Amoureuse de l’art de vivre à la scandinave, Valérie Georges a ouvert il y a un an, à Montgermont près de Rennes, le centre Kemijoki. Avec un pari audacieux, nous faire adopter le froid !

Valérie, peux‐tu résumer en quelques mots ce qu’est la cryothérapie ?

C’est un traitement par le froid, qui a de multiples effets sur notre santé et notre bien‐être. Le froid est un catalyseur, qui booste les ressources naturelles du corps. Les applications sont multiples : douleur chronique et aiguë, inflammation, cicatrisation, certaines maladies de peau, performance et récupération sportive, stress, anxiété, dépression, sommeil, surpoids et cellulite, anti-âge…

En créant ce centre tu avais conscience des réticences que la cryothérapie peut susciter ?

Oui ! En France la cryothérapie est encore peu connue. Pour se soigner ou se détendre on pense plutôt au chaud : une bouillotte, un bain chaud !
Ou bien on a conscience du pouvoir du froid, mais il y a des a priori et des peurs à surmonter. Mais cela fait partie de mon travail d’expliquer, de rassurer, de faire de la pédagogie, au quotidien. Une personne qui vient nous en amène environ sept autres, c’est le bouche à oreille qui fonctionne le mieux ! Je vois les regards changer peu à peu, à commencer par les professionnels de santé eux‐mêmes, les infirmières, les kinés et médecins qui sont nombreux à venir ici. Les sportifs professionnels viennent aussi de plus en plus, notamment les joueurs du Stade Rennais, pour récupérer mieux et plus vite…

Il existe d’autres centres comme celui‐ci en France ?

Il existe cinq centres de cryothérapie en France : Marseille, Montpellier, Aix‐en‐Provence, Saint‐Malo et ici à Rennes. Mais le concept Kemijoki est unique ; ici on propose une prise en charge globale de la personne, l’association de plusieurs cryotechnologies pour une meilleure efficacité. Et nous avons su potentialiser les effets du froid en les combinant avec d’autres outils, dans des protocoles développés en interne. Pour ça je me suis entourée d’une équipe de professionnels : cinq personnes aujourd’hui !

Quel a été ton parcours avant Kemijoki ?

Au départ j’ai fait des études scientifiques : j’ai étudié la micro-biologie, l’agro-alimentaire et la chimie organique. Je possède un DEA et un DUT de gestion. Ce parcours m’a permis de décrocher mon premier poste, à la Chambre de Commerce et d’Industrie des Côtes d’Armor : on demandait quelqu’un ayant des connaissances en agro‐alimentaire et en gestion.

Que faisais‐tu exactement ?

Je conseillais des porteurs de projets et j’accompagnais les projets de développement des entreprises. J’adorais mon métier, c’était à la fois passionnant et très formateur ! Je suis restée 15 ans à la CCI.

Avec cette expérience, tu devais être bien armée quand tu t’es lancée à ton tour ; cela s’est fait à quel moment ?

Oui, je peux dire que quand j’ai lancé Kemijoki, je connaissais plutôt bien le parcours qui s’impose, et les aides… A force d’accompagner des futurs chefs d’entreprise, j’ai eu envie de me lancer moi aussi, c’est devenu pour moi un impératif ! J’avais une image préconçue de la création d’entreprise, je me disais : « c’est plus dur que de reprendre ». Alors au début, j’ai cherché à reprendre une entreprise. Mais ça ne marchait pas, je ne trouvais pas… Quitter la CCI, cela m’a pris du temps.

Comment as‐tu trouvé l’idée de Kemijoki ?

Je me suis dit : « pose‐toi ». J’ai fait un bilan de compétences. J’ai fait un travail sur moi, en me disant : « Qu’est‐ce qui me fait vibrer, vraiment ? ». Au bout de plusieurs mois, cela a été une évidence : d’une part je n’étais pas faite pour reprendre, mais pour créer, car mon moteur, c’est la création, et d’autre part, j’étais faite pour l’humain, et je voulais que cela soit dans le domaine de la santé ou du bien‐être. Et je voulais innover ! L’idée en fait est venue de mon intérêt pour l’art de vivre « à la nordique ». En m’imprégnant de cette culture et en cherchant ses « secrets » de santé et de bien-être, j’ai découvert la thérapie par le froid, et là j’ai su que c’était pour moi !

Qu’est‐ce qui te plait dans cette culture ?

La Scandinavie pour moi c’est le souhait de vivre sainement et en accord avec la nature. Un style de vie qui intègre l’harmonie entre le corps et l’esprit, la pratique du sport, l’art de la détente et de la relaxation… depuis des millénaires ! C’est aussi un certain art de vivre : le confort, le design, le respect (de tout et de tous), la simplicité et le sens civique… Des valeurs authentiques et une culture où le bien-être est associé à des gestes simples, en respect avec la nature et la personne.

Qu’est‐ce que Kemijoki a de différent des autres centres de cryothérapie ?

D’abord je dois dire que la notion d’équilibre de vie a été mon fil conducteur quand j’ai créé Kemijoki. Quatre ans avant de quitter la CCI, j’ai fait un master en gestion des émotions. Je suis convaincue que nos émotions ont un lien avec nos maux. J’ai voulu créer un endroit qui offre une prise en charge globale et personnalisée. Pour potentialiser les effets de la cryothérapie, nous associons les conseils d’une diététicienne, d’un ostéopathe, d’une esthéticienne ; on peut être accompagné aussi avec l’hypnose… La prise de poids et la douleur par exemple sont souvent liées aux émotions, on doit parfois travailler les deux aspects en même temps.

Dans la cryothérapie du corps entier, la température descend à ‐110°, c’est bien ça ?

Oui, mais seulement pendant 3 mn, sous la conduite et la surveillance d’un cryothérapeute ! Et cela ne se fait pas brutalement, il y a des paliers. C’est impressionnant au début, il y a un petit stress, une appréhension de l’inconnu en fait. En général, à la 3e séance, il y a un déclic, les gens « entrent » dans l’univers de la cryothérapie. Au bout de la 7e séance, les gens sont « accros » ! Après la séance il y a un effet de bien‐être, car le sang est saturé en endorphine (les molécules du bonheur !), comme si on avait fait un footing de deux heures.

Au‐delà du spectaculaire, les effets sur des pathologies très invalidantes, ‐ cela va des migraines à la sclérose en plaques – sont impressionnants. Pour la spondylarthrite ankylosante, par exemple, au bout de 20 séances, la douleur a pratiquement disparu et cela peu durer un an.

Tout le monde peut venir chez Kemijoki ?

Il peut y avoir des contre‐indications, aussi on a d’abord un premier rendez‐vous avec un praticien de santé gratuit et obligatoire. Ensuite on propose un traitement sur-mesure, soit quelques séances, soit des cures, plus ou moins longues. On peut faire aussi une cure de découverte.

As‐tu profité des aides à la création d’entreprise pour monter ton projet ?

Bien sûr ! J’ai fait appel aux dispositifs existants et je me suis fait accompagner par la CCI de Rennes, c’était une nécessité. J’ai bénéficié du label « Entreprise innovante ». J’ai été accompagnée par Presol (prêts solidaires en Ille‐et‐Vilaine), le Club des créateurs d’entreprises, Rennes Initiatives…

Comment s’est passé l’installation dans ce local de Montgermont ?

Kemijoki est ouvert depuis le 14 novembre 2014, cela fait un an. J’avais trouvé ce grand local dans la zone de Décoparc, mais tout était à faire ! J’ai piloté l’intégralité des travaux, les appels d’offre de tout le chantier.

Côté décoration, on fait ici un bout de voyage dans les pays nordiques… Tu as fait appel à un professionnel ?

Non, mais j’avais une idée bien précise de l’ambiance que je voulais recréer. Avec l’équipe, nous avons tout fait nous‐mêmes, en nous inspirant du style scandinave. Tout est blanc avec du bois pour le côté naturel, avec une lumière douce bleutée… Pour créer une atmosphère reposante et lumineuse.

Et les tableaux qui sont sur les murs ?

Ce sont des oeuvres de peintres ou photographes, que nous exposons pendant plusieurs mois. Comme par exemple celles de Sophie Latron, complètement en harmonie avec ce lieu, avec des tons chauds, autour du thème de la nature.

Comment gères‐tu ta communication ?

D’abord, je soigne l’image de mon entreprise et la mienne, bien sûr elle doit être chaleureuse ! J’aimerais avoir plus de temps pour m’occuper de ma communication et parler de nos bons résultats, de la satisfaction des gens qui viennent ici, et que je constate chaque jour ! Nous utilisons les réseaux sociaux, facebook principalement. On est sponsor d’une manifestation de golf… Et les mois derniers, suite à un article de l’AFP, la presse a fini par parler de nous, mais cela a mis du temps !

Qu’est‐ce qui est le plus difficile pour toi ?

La création de Kemijoki m’a demandé beaucoup d’énergie et de sacrifice. Ici j’ai voulu que ce soit ouvert du lundi au samedi inclus, et de 8 h à 20 h. Et le dimanche il y a le nettoyage de la machine à faire ! Mon équilibre coté vie privée a été un peu perturbé.

Que conseilles‐tu aux femmes de Bretagne ?

De se faire aider ! Dans les dispositifs d’aide il y a des parrains, qui sont de bons conseils. Il faut se faire encadrer, soutenir là où on en a besoin. Et participer à des clubs de chefs d’entreprise, c’est important !

Tu fais partie d’un réseau d’entrepreneurs ?

Oui, Dynamic 35, Presol, Club des créateurs, et Femmes de Bretagne ! J’ai moi‐même animé beaucoup de réseaux de chefs d’entreprise, mais c’était dans les Côtes d’Armor… Quand je me suis installée en Ille‐et‐Vilaine (d’où je suis originaire), j’ai dû repartir de zéro et me reconstituer un réseau. C’est capital mais pas toujours simple de trouver le temps de participer aux rencontres ! Et puis j’élève seule mes deux enfants, qui ont besoin de moi aussi ! Je peux dire que j’ai été noyée pendant les six premiers mois du lancement de Kemijoki, mais cela va mieux. J’ai sorti la tête de l’eau !

Pour finir Valérie, qu’est‐ce qui te donne le plus de satisfaction aujourd’hui dans ton travail ?

Mes plus grandes joies sont celles que j’ai partagées avec les personnes souffrant de pathologies lourdes ou de douleurs chroniques depuis des années, et pour lesquels nous avons des résultats incroyables. Lorsque les gens nous disent « vous m’avez redonné le goût de vivre » ou « vous vous rendez compte, ça fait 17 ans que je n’ai pas été comme ça, sans douleurs », là je me sens comblée et récompensée de mes efforts.