À Combourg, (35), c’est dans un hangar que Julia Bosque, 25 ans, a choisi d’installer le bar-cave à bières dont elle rêvait. Et le succès est au rendez-vous. Au gré de ses envies et des demandes de ses clients, elle propose maintenant soirées à thèmes, dégustations, concerts, speed dating…

Bonjour Julia, peux-tu nous résumer ton parcours professionnel avant le Repaire ?

J’ai fait une licence de commerce à Rennes. L’entreprise où j’effectuais mon stage de fin d’études (ça s’était très bien passé), m’a embauchée, en tant que responsable commerciale Grands Comptes pour la Bretagne. C’est une entreprise (Sofemat) qui vend des machines pour travaux publics. J’y suis restée 1 an et demi, puis j’ai obtenu un poste de directrice de magasins pour Lidl. J’ai travaillé à Avranches, Redon, Alençon, Vire, Saint-Méen-le-Grand… puis je suis arrivée à Combourg, où je suis restée neuf mois.

C’était comment chez Lidl ?

Dur mais très formateur, puisque j’ai appris à gérer un magasin, à faire le recrutement, les commandes, les mises en rayon…  On doit tout faire quand on travaille chez Lidl.  Les employés travaillent comme des fous. Mais ce qui était vraiment difficile pour moi, c’était d’appliquer des procédures même si je ne les comprenais pas ou si je n’étais pas d’accord. C’était très frustrant !

C’est pour ça que tu as quitté ce poste ?

Oui, après un an et demi, je me suis rendue compte que j’étais capable de faire beaucoup pour les autres, et que ça serait vraiment bien de faire la même chose, mais pour moi ! J’ai toujours voulu faire « mon truc à moi », je ne savais pas dans quel domaine, mais j’avais cette envie depuis très longtemps. L’idée du bar à bières m’est venue pendant cette période où je travaillais à Combourg. Quand je voulais sortir, à deux ou avec les gens de mon équipe le soir après le travail, il n’y avait plus d’endroits sympas à Combourg. On allait à Rennes ou Saint-Malo. Dommage, car Combourg n’est pas une toute petite ville, et en plus il y a plein de jeunes !

Le Repaire est un endroit assez atypique, puisque c’est une cave et un bar à bières, installé dans un grand hangar, un peu à l’écart du centre ville. C’était ce concept que tu voulais dès le début ?

Oui, je ne cherchais pas un bar ou un pub en plein centre-ville, mais un lieu un peu à l’écart, de façon à être plus libre. Comme ça mes clients peuvent profiter de l’extérieur et de la terrasse, le soir ou quand il fait beau, et on peut organiser des concerts sans que ça pose de problèmes pour les riverains. Les camions des livreurs se garent facilement… Je voulais proposer un grand choix de bières différentes, à la vente ou à la consommation. Il me fallait de l’espace, alors ici c’est parfait !

Comment as-tu monté ton projet ?

Bon, après avoir quitté mon précédent boulot, chez Lidl, j’ai d’abord eu une petite phase de déprime, environ trois mois, où j’ai pas mal cogité sur ce que j’allais faire… Puis j’ai pris rendez-vous avec Pôle Emploi et avec l’Espace Entreprises, et on m’a orientée vers la BGE, qui m’a bien aidée, notamment pour monter le plan de financement. Avec ça j’ai pu obtenir mon prêt à la banque. J’ai mis un an pour bien ficeler mon projet, c’était important, j’ai pris le temps de bien faire les choses. Mon projet a juste pris quelques mois de retard parce que je me suis désistée, au dernier moment, sur un local que j’avais trouvé près de la Gare. Tout était bouclé, j’avais le prêt de la banque, les plans, et le bail prêt à signer… Une nuit je me suis dit « Stop, ce n’est pas le bon lieu, on arrête tout ! » Et j’ai bien fait, car 2 jours après je trouvais pile l’endroit qu’il me fallait… Une petite annonce sur le Bon Coin qui venait d’être publiée. Le prix était beaucoup plus élevé que pour le premier local, mais la banque m’a suivie car c’était vraiment ça que je voulais. Le soir même je signais ce nouveau bail.

Le Repaire va bientôt fêter ses 1 an… Qui sont tes clients ?

J’ai toutes sortes de clients, tous les âges, des hommes et des femmes. Selon les jours, ça varie. Les gens viennent seuls, entre amis, collègues ou en famille. Il y a des artisans, des gens des entreprises du coin. Il y aussi des gens qui ne viennent que pour le magasin. Ils achètent les bières à l’unité ou en fûts, de 20 et 30 litres, et je prête une tireuse pour les mariages, les associations, les festivals… Je fais aussi des tarifs pour les associations.

Qu’est-ce que les gens te disent à propos du Repaire ?

Ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand les gens me disent qu’ils se sentent bien ici, un peu comme à la maison… J’ai des groupes d’amis qui ont 40, 50 ans et qui s’éclatent en jouant au babyfoot ou aux fléchettes, ils viennent ici se détendre. C’est exactement ce que je voulais, que ce soit simple, décontracté, que ce soit un lieu de rencontres entre les gens aussi.

Tu m’as dit que ce que tu aimais entendre au comptoir, c’est « qu’est-ce que vous me conseillez aujourd’hui ? », plutôt que « un demi » !

Oui, c’est bien que les gens soient curieux de goûter de nouvelles bières qu’ils ne connaissent pas, il en existe des centaines… Les gens ne viennent pas là juste pour « picoler une bière ». Au comptoir, j’ai maintenant 8 becs de tirage, pour servir 8 bières différentes à la pression, et je change toutes les 2 semaines. On découvre les nouveautés ensemble. Toutes ont leur saveur ou leur mode de fabrication particulier. Mon but, c’est de trouver « la » bière que va aimer le client. Pour ça il faut poser les bonnes  questions… « Bière blonde » : amère ou forte ? Fleurie, épicée ? Au bar, les bières sont présentées par catégorie : blondes, brunes, ambrées, amères, fruitées… Après il y a des sous-catégories, des bières maltées, sucrées, herbacées… J’ai une bière qui a été brassée à la lavande par exemple. Il y a des bières qui ont vieilli dans un fût de bourbon, des bières avec de fortes notes de café… J’ai aussi des bières sans alcool. Et si quelqu’un me dit « je n’aime pas la bière, vous avez quoi d’autre ? », j’essaye de lui faire goûter une bière qui va le faire changer d’avis !

Proposer des nouveautés régulièrement, c’est ça le secret de la réussite ?

Oui, c’est ça qui me motive : innover. Changer le style de musique, la disposition de la salle, les soirées à thème… Et d’ailleurs j’entends souvent ça aussi : « ce qui est bien ici, c’est que ça change tout le temps ! » Audrey, qui travaille maintenant avec moi, et avec qui ça se passe très bien, a aussi plein d’idées. De mise en place de magasin, de promos, d’animation, etc.

Vous êtes deux depuis le début ?

Oui, dès le début j’ai embauché quelqu’un, à temps plein, en CDD puis en CDI. Il y a beaucoup de travail avec le stock du magasin à ranger, à gérer, et le bar à tenir. Et c’est physique !

Tu proposes aussi des soirées dégustation ?

Oui, c’est une fois par semaine maintenant, sur réservation, à 20 euros par personne. On ferme au public à 20 h 30, et ça commence tout de suite après. Je fais une grande table, et je propose entre 5 et 7 bières totalement différentes, une bouteille pour deux (du 25 ou 33 cl). Je mets plein de pâté et de saucisson à grignoter. Le plaisir, c’est de deviner le type de bière et de mettre des mots dessus. Tout le monde discute autour d’une table, cela peut finir à 23 h comme à midi et demi.

Tu as organisé des concerts aussi et des soirées à thèmes…

Oui, on a déjà eu deux concerts de reggae, et quatre concerts de rock, avec des groupes locaux, sauf un qui venait du Mans. Et j’ai plein de demandes maintenant.

 

 

Et les speed dating…

J’ai fait une soirée Speed dating, pour la Saint-Valentin.  J’avais eu pas mal de demandes pour ça. Avec 10 hommes et 10 femmes. On a fermé au public à 20 h 30, puis on a présenté tout le monde et on a expliqué le déroulement de la soirée. On avait préparé des petites décorations de table, et offert un verre à tout le monde. À la fin tout le monde a bu un pot, on a terminé tard, c’était très sympa. Et ce qui est super, c’est que les gens qui ont participé ont bien sympathisé ! Ils se sont d’ailleurs réunis de nouveau ici. Et il y a un couple qui s’est formé. On va en refaire, c’est prévu !

C’est vraiment une bonne idée pour sortir les gens de l’isolement ça… Bon, ici au Repaire, il y a à peu près 150 m2 qui est dédié au bar et à la consommation, avec de grandes tables en bois, style taverne, un coin fléchettes, baby foot et billard… et le reste, au fond, c’est le magasin. Les deux sont à peine séparés, on est en mode « open space »…

Oui, c’est très pratique, mon magasin c’est aussi ma réserve pour le bar. Au début, les livreurs étaient étonnés en arrivant ici… Quand j’ai besoin d’une bière, je n’ai qu’à faire quelques mètres. Entre deux clients, je gère facilement mon stock. Et comme ça mes horaires de travail correspondent aux horaires d’ouverture du Repaire.

Dans ton idée d’origine, l’aspect vente à emporter, « cave à bières », devait être dominante par rapport au bar, c’est ça ?

Oui. Et en fait maintenant, c’est 50/50. J’ai été surprise par le succès du bar, et d’avoir autant de monde le week-end. Ça correspondait vraiment à un besoin…

Tu n’as jamais eu de problèmes avec des clients un peu trop éméchés ?

C’est rare. Je ne me suis jamais sentie seule. Et on est dans une petite ville tranquille, il y a rarement des soucis.

Les amateurs de sport sont chouchoutés ici, il y a un petit et un grand écran…

Oui, il y a une télé, où on peut passer aussi bien du foot, que du ski ou du rugby… et pour les soirs de grands matchs, un grand écran avec vidéoprojecteur. Je communique beaucoup avec mes clients via facebook. Ils me signalent directement sur ma page, quand il y a un match qu’ils aimeraient voir ! Je suis aussi sponsor, à l’année, des clubs de Combourg : le club de rugby, de foot, de volley, de hand, de basket, et de moto cross. Et le stock car ! Tous, quand ils viennent ici, sont accueillis comme des rois !

On voit que tu es à l’aise pour animer ce lieu, et que tu aimes ce que tu fais.

J’ai toujours eu plein d’idées et dans les postes que j’ai eus on m’a toujours freinée, alors là je m’éclate !

Et bientôt une journée « ActuElles », organisée avec le réseau Femmes de Bretagne, le 12 mars

Oui, le 12 mars, le Repaire accueillera un événement spécial pour les femmes, organisé par Agnès Bérenguer et Delphine Guglielmini. Une première ici pour les femmes ! Le but est de les mettre en avant, de susciter des rencontres, de faire connaître les commerçantes, artisanes, indépendantes de Combourg ou ses environs. Il y aura deux défilés de mode, des stands, des mini-conférences, et bien sûr de quoi boire et manger !

Pour finir, quel conseil aimerais-tu donner aux Femmes de Bretagne ?

De suivre leur instinct, c’est très important. J’aurais pu me laisser décourager si j’avais écouté certains conseils. Beaucoup de gens me mettaient en garde (souvent des hommes !) Mon comptable, mon maître d’œuvre étaient plutôt pessimistes. Mais moi je croyais à mon projet, d’autant plus que je l’avais bien préparé.