Julia Bosque, créatrice et gérante du bar-cave à bières Le Repaire à Combourg : « Suivez votre instinct, c’est très important »

À Combourg, (35), c’est dans un hangar que Julia Bosque, 25 ans, a choisi d’installer le bar-cave à bières dont elle rêvait. Et le succès est au rendez-vous. Au gré de ses envies et des demandes de ses clients, elle propose maintenant soirées à thèmes, dégustations, concerts, speed dating…

Bonjour Julia, peux-tu nous résumer ton parcours professionnel avant le Repaire ?

J’ai fait une licence de commerce à Rennes. L’entreprise où j’effectuais mon stage de fin d’études (ça s’était très bien passé), m’a embauchée, en tant que responsable commerciale Grands Comptes pour la Bretagne. C’est une entreprise (Sofemat) qui vend des machines pour travaux publics. J’y suis restée 1 an et demi, puis j’ai obtenu un poste de directrice de magasins pour Lidl. J’ai travaillé à Avranches, Redon, Alençon, Vire, Saint-Méen-le-Grand… puis je suis arrivée à Combourg, où je suis restée neuf mois.

C’était comment chez Lidl ?

Dur mais très formateur, puisque j’ai appris à gérer un magasin, à faire le recrutement, les commandes, les mises en rayon…  On doit tout faire quand on travaille chez Lidl.  Les employés travaillent comme des fous. Mais ce qui était vraiment difficile pour moi, c’était d’appliquer des procédures même si je ne les comprenais pas ou si je n’étais pas d’accord. C’était très frustrant !

C’est pour ça que tu as quitté ce poste ?

Oui, après un an et demi, je me suis rendue compte que j’étais capable de faire beaucoup pour les autres, et que ça serait vraiment bien de faire la même chose, mais pour moi ! J’ai toujours voulu faire « mon truc à moi », je ne savais pas dans quel domaine, mais j’avais cette envie depuis très longtemps. L’idée du bar à bières m’est venue pendant cette période où je travaillais à Combourg. Quand je voulais sortir, à deux ou avec les gens de mon équipe le soir après le travail, il n’y avait plus d’endroits sympas à Combourg. On allait à Rennes ou Saint-Malo. Dommage, car Combourg n’est pas une toute petite ville, et en plus il y a plein de jeunes !

Le Repaire est un endroit assez atypique, puisque c’est une cave et un bar à bières, installé dans un grand hangar, un peu à l’écart du centre ville. C’était ce concept que tu voulais dès le début ?

Oui, je ne cherchais pas un bar ou un pub en plein centre-ville, mais un lieu un peu à l’écart, de façon à être plus libre. Comme ça mes clients peuvent profiter de l’extérieur et de la terrasse, le soir ou quand il fait beau, et on peut organiser des concerts sans que ça pose de problèmes pour les riverains. Les camions des livreurs se garent facilement… Je voulais proposer un grand choix de bières différentes, à la vente ou à la consommation. Il me fallait de l’espace, alors ici c’est parfait !

Comment as-tu monté ton projet ?

Bon, après avoir quitté mon précédent boulot, chez Lidl, j’ai d’abord eu une petite phase de déprime, environ trois mois, où j’ai pas mal cogité sur ce que j’allais faire… Puis j’ai pris rendez-vous avec Pôle Emploi et avec l’Espace Entreprises, et on m’a orientée vers la BGE, qui m’a bien aidée, notamment pour monter le plan de financement. Avec ça j’ai pu obtenir mon prêt à la banque. J’ai mis un an pour bien ficeler mon projet, c’était important, j’ai pris le temps de bien faire les choses. Mon projet a juste pris quelques mois de retard parce que je me suis désistée, au dernier moment, sur un local que j’avais trouvé près de la Gare. Tout était bouclé, j’avais le prêt de la banque, les plans, et le bail prêt à signer… Une nuit je me suis dit « Stop, ce n’est pas le bon lieu, on arrête tout ! » Et j’ai bien fait, car 2 jours après je trouvais pile l’endroit qu’il me fallait… Une petite annonce sur le Bon Coin qui venait d’être publiée. Le prix était beaucoup plus élevé que pour le premier local, mais la banque m’a suivie car c’était vraiment ça que je voulais. Le soir même je signais ce nouveau bail.

Le Repaire va bientôt fêter ses 1 an… Qui sont tes clients ?

J’ai toutes sortes de clients, tous les âges, des hommes et des femmes. Selon les jours, ça varie. Les gens viennent seuls, entre amis, collègues ou en famille. Il y a des artisans, des gens des entreprises du coin. Il y aussi des gens qui ne viennent que pour le magasin. Ils achètent les bières à l’unité ou en fûts, de 20 et 30 litres, et je prête une tireuse pour les mariages, les associations, les festivals… Je fais aussi des tarifs pour les associations.

Qu’est-ce que les gens te disent à propos du Repaire ?

Ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand les gens me disent qu’ils se sentent bien ici, un peu comme à la maison… J’ai des groupes d’amis qui ont 40, 50 ans et qui s’éclatent en jouant au babyfoot ou aux fléchettes, ils viennent ici se détendre. C’est exactement ce que je voulais, que ce soit simple, décontracté, que ce soit un lieu de rencontres entre les gens aussi.

Tu m’as dit que ce que tu aimais entendre au comptoir, c’est « qu’est-ce que vous me conseillez aujourd’hui ? », plutôt que « un demi » !

Oui, c’est bien que les gens soient curieux de goûter de nouvelles bières qu’ils ne connaissent pas, il en existe des centaines… Les gens ne viennent pas là juste pour « picoler une bière ». Au comptoir, j’ai maintenant 8 becs de tirage, pour servir 8 bières différentes à la pression, et je change toutes les 2 semaines. On découvre les nouveautés ensemble. Toutes ont leur saveur ou leur mode de fabrication particulier. Mon but, c’est de trouver « la » bière que va aimer le client. Pour ça il faut poser les bonnes  questions… « Bière blonde » : amère ou forte ? Fleurie, épicée ? Au bar, les bières sont présentées par catégorie : blondes, brunes, ambrées, amères, fruitées… Après il y a des sous-catégories, des bières maltées, sucrées, herbacées… J’ai une bière qui a été brassée à la lavande par exemple. Il y a des bières qui ont vieilli dans un fût de bourbon, des bières avec de fortes notes de café… J’ai aussi des bières sans alcool. Et si quelqu’un me dit « je n’aime pas la bière, vous avez quoi d’autre ? », j’essaye de lui faire goûter une bière qui va le faire changer d’avis !

Proposer des nouveautés régulièrement, c’est ça le secret de la réussite ?

Oui, c’est ça qui me motive : innover. Changer le style de musique, la disposition de la salle, les soirées à thème… Et d’ailleurs j’entends souvent ça aussi : « ce qui est bien ici, c’est que ça change tout le temps ! » Audrey, qui travaille maintenant avec moi, et avec qui ça se passe très bien, a aussi plein d’idées. De mise en place de magasin, de promos, d’animation, etc.

Vous êtes deux depuis le début ?

Oui, dès le début j’ai embauché quelqu’un, à temps plein, en CDD puis en CDI. Il y a beaucoup de travail avec le stock du magasin à ranger, à gérer, et le bar à tenir. Et c’est physique !

Tu proposes aussi des soirées dégustation ?

Oui, c’est une fois par semaine maintenant, sur réservation, à 20 euros par personne. On ferme au public à 20 h 30, et ça commence tout de suite après. Je fais une grande table, et je propose entre 5 et 7 bières totalement différentes, une bouteille pour deux (du 25 ou 33 cl). Je mets plein de pâté et de saucisson à grignoter. Le plaisir, c’est de deviner le type de bière et de mettre des mots dessus. Tout le monde discute autour d’une table, cela peut finir à 23 h comme à midi et demi.

Tu as organisé des concerts aussi et des soirées à thèmes…

Oui, on a déjà eu deux concerts de reggae, et quatre concerts de rock, avec des groupes locaux, sauf un qui venait du Mans. Et j’ai plein de demandes maintenant.

 

 

Et les speed dating…

J’ai fait une soirée Speed dating, pour la Saint-Valentin.  J’avais eu pas mal de demandes pour ça. Avec 10 hommes et 10 femmes. On a fermé au public à 20 h 30, puis on a présenté tout le monde et on a expliqué le déroulement de la soirée. On avait préparé des petites décorations de table, et offert un verre à tout le monde. À la fin tout le monde a bu un pot, on a terminé tard, c’était très sympa. Et ce qui est super, c’est que les gens qui ont participé ont bien sympathisé ! Ils se sont d’ailleurs réunis de nouveau ici. Et il y a un couple qui s’est formé. On va en refaire, c’est prévu !

C’est vraiment une bonne idée pour sortir les gens de l’isolement ça… Bon, ici au Repaire, il y a à peu près 150 m2 qui est dédié au bar et à la consommation, avec de grandes tables en bois, style taverne, un coin fléchettes, baby foot et billard… et le reste, au fond, c’est le magasin. Les deux sont à peine séparés, on est en mode « open space »…

Oui, c’est très pratique, mon magasin c’est aussi ma réserve pour le bar. Au début, les livreurs étaient étonnés en arrivant ici… Quand j’ai besoin d’une bière, je n’ai qu’à faire quelques mètres. Entre deux clients, je gère facilement mon stock. Et comme ça mes horaires de travail correspondent aux horaires d’ouverture du Repaire.

Dans ton idée d’origine, l’aspect vente à emporter, « cave à bières », devait être dominante par rapport au bar, c’est ça ?

Oui. Et en fait maintenant, c’est 50/50. J’ai été surprise par le succès du bar, et d’avoir autant de monde le week-end. Ça correspondait vraiment à un besoin…

Tu n’as jamais eu de problèmes avec des clients un peu trop éméchés ?

C’est rare. Je ne me suis jamais sentie seule. Et on est dans une petite ville tranquille, il y a rarement des soucis.

Les amateurs de sport sont chouchoutés ici, il y a un petit et un grand écran…

Oui, il y a une télé, où on peut passer aussi bien du foot, que du ski ou du rugby… et pour les soirs de grands matchs, un grand écran avec vidéoprojecteur. Je communique beaucoup avec mes clients via facebook. Ils me signalent directement sur ma page, quand il y a un match qu’ils aimeraient voir ! Je suis aussi sponsor, à l’année, des clubs de Combourg : le club de rugby, de foot, de volley, de hand, de basket, et de moto cross. Et le stock car ! Tous, quand ils viennent ici, sont accueillis comme des rois !

On voit que tu es à l’aise pour animer ce lieu, et que tu aimes ce que tu fais.

J’ai toujours eu plein d’idées et dans les postes que j’ai eus on m’a toujours freinée, alors là je m’éclate !

Et bientôt une journée « ActuElles », organisée avec le réseau Femmes de Bretagne, le 12 mars

Oui, le 12 mars, le Repaire accueillera un événement spécial pour les femmes, organisé par Agnès Bérenguer et Delphine Guglielmini. Une première ici pour les femmes ! Le but est de les mettre en avant, de susciter des rencontres, de faire connaître les commerçantes, artisanes, indépendantes de Combourg ou ses environs. Il y aura deux défilés de mode, des stands, des mini-conférences, et bien sûr de quoi boire et manger !

Pour finir, quel conseil aimerais-tu donner aux Femmes de Bretagne ?

De suivre leur instinct, c’est très important. J’aurais pu me laisser décourager si j’avais écouté certains conseils. Beaucoup de gens me mettaient en garde (souvent des hommes !) Mon comptable, mon maître d’œuvre étaient plutôt pessimistes. Mais moi je croyais à mon projet, d’autant plus que je l’avais bien préparé.

Christine Debray-Laizé, créatrice de la compagnie La Ronde Bleue : « L’amour gagne toujours »

Christine Debray-Laizé, violoniste, chanteuse et comédienne, met en scène, avec son mari conteur et percussionniste, des contes musicaux pour enfants. Cette artiste généreuse et passionnée de transmission aborde avec eux le thème de la mort, dans sa dernière création, La Sonata Miho. Pour mieux célébrer la paix et à la vie.

Bonjour Christine, sur le site internet de la Ronde Bleue, on peut lire : « Parce qu’ils sont le monde de demain, parce que nous croyons que l’art peut transformer un regard, parce que nous aimons l’authenticité de leur présence, nous avons choisi de créer pour et avec les enfants. » C’est un peu le credo de la compagnie ?

J’ai beaucoup de plaisir à créer des spectacles pour enfants et à leur transmettre l’amour de la musique. Les enfants ont beaucoup à nous apprendre, ils savent être là, totalement, dans l’instant présent, et ils sont vrais. Avec La Ronde Bleue, j’essaye de réunir ce qui compte beaucoup pour moi : la musique, l’art, le partage, l’enfance, la transmission.

Les spectacles de la Ronde Bleue sont de grande qualité. Tu peux nous les présenter en quelques mots ?

Les spectacles de La Ronde Bleue se veulent une ouverture sur le monde, riches de sens. Nous faisons voyager les enfants, grâce à la musique et les contes, à travers d’autres cultures, d’autres pays. Par exemple, avec Zouna qui est un spectacle inspiré d’un conte gitan, nous avons travaillé avec un chanteur et guitariste flamenco. La danse du Renne et du Korrigan est né de notre rencontre avec une éleveuse de rennes et la culture Sami (de Laponie). La Sonata Miho, elle, nous emmènera au Japon…

Tu fais aussi de l’initiation musicale, au travers d’ateliers ou de spectacles, y compris pour les tout-petits…

Oui, comme avec le spectacle Capucine, pour les 0 à 3 ans, ou Souffle et grandit, pour les 3 à 6 ans, qui est une initiation à la musique classique. Pour Capucine, je me suis basée sur les enseignements de Maria Montessori, qui est pour moi depuis longtemps une référence. Sa pédagogie m’a toujours beaucoup inspirée pour l’enseignement de la musique.

Tu es diplômée du Conservatoire National Supérieur de Paris, où tu as appris le violon alto. Tu viens d’une famille de musiciens ?

De musiciens amateurs mais passionnés ! Ce sont mes parents qui m’ont initiée à la musique. A la maison (j’habitais Au Mans), mon père jouait de la guitare et ma mère chantait tout le temps. Et avec ma grand-mère agricultrice, en Bretagne, je chantais dans les fêtes de famille. Ce sont de très bons souvenirs. J’ai grandi dans une famille joyeuse, ouverte aux autres.

Ta prochaine création s’appelle La Sonata Miho. Elle est inspirée d’une histoire vraie… 

Oui, elle est basée sur l’histoire vraie de Sasaki Sadako (surnommée « Miho » dans le spectacle, « celle qui chante »), une enfant japonaise de 12 ans, atteinte de leucémie suite au bombardement d’Hiroshima. Dans la tradition de l’origami, cet art du pliage au Japon, il y a la grue, qui est un bel oiseau.  Une légende dit que si l’on plie 1000 grues, le vœu que l’on fait peut se réaliser. Sadado a plié 644 grues, comme autant de petites prières pour sa guérison et la paix dans le monde. Elle n’a pas survécu à sa maladie, mais ses camarades de classe ont continué pour elle, et collecté de l’argent pour construire un mémorial à la paix. Depuis, chaque année, dans le monde entier, des grues sont envoyées à ce mémorial, où elles forment de belles guirlandes colorées. Le message de cette histoire, qui s’adresse aux enfants mais touche aussi leurs parents est : « vous pouvez être des acteurs de paix » !

C’est ce message que tu veux transmettre à ton tour, en créant La Sonata Miho ?

Oui, c’est un message d’espoir, dont on a grand besoin actuellement. Quand j’ai découvert l’histoire de Sadako, et cet élan qui s’est créé autour d’elle, j’ai été très touchée. Le thème de la mort y est présent, mais il est transcendé par cette légende des 1000 grues, et par l’élan très fort venu de cette petite fille et de tous ses camarades. Ces petits Japonais ont réussi à lancé un appel à la paix qui a fait le tour du monde, et qui continue aujourd’hui à transformer les gens. Les enfants se passionnent pour cette histoire.

La mort et particulièrement la mort d’un enfant est un sujet tabou dans notre société, rarement abordé car il est douloureux et qu’il fait peur…

Oui, mais j’ai eu vraiment besoin d’aborder ce sujet. L’année dernière, mon fils qui avait 4 ans a pris conscience de la mort. Il nous posait beaucoup de questions comme « Pourquoi on meurt ? » « Maman, est-ce que tu vas mourir un jour ? » Il a été comme ça pendant des semaines. J’essayais de calmer ses angoisses ; au début pour ne pas le heurter, je lui ai dit que je mourrai quand je serai vieille. Ce n’est que quand on lui a dit la vérité : « Oui, je vais mourir un jour, et je ne sais pas quand, et c’est pareil pour nous tous », qu’il s’est apaisé. Je pense vraiment que les enfants ne sont pas dupes, ils pressentent beaucoup de choses et savent bien au fond d’eux-mêmes quand on leur ment. En parlant de cela avec d’autres parents, je me suis rendue compte que beaucoup cachaient la vérité à leurs enfants, qu’ils avaient peur d’en parler. Ensuite sont arrivés les attentats…

Comment ont réagi tes enfants face à cette violence ?

A la maison nous n’avons pas la télé, mais les enfants en parlaient entre eux à la récréation. Mon fils, comme beaucoup d’autres enfants, est revenu le soir de l’école avec des questions comme : « pourquoi le monsieur il s’est fait exploser ? » Et après, il y a eu les exercices de confinement dans les écoles, qui ont suscité d’autres  interrogations… La violence fait partie de ce monde, mais avec les médias, internet ou en entendant les conversations des adultes, ils sont vraiment bousculés par elle.

En mettant en scène La Sonata Miho, tu invites les enfants « à regarder le monde tel qu’il est, mais en leur montrant qu’ils ont en eux le pouvoir de le transformer ». Pour cela La Sonata Miho est plus qu’un spectacle !

Oui, c’est un vrai projet de territoire qui va durer plusieurs années et qui lie le social, l’artistique et le pédagogique. La Sonata Miho est déclinée sous une forme courte (La Sonatine), qui ira dans les écoles, les médiathèques, les salles de spectacle, mais aussi les hôpitaux, les instituts spécialisés… Elle donne lieu à des ateliers d’écriture, où les enfants peuvent écrire à la petite Miho, leur peur, leur colère, toutes leurs émotions. Ce qu’il faut c’est qu’ils ne gardent pas ça au fond d’eux. Il y a aussi des ateliers de découverte de la culture japonaise : l’origami, les percussions japonaises, la danse Buto, etc. Pour accompagner le montage de ce projet, la Ronde Bleue bénéficie de l’accompagnement d’une experte du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, depuis plusieurs mois. L’aventure vient de commencer, en pays de Brocéliande. A Iffendic par exemple, le projet réunit la médiathèque, la mairie, le centre culturel, les deux écoles, le foyer de vie et la maison de retraite. C’est une occasion rêvée de construire la paix à l’échelle d’une ville ! Ce projet vise aussi à créer du lien entre voisins, parents et enfants…

Comment ont réagi les professeurs de l’école d’Iffendic où a démarré le projet ?

Les équipes enseignantes sont épatantes, et les enfants avaient plein de choses à exprimer et de nouvelles idées. Cela a été magique de voir le projet démarrer et prendre forme, et les gens touchés…

Peux-tu nous parler un peu de la scénographie de La Sonata Miho ?

Le spectacle mêle les instruments japonais, – la flûte traditionnelle et des percussions comme le Taiko -, et Jean-Sébastien Bach. C’est un pont entre l’Orient et l’Occident. J’ai le plaisir de jouer La Chaconne, cette œuvre que j’adore et qui mêle si bien tristesse et joie. Le décor met en scène les origamis fabriqués par les enfants, des animations évoquant le voyage des grues dans le monde intérieur de la petite fille. Une création sonore fait entendre les voix des enfants, lisant les lettres qu’ils ont écrites à Miho…

Comment la disparition de Sadako est-elle évoquée ?

Miho était shintoïste, elle croyait aux esprits de la nature. Dans le spectacle, elle se fond peu à peu dans la nature, en déchirant un fil de soie, qui est comme une porte entre le monde de la vie et de la mort. Derrière la porte, il y la nature, le jardin, qui ouvre sur plein de possibles. Et puis, malgré sa mort, on voit que Sadako est encore vivante à travers nous, à travers le récit qu’on en fait, et le message qu’elle a laissé. De même que la musique de Bach écrite il y a longtemps est toujours bien vivante aujourd’hui.

Tu aimes les voyages et tu es passionnée par le Japon depuis longtemps je crois ?

J’ai eu la chance de voyager lorsque j’étais altiste. Au Japon, j’ai même eu l’honneur de saluer l’empereur ! La culture japonaise m’a toujours attiré. Le tir à l’arc, l’aïkido, la philosophie et la spiritualité orientale… cela m’a toujours accompagnée.

Les premiers spectacles de la Ronde Bleue ont été montés sans subventions…

C’est vrai, tous nos spectacles ont été montés jusqu’ici en auto-production, toujours avec l’idée de faire confiance à la vie, de suivre les « chemins de traverse ». On a  trouvé un appui auprès des bibliothèques, des écoles, des petits centres culturels, et rencontré des gens supers qui croient en l’art et en la beauté. Il y a toujours plein de belles choses et de rencontres qui arrivent quand on fait confiance. Mais là, on s’est embarqué dans une grande aventure, qui va durer plusieurs années. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une équipe formidable avec La Ronde Bleue, regroupant artistes et bénévoles.

Chacun peut donc être co-créateur avec le financement participatif que vous avez  lancé sur HelloAsso…

Oui, ce qui est bien c’est que le fait d’avoir besoin de trouver de l’argent fait parler du projet. Les gens se sentent un peu plus partie prenante, et on les informe au fur et à mesure de l’avancée du projet, par mail et sur notre page facebook. Nous cherchons actuellement des entreprises ou des personnalités qui ont envie de devenir mécènes. Chacun peut s’impliquer avec le crowdfunding, en participant même avec un petit don. On a besoin de partenaires, mais aussi de l’implication des parents, des éducateurs, des élus. Et de tous ceux qui ont envie d’être acteurs de paix.

Vous avez aussi une nouvelle marraine, Magda Hollander Lafon (Rennaise d’origine hongroise, psychologue pour enfants, elle est l’auteure du livre « Quatre petits bouts de pain », où elle parle de sa résilience après sa déportation et la disparition de toute sa famille.)

Je suis très heureuse que Magda Hollander Lafon soit maintenant marraine de La Sonata Miho. C’est important qu’elle soit là à nos côtés… J’ai découvert son témoignage en 2015, quand avec son association « Vivre en paix ensemble », elle a invité les gens à écrire leur « petits bonheurs » place de la Mairie à Rennes. C’est ce qu’elle a fait toute sa vie, pour survivre, regarder ce qu’il y a de beau dans chaque journée. Surtout les “petits riens”.

Comment a-t-elle accueilli ce projet ?

Avec l’enthousiasme mais aussi l’exigence qui la caractérise, elle a compris notre démarche. Avec elle, nous avons parlé de la meilleure façon d’être toujours au service des enfants. Face à une histoire ils réagissent quelquefois comme si cela leur arrivait à eux aussi, ils n’ont pas toujours de distanciation, alors il ne faut pas faire n’importe quoi. La Sonata Miho montre que l’on peut  transformer la noirceur en quelque chose de beau et poétique. Cela change tout ! Ils ne sont pas seuls face à des vérités qui les heurtent et qu’ils ne comprennent pas, comme c’est le cas trop souvent pour eux.  Il faut parler vrai aux enfants, être authentique, et les écouter. Quand Magda Hollander-Lafon va voir les collégiens et les lycéens, elle les invite à oser poser des questions, à se rendre compte qu’ils sont importants, à être acteurs de leur vie. Je trouve cela magnifique.

Pour t’aider concrètement ?

– Devenir coproducteur en se rendant un site de crowdfunding « HelloAsso » (don à partir de 5 euros), puis partager le lien sur les réseaux sociaux
– Liker notre page facebook « La Sonata Miho » et partager nos publications pour faire connaître le projet à vos amis.
– Partager avec vos amis les emails envoyés aux donateurs, pour favoriser la recherche de mécènes et la diffusion du message.
– Participer à nos prochains ateliers de danse Buto, avec un maître japonais, (inscription sur le site ou la page facebook)
– Assister aux spectacles qui auront lieu à partir de 2017 et jusqu’en 2020 en Bretagne.
Ne pas hésiter à nous contacter !
Pour retrouver la campagne de crowdfunding : le lien vers helloasso.com
Pour découvrir la Ronde Bleue et le travail de Christine : larondebleue.fr

Ludivine Lemarié, experte en leadership au féminin : « La joie est mon baromètre »

Ludivine Lemarié aime transmettre autour d’elle la confiance qu’elle a en la vie. Elle nous raconte comment elle a fait de ce talent son métier.

Peux-tu nous présenter ton activité ?

Je fais du coaching, mais j’ai arrêté d’utiliser ce terme, car il est trop vague et un peu galvaudé. Je suis experte en management bienveillant et leadership authentique ; j’accompagne les entrepreneures, les managers et les élues à booster leur confiance, à augmenter leurs performances, pour une carrière pleine de sens. Je les aide à établir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. J’ai démarré cette activité il y a neuf mois. Au départ, je me suis plutôt orientée vers le coaching individuel, mais maintenant je fais aussi des ateliers, des conférences et des formations en entreprise. J’adore l’émulation qui se crée dans un groupe. Et j’aime qu’il y ait de l’interactivité, des échanges, c’est extrêmement enrichissant, pour les participantes et pour moi ! C’est ce qui est formidable dans ce métier, je reçois énormément. J’adore travailler avec les femmes qui ont envie de réussir, qui ont le souhait d’ « apporter leur pierre à l’édifice », quel que soit leur statut : qu’elles soient déjà chef d’entreprise ou qu’elles aient un projet.

Comment as-tu choisi cette voie ?

J’ai travaillé pendant dix ans comme cadre commerciale, dans le monde de l’investissement immobilier et de la défiscalisation. J’étais manager de réseaux et j’animais des équipes de conseillers en gestion de patrimoine, pour la plupart des hommes. J’aimais beaucoup mon travail, mais peu à peu, l’envie m’est venue de donner vraiment plus de sens, de valeur à ma carrière en créant ma propre activité. Alors je me suis lancée en solo après avoir négocié une rupture conventionnelle. Mon envie était depuis longtemps d’aider les femmes à avoir confiance en elles, à être plus ambitieuses, car c’est vraiment le moteur de la réussite. Ce manque de confiance en soi nous concerne presque toutes et tous à certains moments de notre carrière et de notre vie ! Et puis on est dans une société où il faut toujours être le meilleur, et on peut finir par se perdre…

On parle de plus en plus de la souffrance au travail…

Oui, mais quelquefois c’est un sujet tabou. Je vois beaucoup cela chez les cadres, une souffrance inavouée, en silence. Leur position fait qu’ils ne doivent pas se plaindre. Et pourtant il ne faut pas attendre pour agir, en parler. Je suis très touchée par le bien-être en entreprise. Les nouveaux entrepreneurs, les trentenaires y accordent beaucoup d’importance. Ils ont compris que si leurs salariés sont heureux, leur entreprise sera plus performante.

En quoi les hommes et les femmes sont différents dans le monde de l’entreprise ?

Les hommes se posent souvent moins de questions que les femmes, et ils foncent… En général ils ont plus confiance en eux que les femmes. Elles ont tendance à surinvestir leur job, au détriment de leur vie personnelle. Les femmes sont souvent freinées par leur perfectionnisme. On devrait s’inspirer, nous les femmes, de la facilité des hommes à être dans l’action, et eux auraient intérêt à s’ouvrir d’avantage à leur intuition, leurs ressentis, à l’affectif. De plus en plus d’hommes me contactent parce qu’ils ont envie d’apprendre de nous, de laisser parler leur sensibilité. On est très complémentaires !

Manager des équipes d’hommes, c’était comment ?

J’ai adoré travailler avec les hommes, et je pense que j’ai beaucoup appris à ce poste de manager, mais c’est sûr que j’ai dû faire ma place ! J’ai réussi à me faire respecter, tout en créant un climat de travail agréable pour moi et mes collègues. C’est une des choses dont je suis fière et cela m’a vraiment donné confiance en moi. J’ai depuis toujours un caractère très sociable, j’aime les rencontres et je suis curieuse de l’être humain. Pour moi, les qualités humaines et relationnelles ainsi qu’un état d’esprit positif sont primordiales pour réussir aujourd’hui en entreprise.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi quand tu as quitté cette entreprise pour créer la tienne ?

Apprivoiser la solitude. En plus, c’est aussi à cette période que j’ai divorcé. Une semaine sur deux avec mon petit garçon, ça n’a pas été simple pour moi. J’ai eu longtemps une peur bleue de la solitude. Je ne pouvais pas être seule. J’ai fait beaucoup de chemin depuis ! J’ai appris à aimer les moments de solitude. Sans cela, on ne peut pas vraiment partir à la rencontre de soi-même. Quand on connaît ses axes de progrès – je n’aime pas parler de faiblesses -, quand on se connaît, cela permet d’ajuster les choses sans se renier. Bien se connaitre, cela devrait s’apprendre à l’école : mais trop souvent, on fonce tête baissée, et il faut parfois un déclic pour une prise de conscience.

Cela a été ton cas ?

Oui. Après mes études, j’ai travaillé dans le domaine du tourisme, et je me suis énormément investie dans mon activité de commerciale. Je n’étais pas heureuse, je subissais mon propre perfectionnisme, que je m’imposais. C’est comme s’il fallait que je sois toujours à la hauteur des attentes des autres, de ma famille ou de mon entourage.
J’ai pris conscience de tout ça à 26 ans, après le suicide de mon papa. Cela a été un énorme choc pour moi. Je me suis rendue compte que j’avais tout fait pour être la jeune femme idéale qu’il voulait que je sois. J’ai remis en question beaucoup de choses, et je me suis mise à réfléchir vraiment sur le sens de la vie. Je me suis dit : « C’est moi qui vais créer la vie dont j’ai envie ». Je pense vraiment que dans la vie, il faut prendre ses responsabilités, et arrêter de se cacher derrière les « c’est la faute de… ». J’ai réalisé qu’il fallait d’abord que je réponde à mes propres besoins. Et on a besoin d’un retour à soi, à l’essentiel, pour trouver un équilibre. Dans ce « point de rupture », un livre m’a beaucoup aidé : c’est le livre de Guy Corneau Victime des autres et bourreau de soi-même. Tout un programme ! Maintenant, je suis apaisée par rapport à mon histoire. Cela m’a pris dix ans, mais j’ai pardonné à mon papa, et je le remercie pour le chemin que j’ai pu faire grâce à lui…

Qu’est-ce qui t’as guidée et te guide dans la vie Ludivine ?

Je me suis toujours passionnée pour ce qu’on appelle maintenant « le développement personnel ». J’ai toujours cherché à m’améliorer, à me sentir mieux, à dépasser mes peurs… Aujourd’hui, je ne suis attachée à aucune personnalité ou courant de pensée particulier. Ce que j’aime, c’est faire mon propre chemin. Apprendre de mes lectures bien sûr, mais surtout des rencontres et des expériences que m’offre la vie. Mon crédo c’est : il faut se réapproprier son pouvoir personnel. Mon but est toujours d’aider les gens à devenir autonome, à mobiliser les ressources qu’ils ont en eux pour évoluer et être heureux. C’est vraiment comme ça que je vois le coaching. Et je n’aime pas me limiter dans ce que je peux apporter aux autres. Je suis très attachée à ma liberté.

Tu as grandi près de Nantes je crois, et tu y travailles maintenant, tu es une vraie nantaise !

Oui ! Je suis venue à Nantes dès le lycée en pension, et c’était mon choix ! J’aime beaucoup cette ville, très dynamique, pleine d’espaces verts, elle est très agréable à vivre.

En plus de la création de ton activité de coaching, tu as lancé Femmes de Bretagne dans cette ville. Parle-nous de cette aventure !

Oui, cela s’est fait suite à ma rencontre avec Marie Eloy. Je me suis sentie immédiatement « sur la même longueur d’ondes » qu’elle, et vraiment en harmonie avec les valeurs de ce réseau. Alors j’ai accepté avec joie de devenir coordinatrice en Loire-Atlantique. C’est beaucoup de travail, surtout dans une grande ville comme Nantes, mais c’est gratifiant. Cela m’a permis de rencontrer plein de femmes géniales, et j’ai pu être confortée dans mon idée de départ et mon envie de les accompagner, en comprenant de façon précise les besoins des cheffes d’entreprise ou porteuses de projet. Tout ce que j’avais « dans la tête » s’est vérifié et conceptualisé.

Que lis-tu en ce moment ?

J’adore lire. En ce moment, c’est Frédéric Lenoir. J’aime sa façon de parler de la joie et du bonheur au travail. Je suis quelqu’un de très joyeux, mais j’ai failli moi aussi perdre cette joie de vivre… Quand je surinvestissais mon travail, comme une fuite… La joie, c’est le meilleur des baromètres. Il faut se laisser guider par elle. C’est vraiment important de choisir le métier qui nous plaît vraiment, qui nous apporte de la joie. Quand je parle de ce que je fais, de mon métier, je suis joyeuse, car c’est quelque chose qui me fait vibrer. Et quand on décide de changer, on rayonne une autre énergie, qui attire à soi des gens qui sont dans la joie eux aussi ! En France, c’est comme si c’était normal de subir. Il faut vraiment adopter un état d’être différent, confiant, positif !

Où puises-tu ton énergie ?

Dans la danse, que je pratique depuis toute petite. C’est ma thérapie. Du latino au modern jazz en passant par le fitness. Chacun a quelque chose qui lui fait du bien, il faut juste trouver quoi. Il faut s’accorder du temps absolument. Si tu es vide, tu ne peux rien donner.

En plus de ton engagement dans les réseaux comme Femmes de Bretagne, comment te fais-tu connaître ?

Depuis le début, j’utilise beaucoup les réseaux sociaux et notamment facebook, et je fais de petites vidéos. Je me suis lancée il y a quelques mois, ça me fait sortir de ma « zone de confort » et j’aime bien ça. Je trouve qu’une vidéo est plus percutante qu’un écrit. Et il y a des beaux retours à chaque fois. Et j’aurais d’ici peu un beau site internet, flambant neuf : ludivinelemarie.com

Pour finir Ludivine, un rêve ?

On est tous uniques, que l’on arrête de se comparer ! Mon rêve serait qu’on s’en rende compte dès le plus jeune âge. Qu’on ne mette plus les enfants en compétition ! Quand j’étais enceinte de mon fils, qui a sept ans maintenant, je me suis intéressée à l’éducation bienveillante. C’est ce que je souhaite pour tous les enfants, pour l’avenir, qu’ils comprennent qu’ils sont uniques et talentueux. Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain, donc s’ils apprennent à travailler main dans la main dans le respect et la reconnaissance de leurs talents respectifs, notre monde évoluera vraiment !

Photos : Sylvie Cordenner, Couteau Suisse Production

Agnès Bérenguer, céramiste et créatrice de bijoux à Combourg : « Avec mon activité, j’ai mis de l’harmonie dans ma vie ! »

Agnès Bérenguer nous a ouvert les portes de sa boutique et de son atelier, chez elle à Combourg… L’histoire d’une reconversion réussie.

Agnès, depuis quand es-tu céramiste ?

J’ai découvert la céramique il y a 15 ans maintenant, et cinq ans après, j’ouvrai mon atelier. Cela a été dès le début une passion… J’avais une trentaine d’années. J’ai adoré les sensations apportées par le toucher de la terre, une révélation pour moi ! Je me suis dit que cela allait me permettre de faire ma reconversion, en réalisant des bijoux en céramique… J’avais déjà créé des petites collections avec la pâte Fimo (pâte polymère) quand elle est sortie, mais j’avais dû arrêter, par manque de temps. Et depuis toute petite, je confectionnais des bijoux pour ma maman avec tout ce que je trouvais

Dans quel domaine travaillais-tu avant ?

Je travaillais dans la restauration à Paris. Au départ je ne me destinais pas spécialement à ça, j’y suis arrivée un peu par hasard, après un bac G2 (comptabilité). J’ai travaillé dans des restaurants puis sur les salons professionnels. J’installais des restaurants temporaries. J’arrivais avec les cuisiniers, les serveurs, et je gérais les équipes. J’aimais bien mon métier, mais je passais mes journées à courir et j’étais toujours en déplacement. Aussi quand j’ai eu mon deuxième enfant, j’ai dû arrêter.

Avec ton accent chantant, on devine que tu viens du sud…

Oui j’ai grandi à Aix-en-Provence, et je suis arrivée en Bretagne par amour, car j’ai suivi un breton !

Comment t’es-tu formée à ton nouveau métier ?

Je me suis formée en suivant des stages, notamment avec une association de Montgermont, le Gué d’Olivet. Puis du côté d’Angers pour ce qui est de l’apprentissage de la cuisson, car ça ne s’improvise pas, il y a des paliers de cuisson à respecter. Pour le reste je suis autodidacte, et de toute façon il n’existe pas vraiment de formation à la création de bijoux dans le domaine de la céramique. Sinon pour travailler et cuire la terre, l’investissement principal c’est l’atelier et le four. Quand nous nous sommes installés avec mon mari ici à la campagne, nous avons choisi une longère à rénover, dans un lieu qui me permettait d’y installer un jour un coin atelier…

Bien que ton adresse soit à Combourg, on est ici en pleine campagne. Cela a dû être un énorme changement avec la vie parisienne et ton travail dans les salons ?

Oui, j’étais habituée à travailler avec plein de monde autour de moi, beaucoup bruit… et je me suis retrouvée isolée, dans la nature, dans une nouvelle région… Mais comme j’avais mes enfants en bas âge, j’étais très occupée. Dans la restauration de salon, on court tout le temps, on n’a pas le temps de faire une pause ! Ici j’ai trouvé un nouvel équilibre, la création, le calme, m’ont rendue “zen” !  Cela m’a fait énormément de bien.

Nous sommes dans ta boutique – toute en bois – où tu exposes tes créations (à côté de l’atelier). Tu ouvres chaque vendredi c’est ça ?

Oui, tous les vendredis, de 9 h 30 à 18 h, c’est “Portes ouvertes” à la boutique, mais on peut aussi venir dans la semaine, il suffit de me passer un coup de fil ! Et chaque année, pour la fête des mères et fin novembre, avant le marché de Noël, j’ouvre pendant 8 jours, pour présenter une nouvelle collection. Je fais un peu de promo avant, et tout doit être prêt pour le jour J ! Cela me met une grosse pression ! C’est pendant ces 2 semaines que je fais mon plus gros chiffre d’affaires. Depuis le démarrage, j’ai des clientes très fidèles qui viennent tous les ans. Certaines viennent à plusieurs. C’est la « sortie copines » ! Et moi je leur réserve un petit pot d’accueil. Ou alors elles viennent seules. Certaines, qui travaillent dans le coin, passent pendant leur pause de midi, avec leur sandwich ! Je marche essentiellement sur le bouche-à-oreille, depuis le début.

Cette boutique à côté de ta maison, à la campagne, c’est pour toi la meilleure solution ?

Oui. Dès le début, j’ai voulu créer un joli endroit ici pour bien m’occuper de mes clientes et les conseiller, car c’est une des choses que je préfère dans mon activité ! Mes clientes viennent avec leur toilette quand elles ont une cérémonie, et je les aide à trouver le bon bijou. J’adore les aider à personnaliser leur tenue ! Et avec certaines, on se connaît maintenant depuis quelques années, c’est très agréable de se retrouver ! L’été quand il fait beau on peut se poser dans le jardin. J’essaye de me différencier d’un commerce traditionnel. J’aime aussi beaucoup agencer et décorer ma boutique, pour bien mettre en valeur les bijoux. J’aime récupérer des vieux meubles et toutes sortes d’objets que je transforme.
Comme les gens se donnent la peine de venir chez moi, je dois vraiment soigner mon accueil ! J’ai eu quelques craintes quand je me suis lancée, c’était un gros challenge, mais finalement, tout s’est bien passé. Je suis en progression constante depuis le début, avec juste une année 2015 en baisse, mais je crois que cela a été le cas de beaucoup de monde !

Tu exposes tes bijoux en dehors de ta boutique ?

Très peu. Je fais quelques marchés d’artisans comme par exemple Le marché aux fleurs de St-Malo, Les Floréales de Combourg (car je crée aussi des accessoires de jardin). Et mes bijoux sont dans quelques boutiques, mais loin d’ici. Mes ventes se font principalement à la boutique. Je fais très peu de publicité. J’ai un site internet avec une boutique depuis 2 ans, et qui m’apporte aussi quelques clientes… Mais en général elles vont d’abord sur le site puis viennent me voir pour acheter. Le site sert de vitrine.

Quelles qualités demande le travail de la terre ?

Et bien c’est très physique déjà ! Cela demande beaucoup d’énergie. La terre doit être malaxée avant le modelage, il faut nettoyer chaque soir car la terre salit beaucoup. Pour le modelage et la peinture tout est dans la finesse et la subtilité. Pour obtenir de beaux arrondis, il y a un gros travail de ponçage manuel. Tout est peint à main levée. Certaines pièces me prennent des heures, car j’aime avoir un résultat avec de belles finitions. Les bijoux que je crée ont la particularité d’être émaillés sur les deux faces, ce qui implique de les faire cuire sans qu’ils touchent aux plaques du four. Donc la préparation de la cuisson demande du temps. Mais je tiens beaucoup à cette qualité, c’est aussi ma marque de fabrique !

Qu’est-ce qui t’inspire dans tes créations ?

J’aime beaucoup faire des pendentifs qui ressemblent à des petits “tableaux”, dans un esprit “graphique”.  La “dentelle” et les étoffes m’inspirent aussi beaucoup. Je mélange les matériaux, le cuir, les plumes, le métal, la dentelle, le daim… J’incorpore dans mes pigments du granit, des éléments nouveaux… C’est une recherche sans fin !

Es-tu spécialisée dans certains bijoux ?

Non, je propose toutes sortes de bijoux, des bracelets, des pendentifs, des bagues. Je fais beaucoup de boucles d’oreilles car elles me sont très demandées. Ce sont des petits cadeaux que l’on peut offrir ou s’offrir facilement (à partir de 16 euros).  Je m’adresse à tous les âges, de la petite fille à la grand-mère. Dans mon travail et aussi quand j’achète des matériaux, je privilégie la qualité et le made-in-France. Les plumes, je les achète (par correspondance) du côté de Vannes ; ce sont des plumes tombées naturellement, et non pas arrachées directement sur l’animal comme c’est le cas avec certains fournisseurs. II n’y a que pour la partie métallique, les fermoirs, que je me tourne vers des fabricants italiens et belges, car en France on n’en trouve pas !

Les bijoux portent tous un nom, on dirait ?Oui, chaque collection (et même chaque bijou) a son nom ! Cet hiver c’était la collection “Allure”. A partir du 21 mai – pour la fête des mères -, je sors la collection été, beaucoup plus colorée que la précédente. Mes clientes aiment bien ce côté “collections”. Une cliente va s’offrir un collier et quelques fois attendre un peu pour compléter et avoir les autres pièces de la parure. Je veille aussi à personnaliser tous mes emballages et étiquettes, car je pense que ce sont des détails qui comptent. Je fais tout moi-même, mais c’est vrai que tout ça prend beaucoup de temps !

Fais-tu aussi visiter ton atelier ?

Quelquefois, quand on me le demande ! Il m’arrive d’accueillir des groupes de touristes venus en car (du Domaine des Ormes). Ils visitent mon atelier le matin et l’après-midi ils vont au château de Combourg  ! Parfois c’est moi qui me déplace, par exemple au CAT (Centre d’Aide par le Travail) de Dol, j’aime beaucoup ces rencontres. Je vais aussi dans les écoles, je fais découvrir le travail de la terre aux enfants. J’arrive avec mes bâtons, mes blocs de terre, et je leur raconte des histoires…  Et quand ils voient que, après modelage et cuisson, cela devient un beau bijou, ils sont émerveillés !

Est-ce que tu as des messieurs parmi tes clients ?

J’ai une petite clientèle de messieurs, qui viennent pour leurs femmes ou leur grande fille, mais dans l’ensemble la clientèle masculine n’ose pas trop venir. Pourtant j’aimerais bien développer cette clientèle !

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ton activité ?

Comme pour tous les indépendants je pense, c’est de devoir porter plein de casquettes et de devoir tout gérer ! C’est parfois épuisant. Même si j’aime la création et le commerce, le fait de toujours devoir se renouveler demande beaucoup d’énergie. Pour ce qui est de mes pubs, j’en fais peu mais je les fais moi-même. Mon site internet aussi m’a demandé pas mal de travail ! J’ai écrit tous les textes et fourni toutes les photos. Sinon, le fait de travailler seule, de tout décider seule, est parfois dur.

Tes proches t’ont encouragée dans ton entreprise ?

Oui, heureusement, mon mari me soutient. Même s’il était plutôt sceptique au début…  Je pense qu’il est assez fier de moi maintenant !

Quelles sont tes ressources dans les moments difficiles ?

Mes amies ! Elles sont très importantes pour moi. Mes amies de Combourg, celles que j’ai connues en arrivant ici, au travers de l’école de mes enfants, ma meilleure amie qui est à Rennes… Et ma maman qui vient tous les ans depuis le sud de la France pour m’aider pendant les nouvelles collections. Elle est formidable, elle m’aide pendant toute la semaine ; elle accueille, sert le café, m’aide pour les repas. Elle m’a toujours soutenue.

Géraldine Cloërec, Présidente de la Fédération des JCE de Bretagne : « Rêver une Bretagne… actrice d’un monde meilleur ! »

Bonjour Géraldine Cloërec, pouvez-vous nous présenter la JCE ?

La JCE – Jeune Chambre Economique – est une association reconnue d’Utilité Publique depuis 1976, qui regroupe des jeunes de 18 à 40 ans, issus de tout horizon. Elle offre l’opportunité aux jeunes de s’engager, de devenir responsables par l’action, de prendre des responsabilités dans le sens de l’intérêt commun. Nous réfléchissons à des idées innovantes pour notre territoire et la société, mais surtout nous nous engageons à les concrétiser pour créer des changements positifs. Il est souvent dit « que la JCE est l’école de la citoyenneté, ou l’école de la formation par l’action ».

Cette association est-elle apolitique ?

Complètement, nous sommes indépendants de tout courant politique, religieux ou syndical. Les valeurs qui fondent la JCE, telles que la solidarité, le respect de la personne humaine, l’action au service de la communauté, ont été éditées sous forme d’un Credo, qui représente une référence pour nous.

Depuis quand existe-t- elle ?

La JCE est un mouvement international, présent dans 140 pays depuis 100 ans. Elle a été créée après la guerre aux Etats-Unis. En France, c’est Yvon Chotard qui l’a institutionnalisée, en 1952. Il existe maintenant 140 JCE locales dans toute la France, constituées de 3000 bénévoles. Chaque année, environ 650 actions sont menées, dans un cadre de citoyenneté.

Qu’en est-il de la Bretagne ?

En Bretagne, 7 Jeunes Chambres Economiques Locales (Quimper, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes, Brest, Lorient, et Vitré) réunissent un peu plus de 100 bénévoles, et agissent pour leur territoire. La JCE de Saint-Malo est en cours de création. Une de mes missions, en tant que Présidente de Fédération des JCE de Bretagne, est de faire connaître notre association et de la faire grandir ! La JCE est très développée dans certains territoires comme les Pays de la Loire, mais encore insuffisamment étendue en Bretagne. Pour nous faire connaître, nous sommes bien sûr très actifs sur les réseaux sociaux, au sein des réseaux physiques. Sur le site internet de la JCE Bretagne, nous communiquons plus en détails nos objectifs et nos formations, et proposons à tout visiteur d’être re-dirigé vers chaque antenne locale.

Vous jouez également le rôle de fédérateur de ces 7 « équipes » ?

Oui, je suis là pour coordonner les JCE locales, créer une cohésion entre les équipes, même si chacune est très autonome dans ses actions. Nous avons un cadre de valeurs et d’actions à respecter, une identité visuelle à homogénéiser, mais chaque président de région peut apporter « sa pâte ». Le slogan que nous avons choisi pour notre région est là pour nous inspirer, tous.

Il évoque parfaitement les ambitions et les valeurs de notre mouvement : comme le dit le colibri* « faisons notre part » … telle est notre ambition pour « rêver une Bretagne » forte !

Quel genre d’actions sont menées au sein de la JCE ?

Aujourd’hui, nos actions sont déclinées autour de 4 axes de travail : l’emploi, l’environnement, le dynamisme territorial, et le développement économique. En toile de fond, nous retrouvons sous toutes ses formes, la solidarité. Et notamment la solidarité envers les générations à venir. C’est ainsi que le thème national 2014/2015 a été construit autour de l’économie circulaire ; et celui de 2016 autour de la jeunesse « la Jeunesse est d’Utilité Publique ». Ces thèmes viennent renforcer nos axes de travail.

A partir de là, chaque groupe peut imaginer des projets qui vont apporter une valeur à la société. Ce qui fait la force de la JCE, c’est qu’elle apporte une méthodologie pour mener à bien ces actions. Et le but ultime de tout cela n’est pas de conserver ces réalisations au sein de la JCE, mais de les transmettre à une entreprise, une collectivité, une association, un particulier… Toujours avec l’idée de renforcer notre impact, pour un monde meilleur ! C’est dans cet esprit que la JCE agit depuis sa création. Les zones piétonnes de nos villes, le numéro d’urgence unique (le 18), les consignes en verre, la journée mondiale de l’enfant sont des actions initiées et réalisées par des JCE locales, puis transmises.

Quel type de formations propose la JCE ? Quelles sont les conditions pour y accéder ?

Nos formations sont ouvertes à tous, à condition d’être membre de la JCE et d’avoir entre 18 et 40 ans. Elles permettent d’acquérir des compétences recherchées, liées à la prise de responsabilité : conduite de projets, recherche de financement, relations presse, recherche de partenariats, méthodologie, développement personnel, confiance en soi, etc. Depuis ma prise de responsabilité à la JCE, j’ai suivi de nombreuses formations complémentaires pour accroître mon leadership et « trouver » ma posture de responsable. J’ai énormément appris en un an et demi, j’ai développé des compétences auxquelles je n’aurais sans doute pas eu accès, et j’ai révélé des talents cachés. Ces formations sont soit gratuites, soit accessibles à un prix très raisonnable.

Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre des responsabilités dans la JCE ?

Je connais la JCE depuis que je suis toute petite, car mes parents étaient proches de cette association. Eux-mêmes étaient très engagés, la maison était un lieu de réunions le soir, et j’en garde un excellent souvenir. Je dis d’ailleurs aux membres de la JCE : « venez avec vos enfants ! ». Pour ma part, c’est très jeune et grâce à mes parents que j’ai compris le sens du collectif et de l’engagement bénévole ! J’aime l’idée d’unir nos énergies pour tendre vers un rêve commun. Plus tard, j’ai suivi des études en école de commerce à Audencia Nantes, et c’est vrai que dans les grandes écoles, la JCE mériterait une plus grande notoriété.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre engagement au sein de la JCE ?

Avant tout, ce sont les personnes que j’y rencontre ! Nous partageons des valeurs communes : l’entraide, la bienveillance, c’est vraiment précieux. J’ai ressenti de façon très forte l’importance de ce mouvement au moment des attentats du 13 novembre 2015. Du 19 au 22 novembre 2015 s’est tenu à Dijon le Congrès annuel de la JCEF. Malgré le contexte, aucun des 1200 inscrits ne s’est posé la question d’annuler sa venue, car nous avons tous un socle commun : se réunir et agir pour créer un monde meilleur, pour créer la paix. Nous nous sommes rendus compte à quel point nous étions soudés ; et à quel point notre association avait du sens, pour la paix aussi… D’ailleurs, cette année, JCI (Junior Chamber International) nous rappelle bien les origines du mouvement, à travers une campagne de communication « Peace is Possible ».

La JCE me donne aussi l’occasion de mettre en pratique mes idéaux et ce que j’ai appris. J’ai beaucoup de convictions sur le plan environnemental et sociétal (je suis également diplômée du Collège des Hautes Etudes en DD), je suis comblée d’avoir pu trouver la structure extra-professionnelle pour faire émerger et réaliser ces idées. La structure est un vrai laboratoire d’idées ! Et enfin, comme je vous le précisais, cela me permet de suivre beaucoup de formations qui me font évoluer, sur le plan humain et professionnel.

Historiquement, la JCE réunissait beaucoup de futurs responsables ou créateurs d’entreprise, issus de grandes écoles. Est-ce que c’est toujours le cas ?

C’était vrai il y a quelques années, mais aujourd’hui les JCE sont vraiment ouvertes à tous les jeunes. Nous sommes très attachés à cette diversité, et elle existe de plus en plus. Notre but est véritablement de faire connaître le réseau auprès des jeunes de tous horizons, afin que chacun de nous « fasse sa part » pour la création d’un monde meilleur. Nous multiplions nos rencontres avec les lycées techniques, les universités… Aujourd’hui, s’engager bénévolement au sein d’une association, donner de son temps a énormément de valeur, y compris sur un CV ! Nous allons d’ailleurs créer un partenariat avec l’Institut national du Service publique de Martin Hirsch, car nos objectifs convergent en de nombreux points.

La JCE est partenaire du réseau Femmes de Bretagne. En quoi la JCE peut-elle aider les membres de ce réseau ?

Tout d’abord nous encourageons toutes les jeunes porteuses de projet ou cheffes d’entreprise (jusqu’à 40 ans) à découvrir notre association et à suivre nos formations. Elles sont idéales pour disposer des bonnes compétences pour se lancer dans l’entreprenariat. En intégrant la JCE, une porteuse de projet peut trouver un cadre bienveillant, associatif, pour tester son projet. Enfin, nous co-construisons avec Femmes de Bretagne un prix « Développement Durable », qui récompensera deux projets : un lié au développement durable, et un autre lié à l’« économie circulaire ».

Les réseaux Femmes de Bretagne et JCE sont complémentaires ; et nous avons en commun l’envie de contribuer au développement de notre région, avec des valeurs très proches ! Pour finir, j’ajouterai que la JCE peut aussi aider celles (ou ceux) qui suivent leur conjoint(e) pour des raisons de mobilité professionnelle, et qui souhaitent s’intégrer dans leur nouvelle région. La JCE est alors un excellent moyen de découvrir son territoire, de se sentir valorisé, de reprendre confiance.

 

Karim Essemiani, fondateur de Gwenneg à Rennes : « Ne me parlez pas de racines bretonnes, parlez-moi de feuilles ! »

Avec sa plate-forme de financement participatif, Karim Essemiani nous aide à financer nos projets d’entreprise. Mais aussi à devenir des « consomm’acteurs », et à élargir nos horizons…

Quand est née l’entreprise Gwenneg et combien êtes-vous à y travailler  ?

Gwenneg a été créée en janvier 2015 et la plateforme a été lancée 6 mois plus tard. Il y a maintenant 6 personnes dans la structure, donc 4 salariés.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer Gwenneg ?

J’ai eu l’idée de Gwenneg pour réagir à une situation que je trouve inacceptable, et dont j’ai fait concrètement l’expérience : la difficulté pour les entrepreneurs à trouver des investisseurs. En 2012, nous sommes venus avec ma femme et mon fils nous installer en Bretagne. Je venais travailler pour la BCI (Bretagne Commerce International). J’accompagnais les entreprises étrangères voulant s’implanter ou investir en Bretagne. Mais je passais de plus en plus de temps à aider des entreprises bretonnes qui souhaitaient faire de l’export ou se développer et qui n’y parvenaient pas faute de financement. Je voyais de bonnes idées qui ne pouvaient se concrétiser faute de trouver des investisseurs !

Vous aviez déjà une expérience de la création d’entreprise ?

Pas du tout, je n’avais au départ pas spécialement la fibre entrepreneuriale, créer une entreprise n’était pas du tout dans mes objectifs ! Je suis né et j’ai fait mes études d’ingénieur en Algérie, et suis venu passer mon doctorat à Toulouse. J’ai travaillé pendant 15 ans comme directeur commercial à l’international d’un grand groupe (Veolia), ce qui m’a amené à beaucoup voyager, en Asie, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis, où j’ai vécu pendant 5 ans. Tout cela a été pour moi une expérience très formatrice et très riche humainement.

Comment vous êtes-vous préparé à ce virage de la création d’entreprise ?

Tout d’abord, j’ai repris mes études, en 2014. C’était en formation continue, le vendredi soir et le samedi. J’habitais à Bruz (et c’est toujours le cas), et travaillais pour la BCI. J’allais tous les week-end à Paris, et travaillais 4 heures le soir en plus de mon travail.

Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai préparé un Executive MBA à HEC. Cela a été un gros sacrifice, à tout niveau ! Sur le plan familial, personnel et financier, car ce sont des formations qui coûtent très cher.

Ensuite vous vous êtes tourné vers des financeurs ou des partenaires ?

Avant cela, j’ai d’abord contacté les leaders nationaux des plateformes de financement participatif, car je pensais pouvoir les déployer en Bretagne. Mais j’ai vu que ce n’était pas une bonne idée. J’ai décidé de créer une plateforme de crowdfunding spécialement dédiée à la Bretagne. J’ai obtenu des partenariats avec le réseau Entreprendre, la marque Bretagne, le Conseil régional, des sociétés de capital risque, le Comité création-reprise… Et il y a eu une première levée de fond en juin 2015.

Comment connaissiez-vous la Bretagne avant de venir y travailler en 2012 ?

J’ai découvert la Bretagne il y a un peu plus de 20 ans, grâce à mon épouse qui est finistérienne. J’y venais régulièrement l’été, pour des vacances, mais dans mon esprit c’était compliqué d’y trouver du travail. Comme beaucoup, je suis attaché à cette région, et suis heureux de pouvoir y travailler car elle offre une grande qualité de vie. Mais pour cela il faut soutenir le développement économique en Bretagne, et c’est ce que j’ai voulu faire en créant Gwenneg.

Comment définissez-vous le financement participatif ?

Le financement participatif ou crowdfunding c’est le « financement par la foule » : une personne ou une entreprise qui a un besoin de financement se fait financer par d’autres personnes. On peut distinguer trois modes de financement : premièrement le don (ou bien le « don contre don » (il y a une contrepartie, et en quelque sorte on « pré-achète » un produit) ; deuxièmement le capital (je deviens un investisseur en entrant dans le capital de l’entreprise) ; troisièmement le prêt, comme le font les banques. Gwenneg propose les trois solutions de financement.

De plus en plus de gens se tournent vers le crowdfunding pour financer leurs projets, cela devient donc de plus en plus difficile de « sortir du lot », non ?

Le crowdfunding est entré dans les mœurs en très peu de temps ! C’est un secteur qui s’est extrêmement et rapidement démocratisé. Pour vous en donner une idée en 2010, il y a eu environ 7 millions d’euros collectés en France par ce moyen ; en 2015, plus de 297 millions ! Cela veut dire que les porteurs de projet doivent maintenant « mouiller le maillot », valoriser leur produit, et ne pas relâcher leurs efforts pour aboutir. Une campagne est un peu comme un marathon. Il ne faut pas partir en se disant « Je fais partie d’un réseau et tout le monde va m’aider ! », ça ne marche pas comme ça. Notre plateforme Gwenneg offre justement un accompagnement, des formations, un coaching ! Mais malgré son succès, on est encore dans une phase « d’évangélisation » de ce mode de financement : nous devons le faire connaître beaucoup mieux.

Quelle est la spécificité de Gwenneg par rapport aux autres plateformes de financement participatif ?

Il y en a plusieurs, d’abord, on propose 3 formes de financement, comme je vous l’ai dit ; ensuite on ne s’adresse qu’aux projets économiques (pas aux projets associatifs) ; enfin les projets doivent avoir un lien avec la Bretagne (en incluant la Loire-Atlantique). Les projets viennent le plus souvent d’entreprises basées en Bretagne, mais on ne regarde pas que la localisation géographique, il faut que les projets aient du sens par rapport au territoire breton.

Est-ce que tout le monde peut devenir prêteur ou donateur ?

Oui parce que le ticket d’entrée est très bas ! Vous pouvez être contributeur à partir de 5 euros, vous pouvez être prêteur à partir de 20, investisseur à partir de 100 euros. Le but est vraiment de faire connaître à monsieur Tout-le-monde la possibilité de soutenir le développement économique du territoire. Que les gens deviennent « consomm’acteurs » !

Qu’est-ce qui peut encourager à devenir prêteur ?

Le prêteur, en aidant une entreprise bretonne à se financer, fait un geste « socialement responsable ». Et le prêt va lui rapporter entre 4 et 9 % de taux d¹intérêt. Bien plus que le livret A !

Toutes les entreprises peuvent postuler pour lancer leur campagne chez vous ?

Oui, toutes les entreprises – créées ou en phase de création – peuvent s’adresser à nous. On examine tous les projets et si nécessaire on sert aussi de relais vers les réseaux Initiatives, les réseaux Entreprendre, les CCI. Avant de lancer une campagne on procède d’abord à une sorte d’audit – plus ou moins détaillé et important en fonction de la taille du projet. On évalue le produit et la capacité du porteur de projet à tenir ses objectifs et à honorer ses contreparties. L’idée est aussi de ne pas berner les contributeurs et de créer un climat de confiance.

Quel est le premier conseil que vous donnez aux porteurs de projet ?

Tout d’abord nous les invitons à voir la campagne de crowdfunding comme un vrai test « grandeur nature » ! Le financement participatif doit permettre de voir si mon projet ou mon produit plaît, s’il y a des clients pour ça, et de mettre à l’épreuve mes propres capacités à conduire et concrétiser mon projet, à convaincre, à vendre ! Si le chiffre d’affaires est difficile à faire à un petit niveau, il le sera aussi à une plus grande échelle. Quand on démarre une campagne de crowdfunding, on touche facilement le premier cercle (les amis, la famille) et le deuxième (le voisinage et toutes nos relations), mais l’idéal est aussi de convaincre le troisième cercle, les gens qui ne nous connaissait pas. On n’est pas que dans la bienveillance, comme dans le projet associatif.

La communication via les réseaux sociaux est aussi un critère de réussite important dans ces campagnes ?

Oui, c’est pourquoi Gwenneg propose un accompagnement pour utiliser les réseaux sociaux, du début à la fin de la campagne. Mais aussi pour formuler ses idées, trouver quelles contreparties donner, et un coaching tout au long de la campagne. Et ça marche, puisque chez Gwenneg nous avons un taux de réussite supérieur à 93 %. En comparaison, les taux de réussite moyens en France sur des campagnes de prévente (en don contre don) est de moins de 60 %. Cela dit l’échec d’une campagne peut être enrichissante si on en tire les leçons !

En quoi est-ce important de bien choisir ses contreparties ?

C’est très important car elles peuvent constituer une prévente. Elles doivent présenter le projet. Si des clients ont pré-acheté mon produit, cela pourra aussi m’aider à convaincre un banquier ou un investisseur… Les gens qui font un don vont constituer les premiers clients de la future entreprise.

Expliquez-nous ce que sont les Crêpes Pitch ?

Les Crêpes Pitch, et les Galettes-saucisse Pitch, ce sont des rendez-vous que nous organisons une fois par mois, où les porteurs de projet peuvent rencontrer le public. Il y en a eu quatre l’an dernier, et cela marche super bien. A Rennes par exemple, 80 personnes sont venues rencontrer 4 porteurs de projets. Il y a des questions-réponses avec le public, et de vrais échanges. On termine par crêpes ou galettes et bolée de cidre. Là on est une vraie plateforme de proximité, on n’est plus dans le virtuel ! Notre but est d’en faire dans chaque grande ville bretonne.

Vous qui ne pensiez pas du tout devenir entrepreneur, comment vivez-vous ce nouveau statut ?

Je gagnais très bien ma vie chez Veolia, mais l’argent ne fait pas le bonheur. Travailler c’est bien mais il faut que ça donne du sens. Gwenneg donne du sens, pas seulement à moi mais à beaucoup de personnes. Mais nous faisons aussi face à la réserve des acteurs institutionnels. Créer une entreprise en France, c’est très compliqué ! Dans notre pays on imagine les chefs d’entreprise comme des gens gagnants très bien leur vie, ou qui s’enrichissent sur le dos des salariés. Ce qui est rarement le cas, car créer une entreprise c’est avant tout beaucoup de sacrifices, donc il y a parfois une certaine frustration ! Heureusement, Gwenneg est sur la bonne voie – même si on reste très vigilants. Et il y a une très belle histoire qui s’écrit en ce moment. Notre entreprise a reçu une recommandation par l’autorité des marchés de faire une levée de fonds rapidement. Des hommes et des femmes du territoire se sont mobilisés pour nous aider (plus une centaine de personnes ont donné 1000 euros chacun). Cela nous donne une assise financière mais surtout une légitimité !

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le fonctionnement interne de la start-up  Gwenneg ?

Il est peut-être assez loin du cliché des start-up ! J’ai un parcours un peu atypique. J’ai maintenant 44 ans, j’ai passé 15 ans dans un grand groupe et principalement à l’étranger, je suis formaté en gestion de projets… Et j’ai aussi acquis pas mal d’expérience de mes « erreurs » passées ! La gestion d’une start up avec un esprit « tout est cool », ne fonctionnerait pas, nous sommes aussi un centre de profit ! Notre entreprise a des processus internes, sans pour autant tomber dans la rigidité et l’inertie qui handicape les grands groupes. L’avantage d’être une petite entreprise, c’est qu’on peut facilement intégrer les retours d’expérience des différentes campagnes et adapter ou enrichir notre offre. Et les collaborateurs travaillent en toute autonomie, en proposant des pistes de développement, de réflexion, des plans d’action.

Peut-on dire que les Bretons sont entreprenants ?

Oui, la région Bretagne se place 5ème en termes de propriété intellectuelle. Les Néo-Bretons sont entreprenants et fiers de leur territoire. Pour moi la Bretagne est riche de sa diversité, de son excellence et de son système éducatif. Nous subissons actuellement des mutations violentes, comme dans l’agriculture, et en même temps on voit la naissance de nouvelles filières, comme le numérique, la mer, les biotechnologies… toutes ces mutations présentent de vraies opportunités.

Qu’appelez-vous les Néo-Bretons ?

Tous ceux qui vivent en Bretagne et aiment cette région, qu’ils soient d’origine bretonne ou non, nés en Bretagne ou pas. Quand on me parle de la Bretagne, je dis souvent : « Ne me parlez pas des racines, parlez-moi des feuilles ! » La Bretagne ne doit pas être que « la terre de mes ancêtres », mais aussi « la terre de mes enfants » ! Autrement dit on ne nait pas Breton, on le devient !

Parlez-nous un peu de vous, quelles sont vos activités en dehors du travail ?

Le lancement d’une entreprise exige beaucoup de temps et d’énergie ! Le peu de temps qu’il me reste, je le consacre à ma famille. J’ai passé un contrat avec ma femme, et j’espère bientôt pouvoir me libérer plus de temps ! Pour aller écouter un concert de jazz, par exemple ! J’étais jusqu’à l’année dernière éducateur bénévole du club de rugby de Bruz, et je fais aussi partie du conseil d’administration de l’antenne rennaise de la Fondation Agir contre l’Exclusion. J’ai eu la chance d’évoluer dans un milieu privilégié, mais pour moi c’est important de m’engager et de rester proche des gens.

Qu’avez-vous retenu de vos voyages ou de votre vie aux Etats-Unis ?

J’ai une vraie culture anglo-saxonne et ma femme et moi avons particulièrement aimé la vie aux Etats-Unis. Là-bas, les gens sont très modestes et accessibles. On est dans des relations humaines très saines, et dans le travail il y a peu d’occasions de conflits. En France on est dans une société très corporatiste, élitiste, et pyramidale. On aime bien dire de quelle école on vient, alors qu’aux Etats-Unis on aime bien dire ce qu’on sait faire ! C’est pourquoi je mets très peu en avant mes diplômes.

Avez-vous déjà ressenti ici en France un sentiment d’exclusion ?

La question ne s’est jamais posée pour moi. Je suis quelqu’un qui travaille beaucoup, et j’ai toujours appris que seule l’excellence prime. On m’a toujours appris à me prendre en main ; à ne pas regretter ce qu’on fait ou ce qu’on ne fait pas. On ne nait pas en ayant une connaissance fine de tout, on apprend de ses erreurs !