Isabelle Brunet a créé il y a deux ans IB Graphiste dans son village des Côtes d’Armor. Sous ses airs discrets se cache une pro de la com’, qui met son dynamisme au service de son entreprise mais aussi de la vie locale…
Isabelle, dans quel domaine as-tu travaillé avant de créer IB Graphiste ?
Dans la pub et le marketing, pendant 24 ans. Notamment dans une agence de conseil en communication à Paris, pendant 18 ans. C’était une petite structure, plutôt familiale (il y avait le patron, sa femme et nous étions deux graphistes), mais à l’activité intense. Le travail était passionnant mais le rythme était effréné, avec de nombreuses soirées « charrette » (heures supplémentaires pour envoyer dans les temps un document au client ou à l’imprimerie).
Cette période a été formatrice pour toi ?
Oui, l’avantage des petites structures c’est que c’est très formateur, chacun doit être polyvalent et prendre des initiatives. On est nécessairement appelé à être autonome et réactif. J’avais un contact direct avec les clients, ne serait-ce que par téléphone. Dans les grosses agences tout est beaucoup plus cloisonné. C’était varié, on ne s’ennuyait pas ! On faisait toutes sortes de documents imprimés, du webdesign, du packaging…
Tu avais fait des études dans ce domaine ?
Oui, j’ai un BTS en communication et actions publicitaires, que j’ai complété par une formation professionnelle en arts appliqués.
Qu’est-ce qui t’as poussé à quitter ta vie parisienne ?
Avec mon mari et nos deux enfants, nous voulions venir nous installer en Bretagne. Pour la qualité de vie, parce que nous y avons plein de souvenirs d’enfance, et parce que nos parents vivent maintenant à Dinard et Saint-Cast. Et je rêvais d’une longère… dans les Côtes d’Armor ! J’ai parlé de ce projet à mon employeur et lui ai proposé de travailler à distance, en télétravail. C’était un premier pas vers l’indépendance… Mon patron était ok, puis au dernier moment il n’a plus voulu. Cela lui a fait un peu peur… On a trouvé un accord et il m’a licencié à l’amiable. On a quand même déménagé.
Tu avais le projet de te mettre à ton compte ?
Oui, j’en avais envie mais mon mari travaillait aussi en indépendant, et cela me faisait peur qu’aucun de nous deux ne soit salarié… Alors j’ai travaillé comme graphiste à Loudéac, dans une entreprise de vente par correspondance dans l’agroalimentaire (Vital Concept), pendant 5 ans, puis 3 ans 1/2 chez Mafart à Saint-Brieuc (chauffage-sanitaire-plomberie). Puis j’ai été licenciée économique…
Entre temps, l’envie d’être indépendante avait mûri. Je me suis mise à y réfléchir sérieusement, mais tout en cherchant un poste de salarié… J’ai alors consulté un cabinet de reclassement, et c’est là qu’on m’a dit : « Bon, il est temps de savoir ce que vous voulez faire ! Vous cherchez un poste ou vous voulez monter votre entreprise ? ! »
Cela t’a aidé qu’on te pousse à choisir à ce moment-là ?
Oui, j’ai alors pris conscience de mes propres freins… J’en ai discuté avec ma conseillère Pôle Emploi qui m’a proposé un dispositif d’accompagnement pendant 3 mois : l’OPCRE (Objectif Projet Création ou Reprise d’Entreprise). Pour vérifier la cohérence et construire mon projet de création. J’ai donc été accompagnée par la Boutique de Gestion (BGE) pour élaborer l’étude commerciale, établir les éléments financiers, choisir mon statut juridique, élaborer un plan d’action en définissant les étapes… Cela a été très utile. J’ai ensuite demandé la moitié de mon capital restant à Pôle Emploi. Il me restait un an de chômage, j’ai donc reçu l’équivalent de 6 mois d’allocations pour me lancer, un sacré coup de pouce (dispositif ARCE) ! J’ai également bénéficié de l’aide à la création d’entreprise de mon ancien employeur dans le cadre de mon CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle).
Quel statut as-tu choisi pour ta société ?
J’ai monté IB Graphiste en août 2014 en tant qu’auto-entrepreneur, statut que j’ai conservé pour l’instant car je le trouve très simple côté administratif.
As-tu eu aussi besoin de te former dans ton domaine ?
Oui, j’ai fait une formation pour me perfectionner dans la conception de site internet, notamment en webdesign et pour créer des sites personnalisés sous WordPress.
Quelles prestations proposes-tu avec IB Graphiste ?
Je conçois et réalise tout support de communication aussi bien imprimés que web, de A à Z. Je suis créatrice d’identité visuelle : une charte graphique, un logo… Je fais aussi de la formation aux logiciels PAO : Photoshop, InDesign, Illustrator mais aussi à Gimp et Scribus (version libres et gratuites) et des initiations à WordPress (pour faire des blogs ou sites « vitrine »).
Depuis que tu t’es mise à ton compte, qu’est-ce qui a évolué dans ton travail ?
La part de plus en plus grande prise par la publicité « en ligne ». Maintenant, quand on est graphiste, il faut savoir utiliser le web aussi bien que le « print ». Aujourd’hui presque tout le monde a le réflexe de faire une recherche sur Internet pour avoir des infos sur une entreprise ! Donc il faut orienter ses clients dans ce sens. En plus de mon travail de graphiste, je suis amenée à répondre aux multiples questions que les clients se posent à ce sujet.
Quel conseil donnes-tu à tes clients pour se faire connaître ?
Je conseille un mix de pub à travers des flyers, une plaquette, etc ; et une présence sur le web. C’est impératif, via un site Internet. Une présence sur les réseaux sociaux (Facebook, google+, Twitter) est en plus fortement conseillé, pas pour faire des ventes directes mais pour faire un lien vers son site. De plus cela aide aussi au référencement.
Mais être présent sur les réseaux sociaux ou avoir un blog ne convient pas forcément à tout le monde… Non, cela dépend des tempéraments et aussi des domaines d’activités… Faire sa communication prend aussi beaucoup de temps. Beaucoup d’entreprises qui ont un blog n’ont pas le temps d’écrire des articles. Dans ce cas là, mieux vaut ne pas en avoir que de le laisser inactif, ou alors faire appel à quelqu’un de spécialisé !
Et pour toi comment procèdes-tu ?
Je fais de la veille dans mon domaine, et j’utilise beaucoup Facebook, Twitter et Google + (un peu moins). Cette compétence fait que de plus en plus, des clients me demandent de faire vivre leur page Facebook ; donc j’ai aussi parfois une activité de Community Manager. C’est intéressant, mais il faut être prudent avec les infos que l’on met dans une page pro. Si quelqu’un se plaint d’un produit et met des commentaires négatifs à un article, il faut répondre de façon positive et ne pas laisser ça en suspens, car il en va de la réputation de l’entreprise.
Qu’est-ce que tu aimes dans ton travail ?
J’aime le contact avec le client, et même l’aspect « accompagnement » ! Quand un client fait appel à moi, c’est rare qu’il ait une idée précise de ce qu’il veut, et qu’il sache bien présenter son activité. Je l’invite à se poser ces questions : « à qui je m’adresse ou à qui j’aimerais vendre ? », ou « quels sont les produits que je vends ? » Je les aide à trouver ce qui les différencie des autres… quelquefois je fais un peu de psychologie !
Je n’habite pas toujours à côté de mes clients, mais j’essaye de me déplacer au moins lors de la première rencontre, c’est important. Je passe 1 heure ou 2 avec le client pour bien comprendre son métier et ses attentes.
Qu’est-ce qui est le plus compliqué pour toi ?
Les entreprises ne se rendent pas toujours compte que j’ai besoin d’informations, de « matière » ! Pour créer une plaquette ou un site internet par exemple… Même si je peux aider à rédiger des textes ou faire des photos, il y a des données sur l’entreprise que je ne peux inventer moi-même. Alors il faut aller à la pêche aux infos !
Selon toi quel est l’intérêt de faire appel à un indépendant plutôt qu’à une grosse agence ?
Pour ma part, je dirais que c’est ma proximité avec le client. Je suis son unique interlocuteur et mon but est de lui proposer quelque chose qui « colle » vraiment à sa personnalité, ses envies. Pour cela il faut vraiment être à l’écoute. Une cliente (qui démarrait son entreprise) s’est justement tournée vers moi parce qu’ailleurs on avait voulu lui imposer une charte graphique qui ne lui correspondait pas. On l’avait aussi incitée à changer le nom qu’elle avait choisi pour son entreprise. Il faut certes conseiller mais respecter aussi les goûts et la sensibilité du client. Un juste milieu pas toujours simple à trouver.
Tu aimes t’occuper des créateurs d’entreprise ?
Oui, surtout quand on me confie la création du logo ! Dernièrement, j’ai passé beaucoup de temps avec un jeune chef d’entreprise, avec lequel je suis allée au fond des choses, pour trouver pourquoi ce nom résonnait en lui… Au final mon client s’est « retrouvé » dans le logo que j’ai créé, alors j’ai atteint mon but ! Les gens qui lancent leur activité y mettent beaucoup de cœur, c’est un peu leur « bébé », alors je ne peux pas les décevoir.
Beaucoup n’ont pas vraiment prévu de budget pour leur communication…
Non, et souvent les gens commencent par faire par eux-mêmes… Mais au bout de quelques temps ils se tournent vers un pro quand ils réalisent que c’est un métier, et qu’il vaut mieux faire confiance à un professionnel qui a les codes pour communiquer.
Qu’as-tu appris depuis que tu as démarré, sur tes méthodes de travail ?
J’ai appris entre autres à bien cadrer mon travail, en amont, lors du devis, pour éviter tout malentendu car certaines personnes ne réalisent pas que si elles changent d’avis à plusieurs reprises concernant leurs textes (le contenu, la longueur), cela bouscule la mise en page.
Autre exemple, pour les logos, on se met d’accord sur un nombre de propositions (en général, je propose trois projets). Je ne fais jamais le même devis, je le personnalise. Certains n’ont pas trop de budget ou alors il y a le cas des associations. J’essaye de faire un tarif pas trop élevé, ou alors d’adapter le temps que je passe…
Tu as ton bureau chez toi… Comment fais-tu la séparation vie professionnelle et vie familiale ?
Je commence ma journée quand mon mari part travailler, et je m’arrête quand il revient vers 19 h ! Je ne travaille pas le week-end, ni pendant mes vacances, sauf s’il y a urgence. Avec ces horaires ma vie de famille est préservée ! Travailler chez moi me permet aussi d’être disponible en cas de besoin pour mes deux enfants de 14 et 18 ans (comme prendre la voiture pour les conduire quelque part !).
Je crois que tu aimes bien les réseaux…
Oui, les réseaux sont super importants ! Pour moi, c’est l’entraide, l’échange d’infos… Je suis assez active dans le Club des Créateurs et Repreneurs d’Entreprise du 22 (CCRE22), sur Dinan et Lamballe, où on échange sur nos domaines d’activités et les problématiques des créateurs d’entreprises. Et il y a le CBC22 (Club Bretagne Communication) à Saint-Brieuc. C’est un Club de communicants : des responsables de com’ en collectivités, des graphistes, etc. Et je fais aussi partie de Femmes de Bretagne ! Je ne suis pas très « commerciale », alors grâce à tous ces réseaux j’ai fait beaucoup de rencontres.
Que t’as apporté le réseau Femmes de Bretagne ?
J’ai participé à plusieurs rencontres organisées par Karelle Ranson, à Pleudihen-sur-Rance et à Dinan, qui ont initié de belles collaborations du côté Nord Bretagne ! J’y ai rencontré des femmes des environs, et certaines comme Anne Chaumont (Up’Cycling France) et Cécile Mugler (Les Peintures Malouinières) sont devenues des clientes avec lesquelles j’ai collaboré sur plusieurs projets. Et j’aime aussi de temps en temps répondre à un « coup de pouce » ou accueillir les nouvelles sur le site.
Quel conseil aurais-tu envie de donner à celles et ceux qui aimeraient se lancer en indépendant ?
D’oser aller vers les autres, même si ce n’est pas facile, pour ne pas être seul. Intégrer un ou plusieurs réseaux, favoriser le partenariat local et participer à la vie de sa commune ou de sa région, en rejoignant le monde associatif. Quand je suis arrivée dans mon village de Saint-Esprit des Bois (Plédéliac), je ne connaissais personne, mais peu à peu j’ai trouvé ma place ! Le bénévolat m’y a énormément aidé. Je fais partie de plusieurs associations et j’en ai même créé une : « Lentcho ». Les membres actifs ont entre 14 et 45 ans, c’est une association inter-générationnelle. Nous organisons des évènements culturels et festifs (concerts, contes, salons, spectacles de cirque…) depuis un an, en Côtes d’Armor.
Je pense qu’il est primordial d’être bien entouré pour avoir confiance et croire en soi. J’ai eu la chance d’avoir les encouragements de mon mari, mes amis et ma famille. Au départ, je n’étais pas du tout sûre de moi. Mais j’ai pris confiance peu à peu en devenant indépendante !
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