Agnès Bérenguer, céramiste et créatrice de bijoux à Combourg : « Avec mon activité, j’ai mis de l’harmonie dans ma vie ! »

Agnès Bérenguer nous a ouvert les portes de sa boutique et de son atelier, chez elle à Combourg… L’histoire d’une reconversion réussie.

Agnès, depuis quand es-tu céramiste ?

J’ai découvert la céramique il y a 15 ans maintenant, et cinq ans après, j’ouvrai mon atelier. Cela a été dès le début une passion… J’avais une trentaine d’années. J’ai adoré les sensations apportées par le toucher de la terre, une révélation pour moi ! Je me suis dit que cela allait me permettre de faire ma reconversion, en réalisant des bijoux en céramique… J’avais déjà créé des petites collections avec la pâte Fimo (pâte polymère) quand elle est sortie, mais j’avais dû arrêter, par manque de temps. Et depuis toute petite, je confectionnais des bijoux pour ma maman avec tout ce que je trouvais

Dans quel domaine travaillais-tu avant ?

Je travaillais dans la restauration à Paris. Au départ je ne me destinais pas spécialement à ça, j’y suis arrivée un peu par hasard, après un bac G2 (comptabilité). J’ai travaillé dans des restaurants puis sur les salons professionnels. J’installais des restaurants temporaries. J’arrivais avec les cuisiniers, les serveurs, et je gérais les équipes. J’aimais bien mon métier, mais je passais mes journées à courir et j’étais toujours en déplacement. Aussi quand j’ai eu mon deuxième enfant, j’ai dû arrêter.

Avec ton accent chantant, on devine que tu viens du sud…

Oui j’ai grandi à Aix-en-Provence, et je suis arrivée en Bretagne par amour, car j’ai suivi un breton !

Comment t’es-tu formée à ton nouveau métier ?

Je me suis formée en suivant des stages, notamment avec une association de Montgermont, le Gué d’Olivet. Puis du côté d’Angers pour ce qui est de l’apprentissage de la cuisson, car ça ne s’improvise pas, il y a des paliers de cuisson à respecter. Pour le reste je suis autodidacte, et de toute façon il n’existe pas vraiment de formation à la création de bijoux dans le domaine de la céramique. Sinon pour travailler et cuire la terre, l’investissement principal c’est l’atelier et le four. Quand nous nous sommes installés avec mon mari ici à la campagne, nous avons choisi une longère à rénover, dans un lieu qui me permettait d’y installer un jour un coin atelier…

Bien que ton adresse soit à Combourg, on est ici en pleine campagne. Cela a dû être un énorme changement avec la vie parisienne et ton travail dans les salons ?

Oui, j’étais habituée à travailler avec plein de monde autour de moi, beaucoup bruit… et je me suis retrouvée isolée, dans la nature, dans une nouvelle région… Mais comme j’avais mes enfants en bas âge, j’étais très occupée. Dans la restauration de salon, on court tout le temps, on n’a pas le temps de faire une pause ! Ici j’ai trouvé un nouvel équilibre, la création, le calme, m’ont rendue “zen” !  Cela m’a fait énormément de bien.

Nous sommes dans ta boutique – toute en bois – où tu exposes tes créations (à côté de l’atelier). Tu ouvres chaque vendredi c’est ça ?

Oui, tous les vendredis, de 9 h 30 à 18 h, c’est “Portes ouvertes” à la boutique, mais on peut aussi venir dans la semaine, il suffit de me passer un coup de fil ! Et chaque année, pour la fête des mères et fin novembre, avant le marché de Noël, j’ouvre pendant 8 jours, pour présenter une nouvelle collection. Je fais un peu de promo avant, et tout doit être prêt pour le jour J ! Cela me met une grosse pression ! C’est pendant ces 2 semaines que je fais mon plus gros chiffre d’affaires. Depuis le démarrage, j’ai des clientes très fidèles qui viennent tous les ans. Certaines viennent à plusieurs. C’est la « sortie copines » ! Et moi je leur réserve un petit pot d’accueil. Ou alors elles viennent seules. Certaines, qui travaillent dans le coin, passent pendant leur pause de midi, avec leur sandwich ! Je marche essentiellement sur le bouche-à-oreille, depuis le début.

Cette boutique à côté de ta maison, à la campagne, c’est pour toi la meilleure solution ?

Oui. Dès le début, j’ai voulu créer un joli endroit ici pour bien m’occuper de mes clientes et les conseiller, car c’est une des choses que je préfère dans mon activité ! Mes clientes viennent avec leur toilette quand elles ont une cérémonie, et je les aide à trouver le bon bijou. J’adore les aider à personnaliser leur tenue ! Et avec certaines, on se connaît maintenant depuis quelques années, c’est très agréable de se retrouver ! L’été quand il fait beau on peut se poser dans le jardin. J’essaye de me différencier d’un commerce traditionnel. J’aime aussi beaucoup agencer et décorer ma boutique, pour bien mettre en valeur les bijoux. J’aime récupérer des vieux meubles et toutes sortes d’objets que je transforme.
Comme les gens se donnent la peine de venir chez moi, je dois vraiment soigner mon accueil ! J’ai eu quelques craintes quand je me suis lancée, c’était un gros challenge, mais finalement, tout s’est bien passé. Je suis en progression constante depuis le début, avec juste une année 2015 en baisse, mais je crois que cela a été le cas de beaucoup de monde !

Tu exposes tes bijoux en dehors de ta boutique ?

Très peu. Je fais quelques marchés d’artisans comme par exemple Le marché aux fleurs de St-Malo, Les Floréales de Combourg (car je crée aussi des accessoires de jardin). Et mes bijoux sont dans quelques boutiques, mais loin d’ici. Mes ventes se font principalement à la boutique. Je fais très peu de publicité. J’ai un site internet avec une boutique depuis 2 ans, et qui m’apporte aussi quelques clientes… Mais en général elles vont d’abord sur le site puis viennent me voir pour acheter. Le site sert de vitrine.

Quelles qualités demande le travail de la terre ?

Et bien c’est très physique déjà ! Cela demande beaucoup d’énergie. La terre doit être malaxée avant le modelage, il faut nettoyer chaque soir car la terre salit beaucoup. Pour le modelage et la peinture tout est dans la finesse et la subtilité. Pour obtenir de beaux arrondis, il y a un gros travail de ponçage manuel. Tout est peint à main levée. Certaines pièces me prennent des heures, car j’aime avoir un résultat avec de belles finitions. Les bijoux que je crée ont la particularité d’être émaillés sur les deux faces, ce qui implique de les faire cuire sans qu’ils touchent aux plaques du four. Donc la préparation de la cuisson demande du temps. Mais je tiens beaucoup à cette qualité, c’est aussi ma marque de fabrique !

Qu’est-ce qui t’inspire dans tes créations ?

J’aime beaucoup faire des pendentifs qui ressemblent à des petits “tableaux”, dans un esprit “graphique”.  La “dentelle” et les étoffes m’inspirent aussi beaucoup. Je mélange les matériaux, le cuir, les plumes, le métal, la dentelle, le daim… J’incorpore dans mes pigments du granit, des éléments nouveaux… C’est une recherche sans fin !

Es-tu spécialisée dans certains bijoux ?

Non, je propose toutes sortes de bijoux, des bracelets, des pendentifs, des bagues. Je fais beaucoup de boucles d’oreilles car elles me sont très demandées. Ce sont des petits cadeaux que l’on peut offrir ou s’offrir facilement (à partir de 16 euros).  Je m’adresse à tous les âges, de la petite fille à la grand-mère. Dans mon travail et aussi quand j’achète des matériaux, je privilégie la qualité et le made-in-France. Les plumes, je les achète (par correspondance) du côté de Vannes ; ce sont des plumes tombées naturellement, et non pas arrachées directement sur l’animal comme c’est le cas avec certains fournisseurs. II n’y a que pour la partie métallique, les fermoirs, que je me tourne vers des fabricants italiens et belges, car en France on n’en trouve pas !

Les bijoux portent tous un nom, on dirait ?Oui, chaque collection (et même chaque bijou) a son nom ! Cet hiver c’était la collection “Allure”. A partir du 21 mai – pour la fête des mères -, je sors la collection été, beaucoup plus colorée que la précédente. Mes clientes aiment bien ce côté “collections”. Une cliente va s’offrir un collier et quelques fois attendre un peu pour compléter et avoir les autres pièces de la parure. Je veille aussi à personnaliser tous mes emballages et étiquettes, car je pense que ce sont des détails qui comptent. Je fais tout moi-même, mais c’est vrai que tout ça prend beaucoup de temps !

Fais-tu aussi visiter ton atelier ?

Quelquefois, quand on me le demande ! Il m’arrive d’accueillir des groupes de touristes venus en car (du Domaine des Ormes). Ils visitent mon atelier le matin et l’après-midi ils vont au château de Combourg  ! Parfois c’est moi qui me déplace, par exemple au CAT (Centre d’Aide par le Travail) de Dol, j’aime beaucoup ces rencontres. Je vais aussi dans les écoles, je fais découvrir le travail de la terre aux enfants. J’arrive avec mes bâtons, mes blocs de terre, et je leur raconte des histoires…  Et quand ils voient que, après modelage et cuisson, cela devient un beau bijou, ils sont émerveillés !

Est-ce que tu as des messieurs parmi tes clients ?

J’ai une petite clientèle de messieurs, qui viennent pour leurs femmes ou leur grande fille, mais dans l’ensemble la clientèle masculine n’ose pas trop venir. Pourtant j’aimerais bien développer cette clientèle !

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ton activité ?

Comme pour tous les indépendants je pense, c’est de devoir porter plein de casquettes et de devoir tout gérer ! C’est parfois épuisant. Même si j’aime la création et le commerce, le fait de toujours devoir se renouveler demande beaucoup d’énergie. Pour ce qui est de mes pubs, j’en fais peu mais je les fais moi-même. Mon site internet aussi m’a demandé pas mal de travail ! J’ai écrit tous les textes et fourni toutes les photos. Sinon, le fait de travailler seule, de tout décider seule, est parfois dur.

Tes proches t’ont encouragée dans ton entreprise ?

Oui, heureusement, mon mari me soutient. Même s’il était plutôt sceptique au début…  Je pense qu’il est assez fier de moi maintenant !

Quelles sont tes ressources dans les moments difficiles ?

Mes amies ! Elles sont très importantes pour moi. Mes amies de Combourg, celles que j’ai connues en arrivant ici, au travers de l’école de mes enfants, ma meilleure amie qui est à Rennes… Et ma maman qui vient tous les ans depuis le sud de la France pour m’aider pendant les nouvelles collections. Elle est formidable, elle m’aide pendant toute la semaine ; elle accueille, sert le café, m’aide pour les repas. Elle m’a toujours soutenue.