Julia Bosque, créatrice et gérante du bar-cave à bières Le Repaire à Combourg : « Suivez votre instinct, c’est très important »

À Combourg, (35), c’est dans un hangar que Julia Bosque, 25 ans, a choisi d’installer le bar-cave à bières dont elle rêvait. Et le succès est au rendez-vous. Au gré de ses envies et des demandes de ses clients, elle propose maintenant soirées à thèmes, dégustations, concerts, speed dating…

Bonjour Julia, peux-tu nous résumer ton parcours professionnel avant le Repaire ?

J’ai fait une licence de commerce à Rennes. L’entreprise où j’effectuais mon stage de fin d’études (ça s’était très bien passé), m’a embauchée, en tant que responsable commerciale Grands Comptes pour la Bretagne. C’est une entreprise (Sofemat) qui vend des machines pour travaux publics. J’y suis restée 1 an et demi, puis j’ai obtenu un poste de directrice de magasins pour Lidl. J’ai travaillé à Avranches, Redon, Alençon, Vire, Saint-Méen-le-Grand… puis je suis arrivée à Combourg, où je suis restée neuf mois.

C’était comment chez Lidl ?

Dur mais très formateur, puisque j’ai appris à gérer un magasin, à faire le recrutement, les commandes, les mises en rayon…  On doit tout faire quand on travaille chez Lidl.  Les employés travaillent comme des fous. Mais ce qui était vraiment difficile pour moi, c’était d’appliquer des procédures même si je ne les comprenais pas ou si je n’étais pas d’accord. C’était très frustrant !

C’est pour ça que tu as quitté ce poste ?

Oui, après un an et demi, je me suis rendue compte que j’étais capable de faire beaucoup pour les autres, et que ça serait vraiment bien de faire la même chose, mais pour moi ! J’ai toujours voulu faire « mon truc à moi », je ne savais pas dans quel domaine, mais j’avais cette envie depuis très longtemps. L’idée du bar à bières m’est venue pendant cette période où je travaillais à Combourg. Quand je voulais sortir, à deux ou avec les gens de mon équipe le soir après le travail, il n’y avait plus d’endroits sympas à Combourg. On allait à Rennes ou Saint-Malo. Dommage, car Combourg n’est pas une toute petite ville, et en plus il y a plein de jeunes !

Le Repaire est un endroit assez atypique, puisque c’est une cave et un bar à bières, installé dans un grand hangar, un peu à l’écart du centre ville. C’était ce concept que tu voulais dès le début ?

Oui, je ne cherchais pas un bar ou un pub en plein centre-ville, mais un lieu un peu à l’écart, de façon à être plus libre. Comme ça mes clients peuvent profiter de l’extérieur et de la terrasse, le soir ou quand il fait beau, et on peut organiser des concerts sans que ça pose de problèmes pour les riverains. Les camions des livreurs se garent facilement… Je voulais proposer un grand choix de bières différentes, à la vente ou à la consommation. Il me fallait de l’espace, alors ici c’est parfait !

Comment as-tu monté ton projet ?

Bon, après avoir quitté mon précédent boulot, chez Lidl, j’ai d’abord eu une petite phase de déprime, environ trois mois, où j’ai pas mal cogité sur ce que j’allais faire… Puis j’ai pris rendez-vous avec Pôle Emploi et avec l’Espace Entreprises, et on m’a orientée vers la BGE, qui m’a bien aidée, notamment pour monter le plan de financement. Avec ça j’ai pu obtenir mon prêt à la banque. J’ai mis un an pour bien ficeler mon projet, c’était important, j’ai pris le temps de bien faire les choses. Mon projet a juste pris quelques mois de retard parce que je me suis désistée, au dernier moment, sur un local que j’avais trouvé près de la Gare. Tout était bouclé, j’avais le prêt de la banque, les plans, et le bail prêt à signer… Une nuit je me suis dit « Stop, ce n’est pas le bon lieu, on arrête tout ! » Et j’ai bien fait, car 2 jours après je trouvais pile l’endroit qu’il me fallait… Une petite annonce sur le Bon Coin qui venait d’être publiée. Le prix était beaucoup plus élevé que pour le premier local, mais la banque m’a suivie car c’était vraiment ça que je voulais. Le soir même je signais ce nouveau bail.

Le Repaire va bientôt fêter ses 1 an… Qui sont tes clients ?

J’ai toutes sortes de clients, tous les âges, des hommes et des femmes. Selon les jours, ça varie. Les gens viennent seuls, entre amis, collègues ou en famille. Il y a des artisans, des gens des entreprises du coin. Il y aussi des gens qui ne viennent que pour le magasin. Ils achètent les bières à l’unité ou en fûts, de 20 et 30 litres, et je prête une tireuse pour les mariages, les associations, les festivals… Je fais aussi des tarifs pour les associations.

Qu’est-ce que les gens te disent à propos du Repaire ?

Ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand les gens me disent qu’ils se sentent bien ici, un peu comme à la maison… J’ai des groupes d’amis qui ont 40, 50 ans et qui s’éclatent en jouant au babyfoot ou aux fléchettes, ils viennent ici se détendre. C’est exactement ce que je voulais, que ce soit simple, décontracté, que ce soit un lieu de rencontres entre les gens aussi.

Tu m’as dit que ce que tu aimais entendre au comptoir, c’est « qu’est-ce que vous me conseillez aujourd’hui ? », plutôt que « un demi » !

Oui, c’est bien que les gens soient curieux de goûter de nouvelles bières qu’ils ne connaissent pas, il en existe des centaines… Les gens ne viennent pas là juste pour « picoler une bière ». Au comptoir, j’ai maintenant 8 becs de tirage, pour servir 8 bières différentes à la pression, et je change toutes les 2 semaines. On découvre les nouveautés ensemble. Toutes ont leur saveur ou leur mode de fabrication particulier. Mon but, c’est de trouver « la » bière que va aimer le client. Pour ça il faut poser les bonnes  questions… « Bière blonde » : amère ou forte ? Fleurie, épicée ? Au bar, les bières sont présentées par catégorie : blondes, brunes, ambrées, amères, fruitées… Après il y a des sous-catégories, des bières maltées, sucrées, herbacées… J’ai une bière qui a été brassée à la lavande par exemple. Il y a des bières qui ont vieilli dans un fût de bourbon, des bières avec de fortes notes de café… J’ai aussi des bières sans alcool. Et si quelqu’un me dit « je n’aime pas la bière, vous avez quoi d’autre ? », j’essaye de lui faire goûter une bière qui va le faire changer d’avis !

Proposer des nouveautés régulièrement, c’est ça le secret de la réussite ?

Oui, c’est ça qui me motive : innover. Changer le style de musique, la disposition de la salle, les soirées à thème… Et d’ailleurs j’entends souvent ça aussi : « ce qui est bien ici, c’est que ça change tout le temps ! » Audrey, qui travaille maintenant avec moi, et avec qui ça se passe très bien, a aussi plein d’idées. De mise en place de magasin, de promos, d’animation, etc.

Vous êtes deux depuis le début ?

Oui, dès le début j’ai embauché quelqu’un, à temps plein, en CDD puis en CDI. Il y a beaucoup de travail avec le stock du magasin à ranger, à gérer, et le bar à tenir. Et c’est physique !

Tu proposes aussi des soirées dégustation ?

Oui, c’est une fois par semaine maintenant, sur réservation, à 20 euros par personne. On ferme au public à 20 h 30, et ça commence tout de suite après. Je fais une grande table, et je propose entre 5 et 7 bières totalement différentes, une bouteille pour deux (du 25 ou 33 cl). Je mets plein de pâté et de saucisson à grignoter. Le plaisir, c’est de deviner le type de bière et de mettre des mots dessus. Tout le monde discute autour d’une table, cela peut finir à 23 h comme à midi et demi.

Tu as organisé des concerts aussi et des soirées à thèmes…

Oui, on a déjà eu deux concerts de reggae, et quatre concerts de rock, avec des groupes locaux, sauf un qui venait du Mans. Et j’ai plein de demandes maintenant.

 

 

Et les speed dating…

J’ai fait une soirée Speed dating, pour la Saint-Valentin.  J’avais eu pas mal de demandes pour ça. Avec 10 hommes et 10 femmes. On a fermé au public à 20 h 30, puis on a présenté tout le monde et on a expliqué le déroulement de la soirée. On avait préparé des petites décorations de table, et offert un verre à tout le monde. À la fin tout le monde a bu un pot, on a terminé tard, c’était très sympa. Et ce qui est super, c’est que les gens qui ont participé ont bien sympathisé ! Ils se sont d’ailleurs réunis de nouveau ici. Et il y a un couple qui s’est formé. On va en refaire, c’est prévu !

C’est vraiment une bonne idée pour sortir les gens de l’isolement ça… Bon, ici au Repaire, il y a à peu près 150 m2 qui est dédié au bar et à la consommation, avec de grandes tables en bois, style taverne, un coin fléchettes, baby foot et billard… et le reste, au fond, c’est le magasin. Les deux sont à peine séparés, on est en mode « open space »…

Oui, c’est très pratique, mon magasin c’est aussi ma réserve pour le bar. Au début, les livreurs étaient étonnés en arrivant ici… Quand j’ai besoin d’une bière, je n’ai qu’à faire quelques mètres. Entre deux clients, je gère facilement mon stock. Et comme ça mes horaires de travail correspondent aux horaires d’ouverture du Repaire.

Dans ton idée d’origine, l’aspect vente à emporter, « cave à bières », devait être dominante par rapport au bar, c’est ça ?

Oui. Et en fait maintenant, c’est 50/50. J’ai été surprise par le succès du bar, et d’avoir autant de monde le week-end. Ça correspondait vraiment à un besoin…

Tu n’as jamais eu de problèmes avec des clients un peu trop éméchés ?

C’est rare. Je ne me suis jamais sentie seule. Et on est dans une petite ville tranquille, il y a rarement des soucis.

Les amateurs de sport sont chouchoutés ici, il y a un petit et un grand écran…

Oui, il y a une télé, où on peut passer aussi bien du foot, que du ski ou du rugby… et pour les soirs de grands matchs, un grand écran avec vidéoprojecteur. Je communique beaucoup avec mes clients via facebook. Ils me signalent directement sur ma page, quand il y a un match qu’ils aimeraient voir ! Je suis aussi sponsor, à l’année, des clubs de Combourg : le club de rugby, de foot, de volley, de hand, de basket, et de moto cross. Et le stock car ! Tous, quand ils viennent ici, sont accueillis comme des rois !

On voit que tu es à l’aise pour animer ce lieu, et que tu aimes ce que tu fais.

J’ai toujours eu plein d’idées et dans les postes que j’ai eus on m’a toujours freinée, alors là je m’éclate !

Et bientôt une journée « ActuElles », organisée avec le réseau Femmes de Bretagne, le 12 mars

Oui, le 12 mars, le Repaire accueillera un événement spécial pour les femmes, organisé par Agnès Bérenguer et Delphine Guglielmini. Une première ici pour les femmes ! Le but est de les mettre en avant, de susciter des rencontres, de faire connaître les commerçantes, artisanes, indépendantes de Combourg ou ses environs. Il y aura deux défilés de mode, des stands, des mini-conférences, et bien sûr de quoi boire et manger !

Pour finir, quel conseil aimerais-tu donner aux Femmes de Bretagne ?

De suivre leur instinct, c’est très important. J’aurais pu me laisser décourager si j’avais écouté certains conseils. Beaucoup de gens me mettaient en garde (souvent des hommes !) Mon comptable, mon maître d’œuvre étaient plutôt pessimistes. Mais moi je croyais à mon projet, d’autant plus que je l’avais bien préparé.

Christine Debray-Laizé, créatrice de la compagnie La Ronde Bleue : « L’amour gagne toujours »

Christine Debray-Laizé, violoniste, chanteuse et comédienne, met en scène, avec son mari conteur et percussionniste, des contes musicaux pour enfants. Cette artiste généreuse et passionnée de transmission aborde avec eux le thème de la mort, dans sa dernière création, La Sonata Miho. Pour mieux célébrer la paix et à la vie.

Bonjour Christine, sur le site internet de la Ronde Bleue, on peut lire : « Parce qu’ils sont le monde de demain, parce que nous croyons que l’art peut transformer un regard, parce que nous aimons l’authenticité de leur présence, nous avons choisi de créer pour et avec les enfants. » C’est un peu le credo de la compagnie ?

J’ai beaucoup de plaisir à créer des spectacles pour enfants et à leur transmettre l’amour de la musique. Les enfants ont beaucoup à nous apprendre, ils savent être là, totalement, dans l’instant présent, et ils sont vrais. Avec La Ronde Bleue, j’essaye de réunir ce qui compte beaucoup pour moi : la musique, l’art, le partage, l’enfance, la transmission.

Les spectacles de la Ronde Bleue sont de grande qualité. Tu peux nous les présenter en quelques mots ?

Les spectacles de La Ronde Bleue se veulent une ouverture sur le monde, riches de sens. Nous faisons voyager les enfants, grâce à la musique et les contes, à travers d’autres cultures, d’autres pays. Par exemple, avec Zouna qui est un spectacle inspiré d’un conte gitan, nous avons travaillé avec un chanteur et guitariste flamenco. La danse du Renne et du Korrigan est né de notre rencontre avec une éleveuse de rennes et la culture Sami (de Laponie). La Sonata Miho, elle, nous emmènera au Japon…

Tu fais aussi de l’initiation musicale, au travers d’ateliers ou de spectacles, y compris pour les tout-petits…

Oui, comme avec le spectacle Capucine, pour les 0 à 3 ans, ou Souffle et grandit, pour les 3 à 6 ans, qui est une initiation à la musique classique. Pour Capucine, je me suis basée sur les enseignements de Maria Montessori, qui est pour moi depuis longtemps une référence. Sa pédagogie m’a toujours beaucoup inspirée pour l’enseignement de la musique.

Tu es diplômée du Conservatoire National Supérieur de Paris, où tu as appris le violon alto. Tu viens d’une famille de musiciens ?

De musiciens amateurs mais passionnés ! Ce sont mes parents qui m’ont initiée à la musique. A la maison (j’habitais Au Mans), mon père jouait de la guitare et ma mère chantait tout le temps. Et avec ma grand-mère agricultrice, en Bretagne, je chantais dans les fêtes de famille. Ce sont de très bons souvenirs. J’ai grandi dans une famille joyeuse, ouverte aux autres.

Ta prochaine création s’appelle La Sonata Miho. Elle est inspirée d’une histoire vraie… 

Oui, elle est basée sur l’histoire vraie de Sasaki Sadako (surnommée « Miho » dans le spectacle, « celle qui chante »), une enfant japonaise de 12 ans, atteinte de leucémie suite au bombardement d’Hiroshima. Dans la tradition de l’origami, cet art du pliage au Japon, il y a la grue, qui est un bel oiseau.  Une légende dit que si l’on plie 1000 grues, le vœu que l’on fait peut se réaliser. Sadado a plié 644 grues, comme autant de petites prières pour sa guérison et la paix dans le monde. Elle n’a pas survécu à sa maladie, mais ses camarades de classe ont continué pour elle, et collecté de l’argent pour construire un mémorial à la paix. Depuis, chaque année, dans le monde entier, des grues sont envoyées à ce mémorial, où elles forment de belles guirlandes colorées. Le message de cette histoire, qui s’adresse aux enfants mais touche aussi leurs parents est : « vous pouvez être des acteurs de paix » !

C’est ce message que tu veux transmettre à ton tour, en créant La Sonata Miho ?

Oui, c’est un message d’espoir, dont on a grand besoin actuellement. Quand j’ai découvert l’histoire de Sadako, et cet élan qui s’est créé autour d’elle, j’ai été très touchée. Le thème de la mort y est présent, mais il est transcendé par cette légende des 1000 grues, et par l’élan très fort venu de cette petite fille et de tous ses camarades. Ces petits Japonais ont réussi à lancé un appel à la paix qui a fait le tour du monde, et qui continue aujourd’hui à transformer les gens. Les enfants se passionnent pour cette histoire.

La mort et particulièrement la mort d’un enfant est un sujet tabou dans notre société, rarement abordé car il est douloureux et qu’il fait peur…

Oui, mais j’ai eu vraiment besoin d’aborder ce sujet. L’année dernière, mon fils qui avait 4 ans a pris conscience de la mort. Il nous posait beaucoup de questions comme « Pourquoi on meurt ? » « Maman, est-ce que tu vas mourir un jour ? » Il a été comme ça pendant des semaines. J’essayais de calmer ses angoisses ; au début pour ne pas le heurter, je lui ai dit que je mourrai quand je serai vieille. Ce n’est que quand on lui a dit la vérité : « Oui, je vais mourir un jour, et je ne sais pas quand, et c’est pareil pour nous tous », qu’il s’est apaisé. Je pense vraiment que les enfants ne sont pas dupes, ils pressentent beaucoup de choses et savent bien au fond d’eux-mêmes quand on leur ment. En parlant de cela avec d’autres parents, je me suis rendue compte que beaucoup cachaient la vérité à leurs enfants, qu’ils avaient peur d’en parler. Ensuite sont arrivés les attentats…

Comment ont réagi tes enfants face à cette violence ?

A la maison nous n’avons pas la télé, mais les enfants en parlaient entre eux à la récréation. Mon fils, comme beaucoup d’autres enfants, est revenu le soir de l’école avec des questions comme : « pourquoi le monsieur il s’est fait exploser ? » Et après, il y a eu les exercices de confinement dans les écoles, qui ont suscité d’autres  interrogations… La violence fait partie de ce monde, mais avec les médias, internet ou en entendant les conversations des adultes, ils sont vraiment bousculés par elle.

En mettant en scène La Sonata Miho, tu invites les enfants « à regarder le monde tel qu’il est, mais en leur montrant qu’ils ont en eux le pouvoir de le transformer ». Pour cela La Sonata Miho est plus qu’un spectacle !

Oui, c’est un vrai projet de territoire qui va durer plusieurs années et qui lie le social, l’artistique et le pédagogique. La Sonata Miho est déclinée sous une forme courte (La Sonatine), qui ira dans les écoles, les médiathèques, les salles de spectacle, mais aussi les hôpitaux, les instituts spécialisés… Elle donne lieu à des ateliers d’écriture, où les enfants peuvent écrire à la petite Miho, leur peur, leur colère, toutes leurs émotions. Ce qu’il faut c’est qu’ils ne gardent pas ça au fond d’eux. Il y a aussi des ateliers de découverte de la culture japonaise : l’origami, les percussions japonaises, la danse Buto, etc. Pour accompagner le montage de ce projet, la Ronde Bleue bénéficie de l’accompagnement d’une experte du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, depuis plusieurs mois. L’aventure vient de commencer, en pays de Brocéliande. A Iffendic par exemple, le projet réunit la médiathèque, la mairie, le centre culturel, les deux écoles, le foyer de vie et la maison de retraite. C’est une occasion rêvée de construire la paix à l’échelle d’une ville ! Ce projet vise aussi à créer du lien entre voisins, parents et enfants…

Comment ont réagi les professeurs de l’école d’Iffendic où a démarré le projet ?

Les équipes enseignantes sont épatantes, et les enfants avaient plein de choses à exprimer et de nouvelles idées. Cela a été magique de voir le projet démarrer et prendre forme, et les gens touchés…

Peux-tu nous parler un peu de la scénographie de La Sonata Miho ?

Le spectacle mêle les instruments japonais, – la flûte traditionnelle et des percussions comme le Taiko -, et Jean-Sébastien Bach. C’est un pont entre l’Orient et l’Occident. J’ai le plaisir de jouer La Chaconne, cette œuvre que j’adore et qui mêle si bien tristesse et joie. Le décor met en scène les origamis fabriqués par les enfants, des animations évoquant le voyage des grues dans le monde intérieur de la petite fille. Une création sonore fait entendre les voix des enfants, lisant les lettres qu’ils ont écrites à Miho…

Comment la disparition de Sadako est-elle évoquée ?

Miho était shintoïste, elle croyait aux esprits de la nature. Dans le spectacle, elle se fond peu à peu dans la nature, en déchirant un fil de soie, qui est comme une porte entre le monde de la vie et de la mort. Derrière la porte, il y la nature, le jardin, qui ouvre sur plein de possibles. Et puis, malgré sa mort, on voit que Sadako est encore vivante à travers nous, à travers le récit qu’on en fait, et le message qu’elle a laissé. De même que la musique de Bach écrite il y a longtemps est toujours bien vivante aujourd’hui.

Tu aimes les voyages et tu es passionnée par le Japon depuis longtemps je crois ?

J’ai eu la chance de voyager lorsque j’étais altiste. Au Japon, j’ai même eu l’honneur de saluer l’empereur ! La culture japonaise m’a toujours attiré. Le tir à l’arc, l’aïkido, la philosophie et la spiritualité orientale… cela m’a toujours accompagnée.

Les premiers spectacles de la Ronde Bleue ont été montés sans subventions…

C’est vrai, tous nos spectacles ont été montés jusqu’ici en auto-production, toujours avec l’idée de faire confiance à la vie, de suivre les « chemins de traverse ». On a  trouvé un appui auprès des bibliothèques, des écoles, des petits centres culturels, et rencontré des gens supers qui croient en l’art et en la beauté. Il y a toujours plein de belles choses et de rencontres qui arrivent quand on fait confiance. Mais là, on s’est embarqué dans une grande aventure, qui va durer plusieurs années. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une équipe formidable avec La Ronde Bleue, regroupant artistes et bénévoles.

Chacun peut donc être co-créateur avec le financement participatif que vous avez  lancé sur HelloAsso…

Oui, ce qui est bien c’est que le fait d’avoir besoin de trouver de l’argent fait parler du projet. Les gens se sentent un peu plus partie prenante, et on les informe au fur et à mesure de l’avancée du projet, par mail et sur notre page facebook. Nous cherchons actuellement des entreprises ou des personnalités qui ont envie de devenir mécènes. Chacun peut s’impliquer avec le crowdfunding, en participant même avec un petit don. On a besoin de partenaires, mais aussi de l’implication des parents, des éducateurs, des élus. Et de tous ceux qui ont envie d’être acteurs de paix.

Vous avez aussi une nouvelle marraine, Magda Hollander Lafon (Rennaise d’origine hongroise, psychologue pour enfants, elle est l’auteure du livre « Quatre petits bouts de pain », où elle parle de sa résilience après sa déportation et la disparition de toute sa famille.)

Je suis très heureuse que Magda Hollander Lafon soit maintenant marraine de La Sonata Miho. C’est important qu’elle soit là à nos côtés… J’ai découvert son témoignage en 2015, quand avec son association « Vivre en paix ensemble », elle a invité les gens à écrire leur « petits bonheurs » place de la Mairie à Rennes. C’est ce qu’elle a fait toute sa vie, pour survivre, regarder ce qu’il y a de beau dans chaque journée. Surtout les “petits riens”.

Comment a-t-elle accueilli ce projet ?

Avec l’enthousiasme mais aussi l’exigence qui la caractérise, elle a compris notre démarche. Avec elle, nous avons parlé de la meilleure façon d’être toujours au service des enfants. Face à une histoire ils réagissent quelquefois comme si cela leur arrivait à eux aussi, ils n’ont pas toujours de distanciation, alors il ne faut pas faire n’importe quoi. La Sonata Miho montre que l’on peut  transformer la noirceur en quelque chose de beau et poétique. Cela change tout ! Ils ne sont pas seuls face à des vérités qui les heurtent et qu’ils ne comprennent pas, comme c’est le cas trop souvent pour eux.  Il faut parler vrai aux enfants, être authentique, et les écouter. Quand Magda Hollander-Lafon va voir les collégiens et les lycéens, elle les invite à oser poser des questions, à se rendre compte qu’ils sont importants, à être acteurs de leur vie. Je trouve cela magnifique.

Pour t’aider concrètement ?

– Devenir coproducteur en se rendant un site de crowdfunding « HelloAsso » (don à partir de 5 euros), puis partager le lien sur les réseaux sociaux
– Liker notre page facebook « La Sonata Miho » et partager nos publications pour faire connaître le projet à vos amis.
– Partager avec vos amis les emails envoyés aux donateurs, pour favoriser la recherche de mécènes et la diffusion du message.
– Participer à nos prochains ateliers de danse Buto, avec un maître japonais, (inscription sur le site ou la page facebook)
– Assister aux spectacles qui auront lieu à partir de 2017 et jusqu’en 2020 en Bretagne.
Ne pas hésiter à nous contacter !
Pour retrouver la campagne de crowdfunding : le lien vers helloasso.com
Pour découvrir la Ronde Bleue et le travail de Christine : larondebleue.fr

Adeline Faure-Chognard : « Je veux former au métier de couturière des femmes vouées à celui d’exciseuse »

Adeline Faure-Chognard, créatrice de la marque Entre Deux Rives Afc, est de celles qui mettent de la passion dans tout ce qu’elles entreprennent. Depuis trois ans à Saint-Malo, elle regarde vers l’Afrique pour créer des ponts entre les cultures. Avec elle, la mode n’est pas que frivole, elle est aussi engagée !

Comment es-tu arrivée à la couture ?
A neuf ans, j’ai commencé la broderie… Et depuis le collège, j’avais deux envies : la couture ou le journalisme ! Après un bac général économique et social, j’ai voulu faire un DUT journalisme, mais il n’y avait que 25 places par établissement, pour 1500 demandes, et je n’ai pas été prise… Il y avait bien d’autres écoles, mais elles étaient payantes, et à ce moment-là mes parents n’avaient pas les moyens de m’aider à payer mes études. Je me suis alors inscrite à Rennes en fac d’histoire. Mais une grève a commencé qui a duré 1 mois et demi… Pour moi qui voulais rentrer dans une formation hyper sélective comme celle du DUT journalisme, c’était me fermer toutes les portes. J’ai préféré changer d’orientation.

Quelle voie as-tu pris alors ?
J’ai arrêté la fac et j’ai fait des petits boulots. J’ai travaillé dans une laiterie, en usine, j’ai fait des inventaires, etc. Le B.A.BA de l’intérim… Puis j’ai repris le chemin des études et, à la rentrée suivante, je me suis inscrite en BEP tailleur homme à Valence. Je l’ai fait en un an.

Pourquoi t’être spécialisée tout de suite en couture homme ?
Je voulais acquérir un savoir faire artisanal, en apprenant ce qu’il y a de plus compliqué dans le domaine de la couture ! (j’aime aller vers ce qui est compliqué.) Le vestiaire homme est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. Cela ne pardonne pas : dans un costume homme, s’il y a un défaut, cela se voit tout de suite. Pas de place pour l’approximation ! Après ce BEP, j’ai poursuivi à Brest avec un BTS Industrie des matériaux souples (les textiles), spécialité modélisme. Là il s’agissait essentiellement de couture femme.

Tout ça t’a donné une formation assez complète en couture… Avais-tu déjà une idée de ce que tu voulais faire après tes études ?
Oui et non, je savais déjà que je voulais travailler en tant qu’indépendante, et que les tissus africains allaient jouer un grand rôle dans mon univers créatif, et que je travaillerai avec l’Afrique. D’ailleurs, dès la première année de mes études en 2004, j’ai réalisé une chemise « métissée », qui a été remarquée et que je porte toujours.

Les vêtements que tu crées mêlent toujours la mode occidentale et africaine, d’où te vient ce goût pour l’Afrique ?
L’Afrique fait partie de mes gênes, mon nom, « Faure » est lié à l’Afrique ! Je viens d’une famille de pasteurs protestants installés depuis bien longtemps là-bas. Mon arrière-arrière grand-père, Félix Faure, dans ce contexte colonial a œuvré pour des projets humanistes, avec Albert Schweitzer notamment…

Et toi, as-tu grandi en Afrique aussi ?
Non, j’ai grandi en France, et j’ai visité le Togo et le Sénégal récemment. Mais ces deux voyages sont venus confirmer mon attirance pour ce continent et cette culture. Et mon goût de l’aventure…

Revenons un peu à ton parcours Adeline, qu’as-tu fait après avoir terminé tes études de couture ?
J’ai travaillé chez Sabena Technics, à l’aéroport de Dinard, dans un atelier de sellerie où je cousais pour « habiller » les avions (des sièges, des rideaux, de la moquette…) Ce fut très formateur. Je travaillais surtout avec des hommes, et j’aimais l’ambiance de cet atelier ! En 2009, je suis partie découvrir l’Afrique et le Togo. Au retour, c’était la crise, je ne trouvais pas de travail dans la couture. J’ai décidé de me former dans un domaine qui recrute : la cuisine ! Dans la région où j’habite (Saint-Malo), il y avait de la demande… J’ai fait une formation de cuisinière avec l’AFPA.

Face à la difficulté, tu n’as pas peur de prendre de grands virages ! Mais la cuisine, ça te plaisait ?
Oui, car il y a plein de passerelles entre la cuisine et la couture : dans les deux domaines, si l’on veut être bon, il faut savoir se renouveler, jouer avec les formes et les textures, être organisé et surtout rapide ! Des qualités que j’avais déjà travaillé grâce à la couture, alors la restauration, je m’y sentais assez à l’aise !

Tu as travaillé combien de temps comme cuisinière ?
J’ai fait pendant deux ans des extras en cuisine, à Saint-Malo. Puis je me suis offert un grand voyage de plusieurs mois en Inde…

Ta curiosité et ta soif de voyages ont-elles été comblées ?
Oui ! Je voulais un voyage de détente, mais aussi découvrir les richesses de ce pays et je l’ai fait à travers les tissus, l’ornementation, l’accessoire, la broderie… et aussi la cuisine ! J’ai beaucoup aimé. A mon retour, j’ai trouvé du travail aux Thermes Marins, un établissement prestigieux de Saint-Malo. J’étais très contente ! Mais quatre jours avant de débuter, j’ai été renversée par une voiture et je me suis faite une entorse au genou qui m’a obligée à déclarer forfait.

Tu as dû être déçue ! ?
Je me suis dit que c’était un signe, et que je devais retourner vers ma première voie ! J’ai trouvé un emploi de modéliste patronnière chez La fiancée du Mékong (marque de vêtements féminins née à Saint-Malo inspirée par l’Asie). J’ai travaillé dans le bureau d’études et de développement des collections. Je faisais ce que j’aime : dessiner, réaliser des patrons. J’avais des week-end de trois jours, alors peu à peu, j’ai commencé à créer mes propres vêtements, et je me suis lancée. J’ai créé Entre deux rives Afc en 2012.

Ton style est très original, qui mèle les coupes occidentales assez strictes, (on voit ta formation de tailleur), et les tissus africains comme le wax (tissu traditionnel à l’origine enduit de cire), très coloré. Comment travailles-tu ?
Je fais tout moi-même, de A à Z, et une partie du travail est faite à la main. Certains manteaux nécessitent trente heures de travail. Les tissus que j’emploie comme le drap de laine pour les manteaux ont aussi un coût. Ma marque se situe sur du haut de gamme. Depuis la création d’Entre deux rives Afc, j’ai énormément travaillé. J’ai un tempérament de battante, mais c’est parfois difficile, car il me reste peu de temps et d’argent pour gérer la partie commerciale et me faire connaître. J’aurais besoin d’aide !

Où peut-on voir et acheter tes créations ?
Les créations sont essentiellement visibles sur Facebook (page Entre deux rives Afc), sur le site internet entredeuxrives-afc.com (même s’il n’est pas du tout à jour). Et bien sûr directement à l’atelier, à Saint-Malo et un peu partout en Bretagne et sur la région parisienne lorsque je fais des salons et autres événements (magasins éphémères, etc).

Est-ce que les Africains sont sensibles à tes créations ?
Ils sont séduits car ce mélange correspond à leurs goûts actuels. La mode africaine est en pleine ébullition, et chez les Africains il y a un regain d’intérêt pour les costumes et les tissus traditionnels de leurs parents. Depuis vingt ans, les Africains portaient de moins en moins de wax. Depuis cinq ou dix ans, la tendance s’inverse : de jeunes créateurs africains se réapproprient le costume traditionnel. Ce que je fais leur parle beaucoup ! J’ai participé à des salons de mode africaine à Paris où ma marque a été très appréciée. Ici on a peu conscience de ce dynamisme de l’Afrique, pourtant c’est un continent plein de vitalité et de créativité.

Tu as participé aussi à des salons de créateurs en Bretagne ou ailleurs ?
Bien sûr, je suis très active ! En plus d’événements autour de la mode africaine à Paris, j’étais au Forum des Arts en 2014, au salon « Toute fibre dehors » à la Gacilly, et bien sûr aux Journées européennes des métiers d’art, à Dol et Saint-Malo. Mais ça ne suffit pas… Actuellement, je suis en pleine recherche de soutien et financements, car j’ai un nouveau projet pour faire vivre mon entreprise différemment, la renforcer et l’ouvrir à de nouveaux partenariats. Et j’ai aussi envie de travailler avec des femmes.

Alors parle-nous de ce projet !
L’idée est de m’entourer de couturières africaines pour réaliser mes collections, tout en soutenant concrètement une cause qui m’est chère depuis longtemps : la lutte contre l’excision. Je souhaite former au métier de couturière des jeunes femmes normalement vouées au métier d’exciseuse. En Afrique de l’Ouest, ce sont souvent les mères ou les tantes qui forment leurs filles ou nièces à ces pratiques. Dans certaines zones, comme au Mali, en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, il s’agit presque d’une caste avec un statut privilégié. Pour qu’elles arrêtent, il faut leur proposer un revenu et une situation de remplacement honorable pour elles. Je peux les former en quatre mois et faire repartir ma société, tout en leur versant un revenu.

C’est une idée très intelligente et très généreuse de ta part, car ces femmes sont souvent perçues comme des bourreaux. Ton projet pourrait aider beaucoup de femmes. Tu as des partenaires pour cela ?
Je suis en contact avec des ONG qui luttent contre ce fléau en France et en Afrique : le collectif « Excision parlons-en », la Fédération nationale GAMS… Grâce à l’ONG internationale le CIAF, j’ai rencontré à Dakar le Coseprat, qui fait un travail de terrain énorme pour éduquer la population et avec qui je travaillerai. Le projet se situe à Guédiawaye, en banlieue de Dakar, où je me suis rendue en mai dernier pour rencontrer les jeunes exciseuses que je vais reconvertir à partir du mois d’octobre – si tout se passe bien…

De combien as-tu besoin pour rendre possible ce projet ?
Il me faut réunir 20 000 euros pour lancer l’atelier. Et 30 000 euros supplémentaires pour former pendant quatre mois les futures couturières. J’ai envoyé quinze demandes de subventions auprès de la Ville, du département, de la Région. Et je prépare en ce moment les patrons sur lesquels nous travaillerons.

As-tu pensé à d’autres façons de faire connaître Entre deux rives et soutenir ton action ?
Je recherche aussi des égéries… Une personnalité, africaine ou européenne, qui porterait mes créations et serait une ambassadrice de ma marque. J’ai été contactée par la chanteuse de rap sénégalaise, Sister Fa, très active dans la lutte contre l’excision. J’ai aussi rencontré à Dakar Laura Flessel, la chanteuse Inna Modja, qui étaient emballées par mon projet.

Tu n’as pas peur et tu sais frapper aux portes, c’est un bon point pour toi ! C’est un trait de ta personnalité ?
Oui, au collège déjà, j’avais écrit au ministre de l’éducation nationale, pour demander un local à vélo ! Plus récemment et sérieusement, j’ai envoyé à Fleur Pellerin quelques vêtements de mes collections. Avant qu’elle ne soit ministre de la culture, elle m’avait encouragée et félicitée. Hélas je n’ai pas encore reçu de retour. Mais je continue d’aller de l’avant pour faire la promotion de mon travail, il le faut !

Photos Marie-Hélène Siran