Lisa Mc Garry, à la tête de Mobeefox et Mizenboîte : « On ne peut développer une entreprise sans faire un travail sur soi »

Lisa McGarry est dirigeante de Mobeefox, une start-up qui permet de créer des interfaces mobiles multimédia, et depuis peu de l’imprimerie-façonnage Mizenboîte. Elle partage avec nous les leçons qu’elle a su tirer de son parcours, avec ses réussites et ses embûches. Une chef d’entreprise douce et courageuse, passionnée de coaching.

Mobeefox vient de remporter un prix au concours Lépine. Comment vis-tu cette récompense ?

Je suis très heureuse et fière, il y avait quand même quelque 530 projets au total ! Nous avons reçu la Médaille du secrétariat d’Etat chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger (qui dépend du Ministère des Affaires Étrangères). On s’était dit « on participe », mais on n’avait pas d’objectifs spéciaux… Alors c’est une très belle surprise ! Mobeefox a été récompensé car c’est un produit qui peut être multilingue en un instant, et qui peut être accessible à tout type de culture et d’utilisation. Son lancement en 2006 nous a demandé beaucoup d’efforts et de persévérance, alors on savoure vraiment cette reconnaissance, d’autant plus que là l’activité est en pleine expansion !

Peux-tu nous parler de ton parcours, avant la création de Mobeefox…

Je suis Irlandaise et j’ai fait mes études en France. J’ai passé le bac et un BTS de communication, que je n’ai d’ailleurs pas obtenus, à « zéro-virgule-quelques-points » près, tous les deux ! ! Sur le moment, je l’ai plutôt mal vécu ! Cela faisait peu de temps que j’étais en France, et je n’étais pas très forte à l’écrit. Quand, il y a quelques années, j’ai passé et obtenu un Master en Coaching à Paris, cela a été pour moi une petite victoire. Comme quoi cela avait laissé des traces ! En France, on attache beaucoup trop d’importance aux diplômes !

Il y a une grande différence avec l’Irlande ?

Bien sûr, dans la culture anglo-saxonne en général, on considère qu’il n’y a pas d’échecs, il n’y a que des expériences ! Le diplôme n’est que la validation par un certain corps d’une manière de penser. On ne devrait pas recruter sur un cv, ni sur des diplômes, mais sur des compétences, des capacités et des motivations ! Le « savoir-être », c’est ça qui est important ! C’est à cela que je pense quand je fais passer des entretiens de recrutement : chercher avant tout ce que la personne a envie de faire et d’apprendre.

Après tes études, tu as travaillé dans la communication ?

J’ai d’abord été assistante de direction bilingue, puis j’ai travaillé dans la communication et le marketing, comme consultante, directrice artistique, enseignante… La transmission est une de mes passions. En  2001, mon compagnon Jean-Richard Maguet et moi sommes devenus entrepreneurs, par le rachat de deux entreprises. D’abord une entreprise d’édition de logiciels à Châteauroux, qui comprenait six personnes et avait un CA de 600 000 euros. C’était un départ en retraite, avec un plan de continuation… Suivi de trois croissances externes. Puis une web agency parisienne… Pendant sept ans, j’ai co-dirigé avec lui cette entreprise, qui comprenait en tout 25 personnes, sur deux sites. Quand en 2008 nous avons revendu, l’entreprise faisait 2,5 millions de chiffre d’affaires.

C’était donc une belle réussite ; pour quelles raisons avez-vous revendu l’entreprise ?

Les choses se passaient mal pour notre fils à l’école, pour des raisons de santé ; nous avons décidé de donner priorité à son bien-être. Nous avons voulu nous rapprocher de notre famille, qui est dans le Sud-Finistère. C’était important qu’on se recentre sur notre famille, et qu’on prenne du recul. Aujourd’hui notre fils est heureux, et il va bien ! En nous installant en Bretagne, nous avons trouvé un nouvel équilibre.

Cela avait été un de tes souhaits de devenir chef d’entreprise ?

Non, pas à ce moment là, c’était plutôt le projet de mon compagnon, et moi j’étais en second, j’étais en position d’exécutante. Je ne m’épanouissais pas vraiment, j’étais même en souffrance. L’entreprise pour moi, c’était surtout du stress, voire des angoisses. Aujourd’hui c’est très différent !

C’est à cette période que tu as décidé de faire une formation de coach ?

Oui. En fait Jean-Richard et moi avons eu besoin de vraiment prendre du recul, de comprendre le vécu que nous avions eu à la tête de l’entreprise. Pendant la période de vente de notre maison, il a fait un Master 2 en Management et organisation au CNAM, et moi une formation en Psychologie du travail et un Master 1 en Coaching à Paris VIII. Et pour mieux comprendre les mécanismes qui s’étaient joués, tous les deux on a fait une formation de développement personnel de douze jours, une expérience très intense ! Cela nous a vraiment « décrassé » de notre posture de chef d’entreprise !

… C’est-à-dire ?

Cela nous a fait grandir et changer tous les deux. On ne peut développer une entreprise sans faire un travail sur soi, car la personne et l’entreprise sont indissociables. Depuis la formation, j’ai coaché d’autres chefs d’entreprise mais maintenant, j’ai mis cette casquette de côté. Par contre, j’utilise au quotidien tout ce que j’ai appris, notamment avec mes clients, pour l’activité « conseil en stratégie de communication » qui s’est développée naturellement avec Mobeefox. J’accompagne mes clients depuis la réflexion jusqu’au lancement des produits, avec l’envie de les rendre autonomes. C’est ça qui est enthousiasmant. Et ils sentent que je ne suis pas là pour faire du business sur leur dos, il se bâtît une confiance. On avance ensemble…

Parle-nous de Mobeefox ? Comment l’idée t’est-elle venue ? 

En arrivant en Bretagne, suite à la vente de notre entreprise, nous avons cherché, mon compagnon et moi, comment répondre au mieux, avec notre expertise et notre expérience, aux nouveaux comportements des consommateurs, tout en répondant aux besoins des entreprises de toutes tailles d’avoir des outils simples pour communiquer… Mobeefox est né de cette réflexion. C’est un site internet responsive (qui peut se lire sur les écrans de téléphone mobile), avec des fonctionnalités d’application. C’est un hybride entre le site et l’application mobile, sans qu’il y ait quoi que ce soit à télécharger pour l’utilisateur final. C’est une application « accès libre », « cloud » accessible via des technologies sans contact.

Quelle est son originalité ?

Tout d’abord, le consommateur peut accéder rapidement au site Mobeefox en flashant un QR-code ou un tag NFC, mis sur le support de communication ou la PLV (publicité sur le lieu de vente). Sur un packaging ou sur une étiquette, l’espace est limité, or il faut savoir qu’il y a de plus en plus de mentions légales à indiquer. C’est le cas par exemple dans l’agro-alimentaire, la cosmétique. Il ne reste plus beaucoup de place pour d’autres informations sur le produit : le dernier mode d’emploi, une vidéo tutorielle, la fidélisation, l’interactivité – tout ce qui concerne les échanges avec le client -. Avec la solution Mobeefox, une entreprise peut vraiment apporter à ses clients un supplément d’informations.

De plus, le QR-code de Mobeefox est permanent, il n’a pas besoin d’être renouvelé. Il met à jour en temps réel toutes les informations et fonctionnalités de l’application. Plus besoin de changer le packaging ou de réimprimer de la documentation ! Et en dématérialisant l’information, on fait des économies de papier et carton ! C’est un coût en moins pour l’entreprise et un geste en plus pour la planète.

Peux-tu nous présenter maintenant Mizenboîte ?

Mizenboîte est l’entreprise que nous venons de racheter, à Pordic, dans les Côtes d’Armor – anciennement SH Imprimeur -. C’est un des deux seuls imprimeurs-façonniers en Bretagne. Au départ, nous voulions acheter une agence de communication pour répondre aux besoins des clients de Mobeefox. Nous avions vu une annonce pour une petite agence. Dans les mêmes locaux se trouvait l’imprimerie… On a visité le site et on est tombés amoureux de cette activité artisanale ! C’est du pliage-collage à base de carton plat. Une belle entreprise qui a un vrai savoir-faire… Elle réalise du packaging de petites et moyennes séries, et il y en a très peu qui font çela. On peut aller de 1 boîte à 200 000 boîtes !

Racheter une petite imprimerie ne faisait pas partie des plans…

Pas du tout ! Mais c’est ça la vie d’une entreprise, il faut saisir les opportunités et écouter ses intuitions. Le rachat s’est fait très rapidement, je crois que c’est même du jamais vu de ce point de vue ! On a rencontré le directeur le 26 octobre, on a signé le protocole d’acquisition avant la fin décembre et on a fait le rachat le 1er avril.  Comme on était déjà présents dans l’activité depuis le 1er janvier, et qu’on a eu trois mois d’intégration, tout s’est passé vite et bien. Et puis c’est vrai que nous commençons à avoir un peu d’expérience…

Cette activité artisanale est à l’opposé des technologies en ligne…

Oui, avec l’activité façonnage de Mizenboîte, on est dans le traditionnel, avec des choses palpables, et ça me plaît ! Mobeefox est à la pointe des technologies ; donc on allie le futur et la tradition, et on a deux activités complémentaires. C’est une belle aventure ! Pour moi qui suis une créative, le tournant que nous venons de prendre me convient vraiment bien.

Tu disais que le lancement de l’entreprise avait été difficile…

Au lancement de Mobeefox, qui était précurseur, il a fallu évangéliser avant de pouvoir vendre. Il y a eu des moments très difficiles, où on a été à deux doigts de se décourager ! De plus, je souffre du dos depuis quatre ans, au point que je dois prendre des cachets au quotidien. Certains jours, j’ai du mal à marcher… Heureusement, je suis prise en charge par la clinique de la douleur à Vannes, et ils sont formidables. Je suis beaucoup plus mobile déjà, et toutes les portes sont ouvertes ! Mon dos n’est plus un frein comme il l’a été…

Tout ce surcroît de travail ne t’effraie pas ?

Et bien comme à mon habitude, je ne regarde pas la montagne, je regarde mes pieds ! C’est vraiment pas à pas que l’on fait son chemin. Je prends les obstacles un par un, et alors ce ne sont plus des obstacles. J’ai beaucoup de travail, mais c’est un bon signe. On lance des recrutements en ce moment !
Reprendre une entreprise suppose aussi de gérer de nouvelles équipes, ta formation en coaching doit t’être utile !
Oui pendant cette formation j’ai étudié diverses techniques, comme l’analyse transactionnelle ou la communication  non-violente, dans laquelle l’écoute est primordiale. Il faut être capable de s’exprimer quand ça va bien, mais aussi quand ça va mal. C’est très important de savoir se parler. Cela fait très peu de temps qu’on a repris l’entreprise Mizenboite, mais je vois qu’il y a déjà des résultats notables. C’est un travail de tous les jours. Bien entendu, si on veut apaiser, il faut d’abord être apaisé soi-même. Il faut avoir fait un travail sur soi en premier ! La clé c’est de remettre l’humain au centre de tout.

As-tu des conseils pour rester zen dans les situations très tendues ?

L’outil le plus important c’est : relativiser. On s’arrête et on prend quelques minutes, on ne fait rien. Ensuite on dresse la liste des priorités. Il faut savoir aussi lâcher prise sur les choses qu’on ne peut pas faire. Se dire : j’ai fait de mon mieux… Selon moi pour être un bon chef d’entreprise, il faut apprendre à apprendre. Moi j’ai d’abord appris sur le tas, au quotidien, par nécessité, pas toujours dans le plaisir. Aujourd’hui c’est un vrai plaisir pour moi d’apprendre. Performance et plaisir doivent aller de pair !

Pour finir, comment fais-tu pour te ressourcer ?

Je pars faire du bateau ! En bonne irlandaise, j’ai besoin de la mer… Et j’ai de la chance, entre mon domicile à Belz et mon nouveau bureau à Pordic !