angoisses. Aujourd’hui c’est très différent !
C’est à cette période que tu as décidé de faire une formation de coach ?
Oui. En fait Jean-Richard et moi avons eu besoin de vraiment prendre du recul, de comprendre le vécu que nous avions eu à la tête de l’entreprise. Pendant la période de vente de notre maison, il a fait un Master 2 en Management et organisation au CNAM, et moi une formation en Psychologie du travail et un Master 1 en Coaching à Paris VIII. Et pour mieux comprendre les mécanismes qui s’étaient joués, tous les deux on a fait une formation de développement personnel de douze jours, une expérience très intense ! Cela nous a vraiment « décrassé » de notre posture de chef d’entreprise !
… C’est-à-dire ?
Cela nous a fait grandir et changer tous les deux. On ne peut développer une entreprise sans faire un travail sur soi, car la personne et l’entreprise sont indissociables. Depuis la formation, j’ai coaché d’autres chefs d’entreprise mais maintenant, j’ai mis cette casquette de côté. Par contre, j’utilise au quotidien tout ce que j’ai appris, notamment avec mes clients, pour l’activité « conseil en stratégie de communication » qui s’est développée naturellement avec Mobeefox. J’accompagne mes clients depuis la réflexion jusqu’au lancement des produits, avec l’envie de les rendre autonomes. C’est ça qui est enthousiasmant. Et ils sentent que je ne suis pas là pour faire du business sur leur dos, il se bâtît une confiance. On avance ensemble…
Parle-nous de Mobeefox ? Comment l’idée t’est-elle venue ?
En arrivant en Bretagne, suite à la vente de notre entreprise, nous avons cherché, mon compagnon et moi, comment répondre au mieux, avec notre expertise et notre expérience, aux nouveaux comportements des consommateurs, tout en répondant aux besoins des entreprises de toutes tailles d’avoir des outils simples pour communiquer… Mobeefox est né de cette réflexion. C’est un site internet responsive (qui peut se lire sur les écrans de téléphone mobile), avec des fonctionnalités d’application. C’est un hybride entre le site et l’application mobile, sans qu’il y ait quoi que ce soit à télécharger pour l’utilisateur final. C’est une application « accès libre », « cloud » accessible via des technologies sans contact.
Quelle est son originalité ?
Tout d’abord, le consommateur peut accéder rapidement au site Mobeefox en flashant un QR-code ou un tag NFC, mis sur le support de communication ou la PLV (publicité sur le lieu de vente). Sur un packaging ou sur une étiquette, l’espace est limité, or il faut savoir qu’il y a de plus en plus de mentions légales à indiquer. C’est le cas par exemple dans l’agro-alimentaire, la cosmétique. Il ne reste plus beaucoup de place pour d’autres informations sur le produit : le dernier mode d’emploi, une vidéo tutorielle, la fidélisation, l’interactivité – tout ce qui concerne les échanges avec le client -. Avec la solution Mobeefox, une entreprise peut vraiment apporter à ses clients un supplément d’informations.
De plus, le QR-code de Mobeefox est permanent, il n’a pas besoin d’être renouvelé. Il met à jour en temps réel toutes les informations et fonctionnalités de l’application. Plus besoin de changer le packaging ou de réimprimer de la documentation ! Et en dématérialisant l’information, on fait des économies de papier et carton ! C’est un coût en moins pour l’entreprise et un geste en plus pour la planète.
Peux-tu nous présenter maintenant Mizenboîte ?
Mizenboîte est l’entreprise que nous venons de racheter, à Pordic, dans les Côtes d’Armor – anciennement SH Imprimeur -. C’est un des deux seuls imprimeurs-façonniers en Bretagne. Au départ, nous voulions acheter une agence de communication pour répondre aux besoins des clients de Mobeefox. Nous avions vu une annonce pour une petite agence. Dans les mêmes locaux se trouvait l’imprimerie… On a visité le site et on est tombés amoureux de cette activité artisanale ! C’est du pliage-collage à base de carton plat. Une belle entreprise qui a un vrai savoir-faire… Elle réalise du packaging de petites et moyennes séries, et il y en a très peu qui font çela. On peut aller de 1 boîte à 200 000 boîtes !
Racheter une petite imprimerie ne faisait pas partie des plans…
Pas du tout ! Mais c’est ça la vie d’une entreprise, il faut saisir les opportunités et écouter ses intuitions. Le rachat s’est fait très rapidement, je crois que c’est même du jamais vu de ce point de vue ! On a rencontré le directeur le 26 octobre, on a signé le protocole d’acquisition avant la fin décembre et on a fait le rachat le 1er avril. Comme on était déjà présents dans l’activité depuis le 1er janvier, et qu’on a eu trois mois d’intégration, tout s’est passé vite et bien. Et puis c’est vrai que nous commençons à avoir un peu d’expérience…
Cette activité artisanale est à l’opposé des technologies en ligne…
Oui, avec l’activité façonnage de Mizenboîte, on est dans le traditionnel, avec des choses palpables, et ça me plaît ! Mobeefox est à la pointe des technologies ; donc on allie le futur et la tradition, et on a deux activités complémentaires. C’est une belle aventure ! Pour moi qui suis une créative, le tournant que nous venons de prendre me convient vraiment bien.


Tu disais que le lancement de l’entreprise avait été difficile…
Au lancement de Mobeefox, qui était précurseur, il a fallu évangéliser avant de pouvoir vendre. Il y a eu des moments très difficiles, où on a été à deux doigts de se décourager ! De plus, je souffre du dos depuis quatre ans, au point que je dois prendre des cachets au quotidien. Certains jours, j’ai du mal à marcher… Heureusement, je suis prise en charge par la clinique de la douleur à Vannes, et ils sont formidables. Je suis beaucoup plus mobile déjà, et toutes les portes sont ouvertes ! Mon dos n’est plus un frein comme il l’a été…
Tout ce surcroît de travail ne t’effraie pas ?
Et bien comme à mon habitude, je ne regarde pas la montagne, je regarde mes pieds ! C’est vraiment pas à pas que l’on fait son chemin. Je prends les obstacles un par un, et alors ce ne sont plus des obstacles. J’ai beaucoup de travail, mais c’est un bon signe. On lance des recrutements en ce moment !
Reprendre une entreprise suppose aussi de gérer de nouvelles équipes, ta formation en coaching doit t’être utile !
Oui pendant cette formation j’ai étudié diverses techniques, comme l’analyse transactionnelle ou la communication non-violente, dans laquelle l’écoute est primordiale. Il faut être capable de s’exprimer quand ça va bien, mais aussi quand ça va mal. C’est très important de savoir se parler. Cela fait très peu de temps qu’on a repris l’entreprise Mizenboite, mais je vois qu’il y a déjà des résultats notables. C’est un travail de tous les jours. Bien entendu, si on veut apaiser, il faut d’abord être apaisé soi-même. Il faut avoir fait un travail sur soi en premier ! La clé c’est de remettre l’humain au centre de tout.
As-tu des conseils pour rester zen dans les situations très tendues ?
L’outil le plus important c’est : relativiser. On s’arrête et on prend quelques minutes, on ne fait rien. Ensuite on dresse la liste des priorités. Il faut savoir aussi lâcher prise sur les choses qu’on ne peut pas faire. Se dire : j’ai fait de mon mieux… Selon moi pour être un bon chef d’entreprise, il faut apprendre à apprendre. Moi j’ai d’abord appris sur le tas, au quotidien, par nécessité, pas toujours dans le plaisir. Aujourd’hui c’est un vrai plaisir pour moi d’apprendre. Performance et plaisir doivent aller de pair !
Pour finir, comment fais-tu pour te ressourcer ?
Je pars faire du bateau ! En bonne irlandaise, j’ai besoin de la mer… Et j’ai de la chance, entre mon domicile à Belz et mon nouveau bureau à Pordic !
4 Avr 2016
Avec sa plate-forme de financement participatif, Karim Essemiani nous aide à financer nos projets d’entreprise. Mais aussi à devenir des « consomm’acteurs », et à élargir nos horizons…

Quand est née l’entreprise Gwenneg et combien êtes-vous à y travailler ?
Gwenneg a été créée en janvier 2015 et la plateforme a été lancée 6 mois plus tard. Il y a maintenant 6 personnes dans la structure, donc 4 salariés.
Qu’est-ce qui vous a amené à créer Gwenneg ?
J’ai eu l’idée de Gwenneg pour réagir à une situation que je trouve inacceptable, et dont j’ai fait concrètement l’expérience : la difficulté pour les entrepreneurs à trouver des investisseurs. En 2012, nous sommes venus avec ma femme et mon fils nous installer en Bretagne. Je venais travailler pour la BCI (Bretagne Commerce International). J’accompagnais les entreprises étrangères voulant s’implanter ou investir en Bretagne. Mais je passais de plus en plus de temps à aider des entreprises bretonnes qui souhaitaient faire de l’export ou se développer et qui n’y parvenaient pas faute de financement. Je voyais de bonnes idées qui ne pouvaient se concrétiser faute de trouver des investisseurs !
Vous aviez déjà une expérience de la création d’entreprise ?
Pas du tout, je n’avais au départ pas spécialement la fibre entrepreneuriale, créer une entreprise n’était pas du tout dans mes objectifs ! Je suis né et j’ai fait mes études d’ingénieur en Algérie, et suis venu passer mon doctorat à Toulouse. J’ai travaillé pendant 15 ans comme directeur commercial à l’international d’un grand groupe (Veolia), ce qui m’a amené à beaucoup voyager, en Asie, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis, où j’ai vécu pendant 5 ans. Tout cela a été pour moi une expérience très formatrice et très riche humainement.
Comment vous êtes-vous préparé à ce virage de la création d’entreprise ?
Tout d’abord, j’ai repris mes études, en 2014. C’était en formation continue, le vendredi soir et le samedi. J’habitais à Bruz (et c’est toujours le cas), et travaillais pour la BCI. J’allais tous les week-end à Paris, et travaillais 4 heures le soir en plus de mon travail.
Quelle formation avez-vous suivie ?
J’ai préparé un Executive MBA à HEC. Cela a été un gros sacrifice, à tout niveau ! Sur le plan familial, personnel et financier, car ce sont des formations qui coûtent très cher.
Ensuite vous vous êtes tourné vers des financeurs ou des partenaires ?
Avant cela, j’ai d’abord contacté les leaders nationaux des plateformes de financement participatif, car je pensais pouvoir les déployer en Bretagne. Mais j’ai vu que ce n’était pas une bonne idée. J’ai décidé de créer une plateforme de crowdfunding spécialement dédiée à la Bretagne. J’ai obtenu des partenariats avec le réseau Entreprendre, la marque Bretagne, le Conseil régional, des sociétés de capital risque, le Comité création-reprise… Et il y a eu une première levée de fond en juin 2015.
Comment connaissiez-vous la Bretagne avant de venir y travailler en 2012 ?
J’ai découvert la Bretagne il y a un peu plus de 20 ans, grâce à mon épouse qui est finistérienne. J’y venais régulièrement l’été, pour des vacances, mais dans mon esprit c’était compliqué d’y trouver du travail. Comme beaucoup, je suis attaché à cette région, et suis heureux de pouvoir y travailler car elle offre une grande qualité de vie. Mais pour cela il faut soutenir le développement économique en Bretagne, et c’est ce que j’ai voulu faire en créant Gwenneg.

Comment définissez-vous le financement participatif ?
Le financement participatif ou crowdfunding c’est le « financement par la foule » : une personne ou une entreprise qui a un besoin de financement se fait financer par d’autres personnes. On peut distinguer trois modes de financement : premièrement le don (ou bien le « don contre don » (il y a une contrepartie, et en quelque sorte on « pré-achète » un produit) ; deuxièmement le capital (je deviens un investisseur en entrant dans le capital de l’entreprise) ; troisièmement le prêt, comme le font les banques. Gwenneg propose les trois solutions de financement.
De plus en plus de gens se tournent vers le crowdfunding pour financer leurs projets, cela devient donc de plus en plus difficile de « sortir du lot », non ?
Le crowdfunding est entré dans les mœurs en très peu de temps ! C’est un secteur qui s’est extrêmement et rapidement démocratisé. Pour vous en donner une idée en 2010, il y a eu environ 7 millions d’euros collectés en France par ce moyen ; en 2015, plus de 297 millions ! Cela veut dire que les porteurs de projet doivent maintenant « mouiller le maillot », valoriser leur produit, et ne pas relâcher leurs efforts pour aboutir. Une campagne est un peu comme un marathon. Il ne faut pas partir en se disant « Je fais partie d’un réseau et tout le monde va m’aider ! », ça ne marche pas comme ça. Notre plateforme Gwenneg offre justement un accompagnement, des formations, un coaching ! Mais malgré son succès, on est encore dans une phase « d’évangélisation » de ce mode de financement : nous devons le faire connaître beaucoup mieux.
Quelle est la spécificité de Gwenneg par rapport aux autres plateformes de financement participatif ?
Il y en a plusieurs, d’abord, on propose 3 formes de financement, comme je vous l’ai dit ; ensuite on ne s’adresse qu’aux projets économiques (pas aux projets associatifs) ; enfin les projets doivent avoir un lien avec la Bretagne (en incluant la Loire-Atlantique). Les projets viennent le plus souvent d’entreprises basées en Bretagne, mais on ne regarde pas que la localisation géographique, il faut que les projets aient du sens par rapport au territoire breton.
Est-ce que tout le monde peut devenir prêteur ou donateur ?
Oui parce que le ticket d’entrée est très bas ! Vous pouvez être contributeur à partir de 5 euros, vous pouvez être prêteur à partir de 20, investisseur à partir de 100 euros. Le but est vraiment de faire connaître à monsieur Tout-le-monde la possibilité de soutenir le développement économique du territoire. Que les gens deviennent « consomm’acteurs » !
Qu’est-ce qui peut encourager à devenir prêteur ?
Le prêteur, en aidant une entreprise bretonne à se financer, fait un geste « socialement responsable ». Et le prêt va lui rapporter entre 4 et 9 % de taux d¹intérêt. Bien plus que le livret A !
Toutes les entreprises peuvent postuler pour lancer leur campagne chez vous ?
Oui, toutes les entreprises – créées ou en phase de création – peuvent s’adresser à nous. On examine tous les projets et si nécessaire on sert aussi de relais vers les réseaux Initiatives, les réseaux Entreprendre, les CCI. Avant de lancer une campagne on procède d’abord à une sorte d’audit – plus ou moins détaillé et important en fonction de la taille du projet. On évalue le produit et la capacité du porteur de projet à tenir ses objectifs et à honorer ses contreparties. L’idée est aussi de ne pas berner les contributeurs et de créer un climat de confiance.
Quel est le premier conseil que vous donnez aux porteurs de projet ?
Tout d’abord nous les invitons à voir la campagne de crowdfunding comme un vrai test « grandeur nature » ! Le financement participatif doit permettre de voir si mon projet ou mon produit plaît, s’il y a des clients pour ça, et de mettre à l’épreuve mes propres capacités à conduire et concrétiser mon projet, à convaincre, à vendre ! Si le chiffre d’affaires est difficile à faire à un petit niveau, il le sera aussi à une plus grande échelle. Quand on démarre une campagne de crowdfunding, on touche facilement le premier cercle (les amis, la famille) et le deuxième (le voisinage et toutes nos relations), mais l’idéal est aussi de convaincre le troisième cercle, les gens qui ne nous connaissait pas. On n’est pas que dans la bienveillance, comme dans le projet associatif.
La communication via les réseaux sociaux est aussi un critère de réussite important dans ces campagnes ?
Oui, c’est pourquoi Gwenneg propose un accompagnement pour utiliser les réseaux sociaux, du début à la fin de la campagne. Mais aussi pour formuler ses idées, trouver quelles contreparties donner, et un coaching tout au long de la campagne. Et ça marche, puisque chez Gwenneg nous avons un taux de réussite supérieur à 93 %. En comparaison, les taux de réussite moyens en France sur des campagnes de prévente (en don contre don) est de moins de 60 %. Cela dit l’échec d’une campagne peut être enrichissante si on en tire les leçons !
En quoi est-ce important de bien choisir ses contreparties ?
C’est très important car elles peuvent constituer une prévente. Elles doivent présenter le projet. Si des clients ont pré-acheté mon produit, cela pourra aussi m’aider à convaincre un banquier ou un investisseur… Les gens qui font un don vont constituer les premiers clients de la future entreprise.
Expliquez-nous ce que sont les Crêpes Pitch ?
Les Crêpes Pitch, et les Galettes-saucisse Pitch, ce sont des rendez-vous que nous organisons une fois par mois, où les porteurs de projet peuvent rencontrer le public. Il y en a eu quatre l’an dernier, et cela marche super bien. A Rennes par exemple, 80 personnes sont venues rencontrer 4 porteurs de projets. Il y a des questions-réponses avec le public, et de vrais échanges. On termine par crêpes ou galettes et bolée de cidre. Là on est une vraie plateforme de proximité, on n’est plus dans le virtuel ! Notre but est d’en faire dans chaque grande ville bretonne.
Vous qui ne pensiez pas du tout devenir entrepreneur, comment vivez-vous ce nouveau statut ?
Je gagnais très bien ma vie chez Veolia, mais l’argent ne fait pas le bonheur. Travailler c’est bien mais il faut que ça donne du sens. Gwenneg donne du sens, pas seulement à moi mais à beaucoup de personnes. Mais nous faisons aussi face à la réserve des acteurs institutionnels. Créer une entreprise en France, c’est très compliqué ! Dans notre pays on imagine les chefs d’entreprise comme des gens gagnants très bien leur vie, ou qui s’enrichissent sur le dos des salariés. Ce qui est rarement le cas, car créer une entreprise c’est avant tout beaucoup de sacrifices, donc il y a parfois une certaine frustration ! Heureusement, Gwenneg est sur la bonne voie – même si on reste très vigilants. Et il y a une très belle histoire qui s’écrit en ce moment. Notre entreprise a reçu une recommandation par l’autorité des marchés de faire une levée de fonds rapidement. Des hommes et des femmes du territoire se sont mobilisés pour nous aider (plus une centaine de personnes ont donné 1000 euros chacun). Cela nous donne une assise financière mais surtout une légitimité !
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le fonctionnement interne de la start-up Gwenneg ?
Il est peut-être assez loin du cliché des start-up ! J’ai un parcours un peu atypique. J’ai maintenant 44 ans, j’ai passé 15 ans dans un grand groupe et principalement à l’étranger, je suis formaté en gestion de projets… Et j’ai aussi acquis pas mal d’expérience de mes « erreurs » passées ! La gestion d’une start up avec un esprit « tout est cool », ne fonctionnerait pas, nous sommes aussi un centre de profit ! Notre entreprise a des processus internes, sans pour autant tomber dans la rigidité et l’inertie qui handicape les grands groupes. L’avantage d’être une petite entreprise, c’est qu’on peut facilement intégrer les retours d’expérience des différentes campagnes et adapter ou enrichir notre offre. Et les collaborateurs travaillent en toute autonomie, en proposant des pistes de développement, de réflexion, des plans d’action.

Peut-on dire que les Bretons sont entreprenants ?
Oui, la région Bretagne se place 5ème en termes de propriété intellectuelle. Les Néo-Bretons sont entreprenants et fiers de leur territoire. Pour moi la Bretagne est riche de sa diversité, de son excellence et de son système éducatif. Nous subissons actuellement des mutations violentes, comme dans l’agriculture, et en même temps on voit la naissance de nouvelles filières, comme le numérique, la mer, les biotechnologies… toutes ces mutations présentent de vraies opportunités.
Qu’appelez-vous les Néo-Bretons ?
Tous ceux qui vivent en Bretagne et aiment cette région, qu’ils soient d’origine bretonne ou non, nés en Bretagne ou pas. Quand on me parle de la Bretagne, je dis souvent : « Ne me parlez pas des racines, parlez-moi des feuilles ! » La Bretagne ne doit pas être que « la terre de mes ancêtres », mais aussi « la terre de mes enfants » ! Autrement dit on ne nait pas Breton, on le devient !
Parlez-nous un peu de vous, quelles sont vos activités en dehors du travail ?
Le lancement d’une entreprise exige beaucoup de temps et d’énergie ! Le peu de temps qu’il me reste, je le consacre à ma famille. J’ai passé un contrat avec ma femme, et j’espère bientôt pouvoir me libérer plus de temps ! Pour aller écouter un concert de jazz, par exemple ! J’étais jusqu’à l’année dernière éducateur bénévole du club de rugby de Bruz, et je fais aussi partie du conseil d’administration de l’antenne rennaise de la Fondation Agir contre l’Exclusion. J’ai eu la chance d’évoluer dans un milieu privilégié, mais pour moi c’est important de m’engager et de rester proche des gens.
Qu’avez-vous retenu de vos voyages ou de votre vie aux Etats-Unis ?
J’ai une vraie culture anglo-saxonne et ma femme et moi avons particulièrement aimé la vie aux Etats-Unis. Là-bas, les gens sont très modestes et accessibles. On est dans des relations humaines très saines, et dans le travail il y a peu d’occasions de conflits. En France on est dans une société très corporatiste, élitiste, et pyramidale. On aime bien dire de quelle école on vient, alors qu’aux Etats-Unis on aime bien dire ce qu’on sait faire ! C’est pourquoi je mets très peu en avant mes diplômes.
Avez-vous déjà ressenti ici en France un sentiment d’exclusion ?
La question ne s’est jamais posée pour moi. Je suis quelqu’un qui travaille beaucoup, et j’ai toujours appris que seule l’excellence prime. On m’a toujours appris à me prendre en main ; à ne pas regretter ce qu’on fait ou ce qu’on ne fait pas. On ne nait pas en ayant une connaissance fine de tout, on apprend de ses erreurs !
20 Jan 2016
Ludovic Simon, créateur de DoYouBuzz, est à l’origine de nombreux événements autour du web et des start up, qui ont fait de Nantes un haut lieu du numérique. Il partage avec nous, sans langue de bois, son expérience de l’entreprise et ses rêves…

Ludovic, comment est né DoYouBuzz ?
DoYouBuzz est né d’abord d’une forte envie de ma part de participer à l’aventure du web 2.0 ! J’ai fait mes études après l’éclatement de la bulle internet (2001), à une période où le web se reconstruisait… J’ai eu très tôt envie de participer à ce mouvement qui a fait naître Wikipédia, Facebook et tout un tas de start up. En 2006, je travaillais dans un des principaux médias internet, une entreprise de plus de cent personnes, dans laquelle j’avais du mal à m’épanouir. Même si on était dans l’univers très stimulant du web, c’était malgré tout une entreprise classique, très « pyramidale »… J’étais passionné par le web, j’avais plein d’idées et j’étais débordant d’énergie, mais j’étais au bas de l’échelle. Alors mes idées, la direction s’en fichait !
Quel âge aviez-vous ?
J’avais 25 ans. J’ai donc refait mon CV, mais avec l’envie d’innover, de me démarquer ! J’ai utilisé mes compétences en graphisme et développement de sites web et ce que j’ai obtenu a plu à tout le monde. Avec une mise en page soignée et originale et ce format web, interactif, je n’ai eu que des compliments. C’était comme un site vitrine, très clair, bien mieux qu’un CV Word ! Tous mes amis m’ont dit « Je veux le même » ! Alors je me suis dit : « cette idée est géniale ». Il existait déjà des CV en ligne, mais dont le look n’était pas travaillé, pas attrayant.
Comment avez-vous acquis vos connaissances en multimédia et programmation ? Quelles études aviez-vous suivies ?
J’ai fait un master I en communication et médias à Nantes (SciencesCom) et un master II en école d’ingénieur à Angers (ISTIA). J’aime apprendre et j’ai eu la chance de grandir avec beaucoup de livres autour de moi. Mon goût pour internet et l’informatique a fait que j’ai énormément appris tout seul, sur mon ordinateur, grâce aux tutoriels, et en « bricolant » dans mon coin. Donc l’essentiel de mes compétences pour mon métier, je me les suis faites moi-même.
Qu’est-ce qui vous a persuadé de transformer cette idée en start up ?
J’ai creusé mon projet, notamment avec Eric Warin, le directeur de Sciences Com’, qui m’a encouragé dans cette voie. J’ai aussi validé mon idée avec d’autres sponsors du web. Mais j’ai aussi réalisé que pour que cela soit viable, il fallait créer une plate-forme attirant de nombreux utilisateurs, et que cela nécessiterait des moyens financiers conséquents… Je n’avais pas d’argent, je n’avais jamais rien vendu de ma vie… C’était enthousiasmant et effrayant !
Comment avez-vous réuni tout l’argent nécessaire ?
J’ai eu au départ 10 000 euros prêtés par ma grand-mère, ce qui m’a aidé pour obtenir plus de 200 000 euros en prêts, et aides, y compris celles de Pôle Emploi. J’ai compilé au moins huit aides nationales et régionales. Faire ces demandes de financement m’a pris en tout six mois. J’avais un gros dossier de 80 pages qui impressionnait beaucoup, même si je pense que peu de gens le lisait… J’y croyais à fond ! Avec le recul je me dis que toute cette énergie aurait pu être dépensée différemment, notamment pour chercher des clients !
Ce point de vue est intéressant ! En France, on n’est pas assez pragmatique ?
Si on compare avec les Etats-Unis par exemple, là-bas celui qui veut monter sa boîte va tout de suite à la rencontre des clients. Dans notre système, on commence par faire des Business plan et des tableaux Excel ! Il en faut, bien sûr, et d’ailleurs j’aimais faire ça ! Cela tombait bien car j’avais une peur bleue d’aller voir des clients et qu’ils me disent que ça ne les intéressait pas ! Ce qui n’est pas très logique. Maintenant, ce que je conseille aux jeunes qui se lancent, c’est d’aller se confronter au marché le plus vite possible. Autre exemple, dans mes plans j’avais prévu d’atteindre le million de visiteurs en 6 mois, alors qu’il nous aura fallu 8 ans pour ça ! J’étais donc loin du compte. DoYouBuzz vient juste de franchir le million d’utilisateurs, autrement dit rien ne s’est passé comme prévu !
Combien êtes-vous dans l’entreprise maintenant et à qui s’adressent les services de DoYouBuzz ?
Nous sommes neuf. Notre mission à DoYouBuzz c’est d’aider les gens à faire un CV dont ils soient fiers et à trouver du travail. Ils s’inscrivent gratuitement, pour le réaliser, le tester… Et on propose des options payantes, avec des outils et des avantages significatifs, sous forme d’un abonnement « Prémium », à 5 euros par mois. Une partie de nos clients sont donc les demandeurs d’emploi qui cherchent un poste salarié, mais aussi les indépendants qui ont besoin de se faire connaître. Cette partie représente la moitié de notre chiffre d’affaires.
Quelle est l’autre partie ?
Ce sont les écoles et les entreprises. On aide leurs étudiants ou leurs collaborateurs à faire leur CV. On travaille par exemple avec HEC ou l’Université de Nantes, et avec beaucoup de sociétés de services qui ont besoin de mettre en valeur l’expérience de leurs collaborateurs.
Quelles erreurs fait-on couramment quand on fait son cv ?
Faire un CV est un des exercices les plus compliqués qui soit. La grosse erreur qui est faite, c’est qu’on utilise un jargon, celui de l’entreprise ou du secteur dans lequel on a travaillé. Résultat, le recruteur ne comprend pas bien quelle a été précisément votre contribution, alors que c’est ça qui est important. Avec nos outils, on va justement aider à rendre ça clair et compréhensible. Il y a un guidage, pour simplifier la rédaction, et n’oublier aucun élément.
A travers de DoYouBuzz, qu’avez-vous appris sur la recherche d’emploi ?
Tout d’abord, que quand on est chômeur, la confiance en soi est en chute libre, au bout de quelques mois, voire quelques semaines. On peut être vite perdu. Le conseil qu’on entend le plus c’est : « Envoie ton CV à un maximum d’entreprises ». Mais c’est du temps perdu, ça ne marche pas, c’est du spam ! On entend aussi « va voir les offres », mais les petites annonces et Pôle Emploi ne représentent chacun que 7 % du stock d’emploi pourvus ! Cela n’est pas assez dit. Il faut bien comprendre que la plupart des postes qui sont pourvus n’ont pas fait l’objet d’une offre d’emploi.
Donc les postes sont pourvus à l’intérieur même de l’entreprise ? Ou par le biais du bouche à oreilles, des réseaux ?
Oui, 45 % des emplois sont pourvus après une démarche directe du chercheur d’emploi, et 25 % le sont grâce à des relations. N’oublions pas que les ¾ de l’emploi en France se trouvent dans les PME et TPE, et que ces entreprises ont rarement recours à des offres d’emploi ou à des cabinets de recrutement. Il y a là un gisement dont on ne parle pas assez ! Et le meilleur moyen d’y trouver un job est de parler directement au dirigeant, de candidater spontanément, et d’utiliser son réseau.

Les réseaux comme Femmes de Bretagne soutiennent justement la création et le développement de ces petites entreprises…
Oui, c’est pourquoi nous l’avons soutenu lors du crowfunding. J’ai assisté à des tas de conférences autour du recrutement et des Ressources Humaines, et très souvent les débats concernaient les grandes entreprises, les cadres, l’informatique… Il y a un tas de métiers, de secteurs d’activités et donc de personnes qui sont délaissés par ces événements. Quant aux cabinets de recrutement, ils s’occupent beaucoup des commerciaux ou des développeurs informatiques… Mais l’emploi ne se trouve pas que là, on marche sur la tête ! »
De quoi auraient besoin les demandeurs d’emploi ?
De plus d’accompagnement et de considération. On parle des discriminations liées à la race ou au sexe, mais pas de celles qui concernent les chômeurs. Et pourtant, une grande partie des recruteurs aujourd’hui, si vous leur dites que vous êtes chômeur, ils pensent que vous n’êtes pas « bon » ! Comment s’en sortir alors ? C’est un terrible cercle vicieux. Le chômage est un des sujets les moins bien traités qui soit. Hier DoYouBuzz co-organisait le Forum RH à Nantes, et on a parlé de ces discriminations liées au chômage.
Avez-vous mis en place des actions concrètes s’adressant spécifiquement aux demandeurs d’emploi ?
Oui, à DoYouBuzz, en plus de notre service de création de CV, nous avons démarré des « ateliers CV ». Déjà, il faut consacrer les vingt premières minutes à redonner le moral aux gens ! On est dans un système où tout participe au pessimisme ! L’idée, c’est de se remotiver et d’apprendre à mieux se vendre. La tactique pour trouver du travail consiste à cibler ses recherches. Il ne faut pas répondre à des offres, mais s’intéresser à une entreprise et essayer de comprendre ses besoins, pour se positionner comme quelqu’un qui va apporter des solutions.
Pour vous donner un exemple, la moitié des candidatures que je reçois, de la part des gens qui postulent pour travailler chez DoYouBuzz, ne sont pas des CV DoYouBuzz ! C’est à dire que la moitié ne se sont pas vraiment intéressés à l’entreprise. Et ils ne réalisent pas l’importance de prêter intérêt à la personne qui les reçoit, à son activité.
Vous-même au cours de vos études, vous a-t-on inculqué ces notions ?
Non. Dans les écoles de commerce ou de communication, le fait de s’intéresser sincèrement aux problèmes de la personne qui est en face n’est pas enseigné. Moi-même, pendant 6 ans, en voulant développer commercialement mon entreprise, j’ai fait le « vendeur de tapis » avec ma belle plaquette et mon beau costume ! On apprend aux commerciaux à passer cent coups de fil pour avoir dix rendez-vous, et sur ces dix rendez-vous, faire une ou deux ventes. C’est une perte de temps ! Maintenant, à DoYouBuzz, on procède différemment, on n’essaye pas de se vendre à tout prix, on s’intéresse aux problèmes du client. C’est ça qui marche : l’empathie, la bienveillance, car elles créent naturellement du lien, dans la vraie vie comme dans le monde des affaires.
Qu’est-ce qui vous a fait évoluer dans ce sens, personnellement et pour l’entreprise ?
Il y a cinq ans, mon entreprise a commencé à avoir des difficultés, et est même passée pas loin du précipice. Cela m’a fait me remettre en question. J’ai lu le livre Liberté et Cie, de Brian M. Carney et Isaac Getz, sur l’entreprise libérée. Une révélation pour moi ! Je me suis aperçu que j’étais devenu un petit chef, pas de la pire espèce, mais un petit chef quand même… Le pouvoir agit de façon bizarre sur l’ego… J’avais quitté mon entreprise précédente car je lui reprochais d’être trop pyramidale, et en fait je commençais à reproduire les mêmes erreurs. J’ai compris qu’avec l’entreprise libérée, une autre posture est possible pour le manager. Il peut être un leader nourricier, un jardinier, qui arrose les plantes plutôt que de tirer sur les feuilles ! Et c’est beaucoup plus agréable !

Qu’est-ce qui change concrètement dans l’entreprise libérée ?
Dans l’entreprise libérée, tout est basée sur la confiance et non le contrôle. Il n’y a plus de hiérarchie. On discute tous ensemble, car un groupe se trompe moins qu’une personne. Personne ne peut vous obliger à faire quelque chose. Cela demande plus de subtilité que dans un système hiérarchique classique. Il faut être dans l’écoute et dans la transparence, communiquer avec ses collègues.
Economiquement, les résultats sont là ?
Oui, nous on a « sweetché » il y a 18 mois, avec des résultats très encourageants. On prend moins de mauvaises décisions, car tous ensemble on est plus intelligents ! C’est vraiment un grand enseignement pour moi.
Pour un chef d’entreprise, cela doit exiger une vraie transformation… Comment les salariés de l’entreprise ont vécu ce changement de leur côté ?
Cela a été un changement important pour toute l’équipe. Chacun est plus responsable, plus adulte. On est amenés à s’engager plus, on est plus motivés. Les actionnaires de l’entreprise, qui sont des chefs d’entreprise, sont plus sceptiques mais ils respectent notre mode d’organisation et notre culture. Dans le système traditionnel, le patron est la personne clé, et lui-même pense que s’il n’est pas là, tout part « en vrille ». C’est la pensée dominante dans l’économie. L’autre changement majeur, c’est de faire passer les besoins du client avant toute chose, y compris les objectifs de vente.
Vous êtes un des créateurs du Forum RH à Nantes, qui réunit des chefs d’entreprise et des professionnels de l’emploi. Dans les conférences que vous tenez, vous parlez de l’entreprise libérée ?
Oui, lors de ces forums (et aussi lors des petits déjeuners RH qui ont lieu chaque mois), on témoigne de notre propre expérience, et on y réfléchit sur les nouvelles pratiques managériales et organisationnelles. Pendant des années, j’ai assisté à des tas de conférences ayant pour thème : « Le logiciel x », « Comment recruter des talents », « Ma marque employeur est-ce qu’elle est bonne ? » Mais le sujet n’était jamais : « Comment être heureux au travail ? Comment bien travailler ensemble ? ». Les choses changent heureusement !
Parlons maintenant des nombreux événements autour du numérique que vous avez créés à Nantes. On peut parler d’une vraie success story !
Pour moi c’est une chance ! En 2008, un an après la création de ma boite, j’ai vu qu’il n’y avait pas d’événements dans le domaine du web et des start up. J’ai donc décidé d’en créé un, et cela a été un énorme succès. Plein de monde voulait parler startup et web. J’ai donc créé une association, avec deux copains, Atlantic 2.0, qui a maintenant six salariés, un budget annuel de 1 millions d’euros et qui rassemble un réseau de 270 entreprises. Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes à l’époque, nous a beaucoup soutenus. En 2010, nous avons créé la Cantine numérique de Nantes, un espace de co-working qui depuis a fait des petits ! On a ensuite monté le Web2Day, qui est maintenant le plus grand événement web en France, la dernière édition a rassemblé 6000 personnes en 3 jours.
Quelles sont vos envies pour les années à venir ?
J’ai de plus en plus d’engagements dans le domaine de l’entreprise libérée mais aussi de l’économie sociale et solidaire et de l’écologie. J’adore échanger, transmettre, et apprendre… Je veux continuer à le faire !
Sentez-vous autour de vous une vraie curiosité autour de ce thème de l’entreprise libérée, du bonheur au travail ?
Je suis débordé de demandes en ce sens ! Je suis très sollicité pour témoigner sur ces sujets. Les gens ont envie de changement et en ont marre de l’organisation hiérarchique des entreprises. Surtout les nouvelles générations ! Pour eux ça ne passe pas.
Quels conseils auriez-vous envie de donner à celles et ceux qui ont envie de créer leur entreprise ?
Quand on crée, aller le plus vite possible à la rencontre de ses clients. Et pour progresser, savoir se remettre en question. Je leur recommande aussi de se faire connaître via DoYouBuzz. J’ai moi-même remis à jour mon CV tout récemment et ça m’a permis de refaire le point sur mes contributions et mes aspirations ! Cela peut vraiment aider les indépendants à se faire connaître et à vendre leurs services. Sur notre blog il y a des exemples et des témoignages, à découvrir !
11 Déc 2015
Isabelle Brunet a créé il y a deux ans IB Graphiste dans son village des Côtes d’Armor. Sous ses airs discrets se cache une pro de la com’, qui met son dynamisme au service de son entreprise mais aussi de la vie locale…

Isabelle, dans quel domaine as-tu travaillé avant de créer IB Graphiste ?
Dans la pub et le marketing, pendant 24 ans. Notamment dans une agence de conseil en communication à Paris, pendant 18 ans. C’était une petite structure, plutôt familiale (il y avait le patron, sa femme et nous étions deux graphistes), mais à l’activité intense. Le travail était passionnant mais le rythme était effréné, avec de nombreuses soirées « charrette » (heures supplémentaires pour envoyer dans les temps un document au client ou à l’imprimerie).
Cette période a été formatrice pour toi ?
Oui, l’avantage des petites structures c’est que c’est très formateur, chacun doit être polyvalent et prendre des initiatives. On est nécessairement appelé à être autonome et réactif. J’avais un contact direct avec les clients, ne serait-ce que par téléphone. Dans les grosses agences tout est beaucoup plus cloisonné. C’était varié, on ne s’ennuyait pas ! On faisait toutes sortes de documents imprimés, du webdesign, du packaging…
Tu avais fait des études dans ce domaine ?
Oui, j’ai un BTS en communication et actions publicitaires, que j’ai complété par une formation professionnelle en arts appliqués.
Qu’est-ce qui t’as poussé à quitter ta vie parisienne ?
Avec mon mari et nos deux enfants, nous voulions venir nous installer en Bretagne. Pour la qualité de vie, parce que nous y avons plein de souvenirs d’enfance, et parce que nos parents vivent maintenant à Dinard et Saint-Cast. Et je rêvais d’une longère… dans les Côtes d’Armor ! J’ai parlé de ce projet à mon employeur et lui ai proposé de travailler à distance, en télétravail. C’était un premier pas vers l’indépendance… Mon patron était ok, puis au dernier moment il n’a plus voulu. Cela lui a fait un peu peur… On a trouvé un accord et il m’a licencié à l’amiable. On a quand même déménagé.
Tu avais le projet de te mettre à ton compte ?
Oui, j’en avais envie mais mon mari travaillait aussi en indépendant, et cela me faisait peur qu’aucun de nous deux ne soit salarié… Alors j’ai travaillé comme graphiste à Loudéac, dans une entreprise de vente par correspondance dans l’agroalimentaire (Vital Concept), pendant 5 ans, puis 3 ans 1/2 chez Mafart à Saint-Brieuc (chauffage-sanitaire-plomberie). Puis j’ai été licenciée économique…
Entre temps, l’envie d’être indépendante avait mûri. Je me suis mise à y réfléchir sérieusement, mais tout en cherchant un poste de salarié… J’ai alors consulté un cabinet de reclassement, et c’est là qu’on m’a dit : « Bon, il est temps de savoir ce que vous voulez faire ! Vous cherchez un poste ou vous voulez monter votre entreprise ? ! »
Cela t’a aidé qu’on te pousse à choisir à ce moment-là ?
Oui, j’ai alors pris conscience de mes propres freins… J’en ai discuté avec ma conseillère Pôle Emploi qui m’a proposé un dispositif d’accompagnement pendant 3 mois : l’OPCRE (Objectif Projet Création ou Reprise d’Entreprise). Pour vérifier la cohérence et construire mon projet de création. J’ai donc été accompagnée par la Boutique de Gestion (BGE) pour élaborer l’étude commerciale, établir les éléments financiers, choisir mon statut juridique, élaborer un plan d’action en définissant les étapes… Cela a été très utile. J’ai ensuite demandé la moitié de mon capital restant à Pôle Emploi. Il me restait un an de chômage, j’ai donc reçu l’équivalent de 6 mois d’allocations pour me lancer, un sacré coup de pouce (dispositif ARCE) ! J’ai également bénéficié de l’aide à la création d’entreprise de mon ancien employeur dans le cadre de mon CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle).
Quel statut as-tu choisi pour ta société ?
J’ai monté IB Graphiste en août 2014 en tant qu’auto-entrepreneur, statut que j’ai conservé pour l’instant car je le trouve très simple côté administratif.
As-tu eu aussi besoin de te former dans ton domaine ?
Oui, j’ai fait une formation pour me perfectionner dans la conception de site internet, notamment en webdesign et pour créer des sites personnalisés sous WordPress.
Quelles prestations proposes-tu avec IB Graphiste ?
Je conçois et réalise tout support de communication aussi bien imprimés que web, de A à Z. Je suis créatrice d’identité visuelle : une charte graphique, un logo… Je fais aussi de la formation aux logiciels PAO : Photoshop, InDesign, Illustrator mais aussi à Gimp et Scribus (version libres et gratuites) et des initiations à WordPress (pour faire des blogs ou sites « vitrine »).
Depuis que tu t’es mise à ton compte, qu’est-ce qui a évolué dans ton travail ?
La part de plus en plus grande prise par la publicité « en ligne ». Maintenant, quand on est graphiste, il faut savoir utiliser le web aussi bien que le « print ». Aujourd’hui presque tout le monde a le réflexe de faire une recherche sur Internet pour avoir des infos sur une entreprise ! Donc il faut orienter ses clients dans ce sens. En plus de mon travail de graphiste, je suis amenée à répondre aux multiples questions que les clients se posent à ce sujet.

Quel conseil donnes-tu à tes clients pour se faire connaître ?
Je conseille un mix de pub à travers des flyers, une plaquette, etc ; et une présence sur le web. C’est impératif, via un site Internet. Une présence sur les réseaux sociaux (Facebook, google+, Twitter) est en plus fortement conseillé, pas pour faire des ventes directes mais pour faire un lien vers son site. De plus cela aide aussi au référencement.
Mais être présent sur les réseaux sociaux ou avoir un blog ne convient pas forcément à tout le monde… Non, cela dépend des tempéraments et aussi des domaines d’activités… Faire sa communication prend aussi beaucoup de temps. Beaucoup d’entreprises qui ont un blog n’ont pas le temps d’écrire des articles. Dans ce cas là, mieux vaut ne pas en avoir que de le laisser inactif, ou alors faire appel à quelqu’un de spécialisé !
Et pour toi comment procèdes-tu ?
Je fais de la veille dans mon domaine, et j’utilise beaucoup Facebook, Twitter et Google + (un peu moins). Cette compétence fait que de plus en plus, des clients me demandent de faire vivre leur page Facebook ; donc j’ai aussi parfois une activité de Community Manager. C’est intéressant, mais il faut être prudent avec les infos que l’on met dans une page pro. Si quelqu’un se plaint d’un produit et met des commentaires négatifs à un article, il faut répondre de façon positive et ne pas laisser ça en suspens, car il en va de la réputation de l’entreprise.
Qu’est-ce que tu aimes dans ton travail ?
J’aime le contact avec le client, et même l’aspect « accompagnement » ! Quand un client fait appel à moi, c’est rare qu’il ait une idée précise de ce qu’il veut, et qu’il sache bien présenter son activité. Je l’invite à se poser ces questions : « à qui je m’adresse ou à qui j’aimerais vendre ? », ou « quels sont les produits que je vends ? » Je les aide à trouver ce qui les différencie des autres… quelquefois je fais un peu de psychologie !
Je n’habite pas toujours à côté de mes clients, mais j’essaye de me déplacer au moins lors de la première rencontre, c’est important. Je passe 1 heure ou 2 avec le client pour bien comprendre son métier et ses attentes.
Qu’est-ce qui est le plus compliqué pour toi ?
Les entreprises ne se rendent pas toujours compte que j’ai besoin d’informations, de « matière » ! Pour créer une plaquette ou un site internet par exemple… Même si je peux aider à rédiger des textes ou faire des photos, il y a des données sur l’entreprise que je ne peux inventer moi-même. Alors il faut aller à la pêche aux infos !
Selon toi quel est l’intérêt de faire appel à un indépendant plutôt qu’à une grosse agence ?
Pour ma part, je dirais que c’est ma proximité avec le client. Je suis son unique interlocuteur et mon but est de lui proposer quelque chose qui « colle » vraiment à sa personnalité, ses envies. Pour cela il faut vraiment être à l’écoute. Une cliente (qui démarrait son entreprise) s’est justement tournée vers moi parce qu’ailleurs on avait voulu lui imposer une charte graphique qui ne lui correspondait pas. On l’avait aussi incitée à changer le nom qu’elle avait choisi pour son entreprise. Il faut certes conseiller mais respecter aussi les goûts et la sensibilité du client. Un juste milieu pas toujours simple à trouver.
Tu aimes t’occuper des créateurs d’entreprise ?
Oui, surtout quand on me confie la création du logo ! Dernièrement, j’ai passé beaucoup de temps avec un jeune chef d’entreprise, avec lequel je suis allée au fond des choses, pour trouver pourquoi ce nom résonnait en lui… Au final mon client s’est « retrouvé » dans le logo que j’ai créé, alors j’ai atteint mon but ! Les gens qui lancent leur activité y mettent beaucoup de cœur, c’est un peu leur « bébé », alors je ne peux pas les décevoir.

Beaucoup n’ont pas vraiment prévu de budget pour leur communication…
Non, et souvent les gens commencent par faire par eux-mêmes… Mais au bout de quelques temps ils se tournent vers un pro quand ils réalisent que c’est un métier, et qu’il vaut mieux faire confiance à un professionnel qui a les codes pour communiquer.
Qu’as-tu appris depuis que tu as démarré, sur tes méthodes de travail ?
J’ai appris entre autres à bien cadrer mon travail, en amont, lors du devis, pour éviter tout malentendu car certaines personnes ne réalisent pas que si elles changent d’avis à plusieurs reprises concernant leurs textes (le contenu, la longueur), cela bouscule la mise en page.
Autre exemple, pour les logos, on se met d’accord sur un nombre de propositions (en général, je propose trois projets). Je ne fais jamais le même devis, je le personnalise. Certains n’ont pas trop de budget ou alors il y a le cas des associations. J’essaye de faire un tarif pas trop élevé, ou alors d’adapter le temps que je passe…
Tu as ton bureau chez toi… Comment fais-tu la séparation vie professionnelle et vie familiale ?
Je commence ma journée quand mon mari part travailler, et je m’arrête quand il revient vers 19 h ! Je ne travaille pas le week-end, ni pendant mes vacances, sauf s’il y a urgence. Avec ces horaires ma vie de famille est préservée ! Travailler chez moi me permet aussi d’être disponible en cas de besoin pour mes deux enfants de 14 et 18 ans (comme prendre la voiture pour les conduire quelque part !).
Je crois que tu aimes bien les réseaux…
Oui, les réseaux sont super importants ! Pour moi, c’est l’entraide, l’échange d’infos… Je suis assez active dans le Club des Créateurs et Repreneurs d’Entreprise du 22 (CCRE22), sur Dinan et Lamballe, où on échange sur nos domaines d’activités et les problématiques des créateurs d’entreprises. Et il y a le CBC22 (Club Bretagne Communication) à Saint-Brieuc. C’est un Club de communicants : des responsables de com’ en collectivités, des graphistes, etc. Et je fais aussi partie de Femmes de Bretagne ! Je ne suis pas très « commerciale », alors grâce à tous ces réseaux j’ai fait beaucoup de rencontres.
Que t’as apporté le réseau Femmes de Bretagne ?
J’ai participé à plusieurs rencontres organisées par Karelle Ranson, à Pleudihen-sur-Rance et à Dinan, qui ont initié de belles collaborations du côté Nord Bretagne ! J’y ai rencontré des femmes des environs, et certaines comme Anne Chaumont (Up’Cycling France) et Cécile Mugler (Les Peintures Malouinières) sont devenues des clientes avec lesquelles j’ai collaboré sur plusieurs projets. Et j’aime aussi de temps en temps répondre à un « coup de pouce » ou accueillir les nouvelles sur le site.
Quel conseil aurais-tu envie de donner à celles et ceux qui aimeraient se lancer en indépendant ?
D’oser aller vers les autres, même si ce n’est pas facile, pour ne pas être seul. Intégrer un ou plusieurs réseaux, favoriser le partenariat local et participer à la vie de sa commune ou de sa région, en rejoignant le monde associatif. Quand je suis arrivée dans mon village de Saint-Esprit des Bois (Plédéliac), je ne connaissais personne, mais peu à peu j’ai trouvé ma place ! Le bénévolat m’y a énormément aidé. Je fais partie de plusieurs associations et j’en ai même créé une : « Lentcho ». Les membres actifs ont entre 14 et 45 ans, c’est une association inter-générationnelle. Nous organisons des évènements culturels et festifs (concerts, contes, salons, spectacles de cirque…) depuis un an, en Côtes d’Armor.
Je pense qu’il est primordial d’être bien entouré pour avoir confiance et croire en soi. J’ai eu la chance d’avoir les encouragements de mon mari, mes amis et ma famille. Au départ, je n’étais pas du tout sûre de moi. Mais j’ai pris confiance peu à peu en devenant indépendante !
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