Delphine Grimont : « Je me suis offert le plus beau bureau du monde »

A Vannes, Delphine Grimont a créé le Piano Barge – restaurant, bar à vins, café-concert – à bord d’une péniche, côté Golfe…

Delphine il y a de quoi être impressionné par Le piano Barge ! Lorsqu’on visite le site internet avant de venir, comme je l’ai fait et qu’on découvre l’état d’origine du bateau, on se dit quel projet colossal !

Oui, j’ai mis quatre années à mettre en place ce projet. Quatre années qui m’ont demandé énormément d’énergie. Il fallait être sur tous les fronts : transformer un bateau de 1900 en établissement recevant du public a été un travail énorme !

Comment t’est venue l’idée ?  Tu voulais monter un restaurant et tu as eu l’idée de l’installer sur un bateau ?
Non, pas du tout. Au départ, il y a eu un coup de cœur. C’était à Paris, sur le canal de l’Ourcq, un soir de septembre… Une péniche transformée en bar m’a tapée dans l’œil (La péniche Antipode).  Je me suis dit : ce n’est pas possible que Vannes (où je vis) n’ait pas un lieu comme cela ! Ce rêve ne m’a plus quittée : créer à Vannes, une ville que j’adore, un endroit inédit et festif, sur un bateau. Une idée germait en moi aussi depuis longtemps : être en lien avec des musiciens, organiser des concerts. Ça, c’était l’envie de départ, qui m’a poussée dans cette aventure. Et une fois qu’on est lancé, on ne peut plus reculer, surtout que le budget engagé était énorme, et que je me devais de réussir, pour ne décevoir personne, à commencer par mes créanciers !

Où as-tu trouvé le bateau ?
A Amsterdam. Il a été choisi assez rapidement. Ce n’était pas un vieux rafiot en bois à retaper, mais un campinois (une péniche de mer intérieure) en acier riveté, c’était beaucoup plus ambitieux ! Tout de suite, il a fallu mener de front le bouclage financier, ce qui a demandé beaucoup de travail, et l’aspect technique : comment transformer ce bateau de 1900  en un lieu d’accueil du public, en répondant aux normes d’accessibilité et de sécurité. Une équipe a été constituée : j’ai confié le dessin à l’architecte nantais Olivier Flahault et la direction des travaux au navigateur trinitain Dominic Vittet. Mon mari aussi a été une aide très précieuse, à tout point de vue. Les travaux ont duré trois ans, à Lorient, au chantier Timolor. C’est moi qui tenais le budget (1,6 millions d’euros), et j’intervenais dans tous les aspects.

Comment as-tu financé tous les travaux ? Tu as reçu des aides de fonds publics ?
Non, aucune, car il s’agit d’un restaurant. Je n’ai reçu aucun financement de la Région, du département ou de la Ville. Le maire de Vannes était partant et a été bienveillant dès le départ, et la Ville m’a accordée les autorisations d’installation. Mais techniquement, cela n’a pas été simple de trouver une place, et il y eu de très nombreuses difficultés administratives…  Le Piano Barge se trouve finalement à côté de l’embarcadère, en dehors de la Ville. Un pont sépare le Golfe du Morbihan de la Ville, le Piano Barge se situe côté Golfe. Et Vannes se tourne de plus en plus vers le Golfe…

Tu t’es faite aider pour le financement et le montage de ton dossier ?
Oui, par le réseau Initiatives Vannes, le réseau Entreprendre, par les Business Angels… Et une seule banque m’a suivie. Cela a été quand même le parcours du combattant pendant 2 ans ; il a fallu convaincre, présenter, raconter le projet, rencontrer beaucoup de gens. Ce que, au départ je n’avais jamais appris à faire. Mon mari a été pour cela d’une aide très précieuse. Il m’a fallu aussi trouver de l’argent auprès d’associés, et cela met une grosse pression, c’était lourd à porter. Tous ces gens qui me faisaient confiance en me prêtant de l’argent… je devais réussir. J’ai pris un risque, c’est vrai.  Dix fois le projet a failli ne pas se faire. Il y a eu des tas de « feux rouges ». Tout était compliqué ! Et pourtant cela s’est fait ! Le Piano Barge a ouvert en septembre 2013.

Ton mari était donc à tes côtés dans ce projet ?
Oui, il a toujours été très impliqué et très motivé. Il est navigateur, il a fait plusieurs Route du Rhum. Il m’a encouragée, aidée à trouver de l’argent, à faire des présentations auprès des Business Angel. Je n’aurais pas pu le faire sans lui, cela a été fondamental de savoir que je faisais cela avec quelqu’un qui m’approuvait. Il sait trouver de l’argent, convaincre, s’appuyer sur les retours. Moi au départ, j’étais du genre, « j’ai un projet, je le garde, car si ça ne se fait pas, qu’est-ce qu’on va penser de moi ! » Lui, c’est l’inverse : il en parle au maximum autour de lui, et c’est comme cela que ça marche.

Tu as combien d’employés aujourd’hui ?
Huit, dont deux apprentis. Quatre personnes en cuisine et quatre en salle. Dès le premier jour, j’ai embauché huit personnes, et c’est ça qui était impressionnant, pour moi qui n’avais jamais eu d’entreprise ! Mais il le fallait, pour le bar et le restaurant. On a une carte très courte, mais de qualité, grâce à notre chef Cyril Jorda. C’est un restaurant semi-gastronomique, mais aussi un bar et un lieu d’accueil de réunions ou séminaires.

Tu n’avais jamais travaillé dans la restauration auparavant ?
Non. J’ai su m’entourer des bonnes personnes, nous formons une vraie équipe. J’ai appris ! Le chef prend en main vraiment toutes les commandes, son expérience est fondamentale. Je me suis aussi appuyée sur les serveurs, j’ai beaucoup appris d’eux pour le service, et moi aussi j’aide et j’essuie les verres ! Ce qui est important finalement dans l’entreprise, c’est le quotidien. Je me suis offert le plus beau bureau du monde, et je me suis entourée de gens sur qui je peux m’appuyer.

Dans quel domaine avais-tu évolué avant le Piano Barge ?
J’ai travaillé comme assistante de production pendant quinze ans à France 3. J’ai collaboré à la météo et à l’agenda culturel. Cela m’a donné l’envie profonde, quand je faisais ce travail, de me tourner vers les arts vivants. Et finalement, je me retrouve à la tête d’un restaurant…

Oui, justement, nous n’avons pas encore parlé des concerts de jazz que tu organises…
Et bien, actuellement, on est un peu entre deux eaux. Le Piano Barge a été lancé avec la volonté d’organiser des concerts, et pour cela une association a été montée, afin de prétendre à du mécénat. Et il y en a eu beaucoup. Grâce à cela, il y a eu des concerts fantastiques, ce qui a contribué à la renommée du Piano Barge. L’idée était belle : favoriser la création artistique, offrir aux artistes les meilleures conditions possibles pour travailler, mais le modèle économique n’était pas tenable, trop ambitieux. Ce n’était pas mon initiative. Cela a duré 18 mois… Avec une programmation plus simple, et des artistes locaux, l’association serait rentrée dans ses frais. Et là ça n’a pas été le cas.

Alors le Piano Barge va continuer à proposer des concerts ?
Oui, et c’est moi cette fois qui m’occuperai de la programmation. Je suis en train de monter une association avec des passionnés avec poursuite des partenariats. Mais déjà il y a plein d’événements de programmés.

De quels genres ?
La cale est à la disposition de ceux qui acceptent de produire un concert, ce fut le cas cet été avec le chanteuse de jazz Anne Sorgues qui a produit son propre quartet et l’office de tourisme de Vannes qui a produit le concert de la harpiste Laura Perrudin. Nos partenaires en cette fin d’année sont La Clique du Clic théâtre d’impro, Blue Elephant Label Electro et NS Jazz pour les soirées Bœufs. La saison Piano Barge nouvelle version s’ouvrira en janvier.

Donc, le Piano Barge s’ouvre à des artistes de différents horizons maintenant ?
Oui, c’est très bien comme cela. La demande de s’ouvrir aux musiciens locaux et à d’autres musiques que le jazz correspond à une attente forte.

Côté communication, tout est très pro, c’est une mine d’info et ta page facebook très active. Les habitués peuvent même consulter le menu de la semaine et la recevoir par mail. Qui s’en occupe ?
C’est moi, et j’adore ça, mais cela me prend énormément de temps, trop ! Cela pourrait presque occuper un plein temps ! Et le site n’est plus à jour, puisque le partenariat avec l’association est terminé. Je dois me réorganiser…

Comment se passe le partage entre travail et la vie de famille ?
Et bien, ce qui me rassure c’est que mes quatre enfants – ils ont entre 19 et 13 ans – ont tous réussi leurs examens de fin d’année ! Pour moi, c’est un très beau cadeau ; comme s’ils me disaient « tu vois maman, on assure, ne t’inquiètes pas ! ». Depuis que nous avons ouvert il y a deux ans, il y a de nombreuses soirées où je ne suis pas là. Aussi j’essaye d’être présente le soir quand ils rentrent de l’école. Et puis le dimanche et le lundi je ne travaille pas. On a pu tous partir 15 jours en vacances début août. Je pense qu’au fond mes enfants sont assez fiers et heureux de me voir à la tête de ce bel endroit. La rentrée s’est bien passée aussi, je suis sereine de ce côté là.

Le piano barge ferme en ton absence ?
Non, je délègue maintenant, j’ai confiance, mon équipe assure !

Pour terminer, Delphine, aurais-tu un conseil à donner aux Femmes de Bretagne ?
Savoir se laisser porter par son projet ! Au bout de deux ans, c’est rarement ce qu’on avait imaginé. Je pensais que j’allais m’éclater avec la musique, et comme j’ai sous-traité, j’y ai peu participé, et cela a été un souci.  Par contre, je me suis prise au jeu du monde de la restauration, cela m’intéresse de plus en plus, je vais bientôt faire un stage d’œnologie, et j’apprécie mon quotidien avec eux. Je me dis chaque jour, « j’ai le plus beau bureau du monde » !

Donc, il faut de la souplesse, savoir s’adapter en cas d’échec !
Oui, et en même temps, il faut tenir bon. J’ai été obsédée par l’ouverture du bateau. Le truc qui était important c’était que ça ouvre. Je ne pouvais plus reculer, il fallait mener la barque, au mieux. L’essentiel est de savoir prendre des décisions et aussi de s’appuyer sur des compétences. Je n’ai pas parlé de ma comptable, qui vient un après-midi par semaine, et me tient un tableau de bord assez serré, ce qui est très appréciable.

Tu as accueilli plusieurs réunions et aussi l’Assemblée générale Femmes de Bretagne…
Oui, après ma rencontre avec Marie Eloy, j’étais partante ! Se réunir dans un bel endroit, c’est important. Les gens qui organisent des séminaires chez moi me disent que cela a été porteur, ils en redemandent ! Je crois beaucoup à la force des lieux…

Anne Chaumont :  » Ce qui me fait avancer ? La joie de vivre ! »

Anne Chaumont a créé Up’Cycling France en septembre 2014 à Combourg. A partir de chutes de matériaux d’usine, elle crée des lampes et des objets de décoration plein d’élégance. En faisant rimer récup’ et design, elle nous parle de ses convictions.

Anne, peux-tu nous expliquer ce qu’est l' »Upcycling » ?
Avec l’upcycling, un objet en fin de vie ou un rebut de matière première est récupéré, pour en faire un autre objet. Mais l’upcycling exclut tout processus de transformation chimique (avec dépense d’eau, d’énergie). Il exclut aussi le transport sur de longues distances vers des sites de recyclage spécialisés. Le recyclage des bouteilles en verre, par exemple, a un bilan carbone très lourd. On parle aussi d’Upcycling quand on apporte une valeur ajoutée au produit, souvent de façon originale, artistique. C’est un challenge très motivant.

La lutte contre le gaspillage, c’est une préoccupation que tu as depuis longtemps ?
Depuis très longtemps, car j’ai été élevée en partie par ma grand-mère qui était maraîchère dans les Vosges. Elle travaillait dur, par tous les temps. Elle était très généreuse mais chez elle rien ne se perdait, tout se transformait. Cela commençait avec la nourriture, ma mémère était la reine des plats retravaillés à partir des restes de la veille. C’était délicieux !

Grâce à elle tu ne supportes pas le gaspillage !
C’est vrai ! Puis, lorsque j’ai quitté la maison à 19 ans pour aller à Londres, j’ai dû me débrouiller toute seule. Les meubles de ma chambre provenaient déjà des trottoirs de mon quartier ! Je les avais réparés et customisés. J’ai encore certains d’entre eux chez moi, car ils sont devenus emblématiques de ma démarche et j’y suis très attachée. J’ai beaucoup de mal à jeter ce qui peut servir.
Plus tard, j’ai épousé un Brésilien qui m’a fait voir à quel point ici nous gaspillons nos ressources. Nous avons des poubelles très « riches » ! Et les nouvelles plateformes de collecte et de tri des déchets de nos communes sont devenues un non-sens, où tout est jeté sans possibilité de collecte ou d’échange entre particuliers.

Comment t’est venue l’idée de te lancer dans cette entreprise ?
J’ai occupé pendant plus de 20 ans des fonctions de commerciale et gestionnaire d’entreprise. A force de travailler avec des chiffres, des statistiques… j’ai fini par me sentir déconnectée de la réalité. Je rêvais de toucher, palper mon travail, de retrouver des valeurs, de sentir que je pouvais changer ce qui ne me plaisait pas.
Après la mort de mon père, j’ai eu un déclic. J’ai réalisé que la vie est trop courte pour passer à côté de soi et de ceux que l’on aime, pour de l’argent, un statut…
J’ai pensé au traitement des déchets tout naturellement. Tout au long de ma carrière, j’avais été impliquée dans des groupes de réflexion ou d’action sur la réduction de nos pollutions industrielles. Ma mère répare et vends des objets anciens depuis des années. Une nuit, j’ai décidé que j’allais faire des objets à partir de ce que l’on jette, avec des gens que l’on rejette, tout près de chez moi, et que le résultat serait du haut de gamme. J’ai voulu pousser le concept jusqu’au bout dans toutes ses dimensions. Voilà comment j’ai voulu donner du sens et une âme à des objets, mes objets.

Up’Cycling France travaille avec des personnes handicapées, parle-nous de cette collaboration…
Je savais qu’il y a beaucoup de compétences et métiers différents dans les ESAT (Etablissement et Service d’Aide au Travail), mais j’ai découvert plus que cela quand je suis allée à leur rencontre !
Ce sont des établissements où l’on trouve des dirigeants et des chefs d’ateliers de tous horizons. Des gens qui au quotidien trouvent des astuces pour palier les difficultés issues du handicap de leurs salariés. Ils ont une imagination inépuisable. Et là où dans les entreprises on irait chercher de la technologie, eux trouvent des solutions souvent bêtes comme chou, plus simples et efficaces.

Alors Up’Cycling et les ESAT, c’est une collaboration réussie ?
Oui ! Je rencontre au quotidien des gens heureux de travailler, souriants et fiers de ce qu’ils font (toutes tâches confondues), et dont le travail est de qualité.

Cette démarche est « éco-responsable » à plus d’un titre ! Le public est-il sensible à cela ?
Le public y est sans doute sensible, mais pas suffisamment pour accepter de payer un peu plus cher ! Je mise donc sur la volonté des entreprises, et une démarche volontariste des professionnels pour avancer, car je crains que les clients particuliers soient difficiles et longs à convaincre. Mais je ne baisse pas les bras pour autant !

Quel genre de matériaux ou objets recycles-tu ?
Je recycle des chutes de matériaux initialement destinés à la réalisation de plans de travail de cuisines ou salles de bain, ou d’agencement de magasins haut de gamme, notamment du marbre artificiel et des stratifiés compact. Je m’inspire aussi d’objets que je détourne. Je travaille actuellement sur des instruments à vent et des composants de métiers à tisser industriels récupérés dans les Vosges.

Tu n’as pas de difficultés à t’approvisionner ?
Si, et je dois d’ailleurs varier mes sources d’approvisionnement. Je souhaiterais pouvoir négocier directement avec les fabricants des matières premières qui ont des quantités phénoménales de malfaçons et jettent en conséquence.

Es-tu à la recherche de nouveaux matériaux ou fournisseurs ?
Oui toujours. Je recherche actuellement des chutes de cuir épais et du bois.

Raconte-nous un de tes plus beaux moments depuis que tu as créé Up’Cycling…
Le jour où nous avons fini de monter ma première série de luminaires. J’avais apporté quelques ampoules électriques pour les tester. Notre petit groupe de personnes handicapées, huit au total, était assis autour d’une grande table. Chacun a vissé son ampoule et à mon signal, ils ont pressé l’interrupteur, toutes les lampes se sont allumées, ils se sont alors levés en criant de joie et en applaudissant. Une joie sincère et franche comme je n’en avais jamais vu en entreprise auparavant, elle venait du cœur et de leur fierté d’avoir réalisé les lampes. J’ai eu beaucoup de mal à ne pas pleurer. Vous savez, ils applaudissent encore à chaque test de lampe, et rien que cela, ça vaut tous mes mercis !
Que cherches-tu dans le réseau Femmes de Bretagne ?
Des rencontres et du partage. J’aimerais aussi que mon expérience puisse aider d’autres femmes.

Alors si tu devais donner un conseil aux femmes qui veulent se lancer, ce serait quoi ?
Ayez de la volonté, de l’optimisme, une dose d’insouciance et un environnement aimant !

En quoi as-tu changée depuis le début de cette aventure ?
Je suis enfin en accord avec ce que je crois être moi, mais je découvre un nouveau petit morceau de moi tous les jours, notamment parce que je m’autorise enfin à rencontrer et écouter les autres. Autre point, je me débarrasse lentement des 45 kilos en trop que j’ai pris dans ma vie pro précédente, quel soulagement ! Mon corps me rend le plaisir dont je l’avais trop longtemps privé.

Qu’est-ce qui te fais avancer dans la vie ?
La joie de vivre, et une envie irrépressible de rire tous les jours.

Quel est ton rêve Anne ?
Rencontrer quelqu’un avec qui partager ma passion et à qui transmettre mon activité.

Céline Domino : « Je fais ce que j’aime »

Céline Domino

Céline Domino est la créatrice de Princesse Model, à Rennes. Cette passionnée de costumes crée de A à Z des déguisements hauts de gamme, un créneau délaissé où elle a fait sa place, grâce à sa créativité et son sens de la communication. Les pieds sur terre et la tête dans les contes de fées.

Céline, quand et comment a commencé l’aventure Princesse Model ?
Je me suis mise à mon compte en avril 2006, à Rennes où j’habitais depuis quatre ans. Nous nous y étions installés, avec mon mari et ma fille alors âgée de quelques mois après avoir quitté Paris où je travaillais dans le marketing, pour la chaine de parfumerie Sephora. J’avais envie de m’épanouir, d’entreprendre. Je cherchais une idée… Je voulais aussi pouvoir m’occuper de mon bébé. J’aime travailler chez moi, seule.

Tu étais depuis longtemps attirée par la couture ?
Non, et je n’ai jamais pris de cours de couture ! Par contre, je suis très manuelle, et j’ai beaucoup vu ma mère coudre. Et mes études d’histoire de l’art m’ont sans doute inspirée pour dessiner et imaginer mes robes 18e, notamment un de mes cours : « architecture et le décor des grandes demeures »… Je me suis toujours intéressée à l’histoire du costume et de la mode ; j’aimais aller au musée Galliera, à Paris.

Qu’est-ce qui a été le déclic pour commencer à créer ?
C’est ma fille qui a tout déclenché ! Elle m’a dit un jour « Maman, je veux une robe de Blanche Neige ! », et je me suis lancée, je lui ai fait sa robe. Cela m’a beaucoup plu. Peu à peu, j’ai créé d’autres modèles, j’en ai parlé autour de moi. J’ai créé mon propre site internet…

Toute seule ?
Oui et je recommande à toutes celles qui le peuvent d’essayer de se former et de se lancer, c’est très instructif et enrichissant. J’ai continué dans ce sens, et en parallèle de mon activité j’ai développé pour d’autres personnes des sites très simples. Cela m’a permis de développer d’autres compétences.

Là encore, tu as une position d’autodidacte…
J’ai toujours eu une certaine curiosité pour l’outil informatique. C’est un plus. J’aime expérimenter, essayer. Au début ce n’est pas facile, puis quand on voit que l’on maîtrise, cela devient un jeu.

Ta présence sur internet t’a aidée pour le développement de ton activité ?
Oui et je me suis lancée à fond très rapidement. Je me suis dit que ce n’était pas parce que mon activité était naissante et encore incertaine que je ne devais pas faire « comme les grands ». J’ai visé haut ! J’ai toujours mesuré l’importance de bien communiquer. Je m’efforce toujours de le faire de façon positive.

Sur quels réseaux t’es-tu appuyée pour lancer ton activité ?
J’étais en recherche de réseautage mais je ne trouvais pas ce que je cherchais, alors j’ai moi-même monté un réseau de créatrices (Lescréatrices.fr), en 2008, puis un groupe Facebook. Nous étions au début une cinquantaine puis une centaine dans toute la France. J’ai été modératrice et cela n’a pas toujours été facile. J’ai dû devenir un peu « policière » ! Mais une fois de plus, en faisant, j’ai appris. J’aime l’idée de réseaux. Depuis, je travaille sur un nouveau projet, d’ailleurs je suis toujours en alerte sur internet.

Je crois que tu es très active sur le réseau Femmes de Bretagne ?
J’ai tout de suite vu le potentiel de ce réseau et aimé la ligne directrice que lui a donné Marie Eloy. L’entreprenariat au féminin. Le fait qu’il faut donner pour recevoir et que pour recevoir de l’aide, il faut en demander ! Et donner du temps, de l’écoute, c’est gratifiant, agréable.

Aurais-tu un conseil à donner aux adhérentes de Femmes de Bretagne ?
Oui, de profiter du site internet pour demander de l’aide. Et pour cela, il faut être claire dans la formulation de la question. Bien réfléchir à sa demande, et bien la formuler : tout doit être dans le titre ! Pour celles qui veulent travailler à domicile, d’essayer autant que possible d’établir des limites entre la vie « privée » et le travail, des limites dans le temps ou dans l’espace, à inventer !

Ta famille a-t-elle été un soutien à tes débuts ?
La décision de créer cette entreprise a été prise à deux. Mon mari, qui a la tête sur les épaules, m’a dit « vas-y, lance-toi », tout en m’encourageant à ne pas perdre de vue la rentabilité. Le fait qu’il soit comptable m’a bien sûr aidé, c’est une chance. Je travaille depuis le début avec le statut d’auto-entrepreneur, et cela me convient. En consacrant un peu de temps régulièrement à l’administration et avec un peu d’organisation, on y arrive !

Parlons maintenant de Princesse Model, quelle est ton actualité ?
Mon activité est très aléatoire, mais comme souvent en juin, j’ai eu énormément de travail, grâce à un événement qui commence à être assez reconnu : un bal pour enfants à Versailles ! J’organise aussi depuis cinq ans un concours de dessin qui me tient très à cœur (je réalise la robe dessinée par la gagnante du concours). En un mois, je reçois des centaines de dessins.

C’est tout une logistique un tel concours !
Oui, j’ai d’abord cherché des partenaires, qui peuvent être aussi membres du jury, et plus il y a de partenaires, plus il y a de cadeaux à distribuer ! Ainsi 90 petites filles ont été gagnantes cette année ! Je travaille avec de grandes marques, mais aussi des créatrices comme moi, certaines rencontrées sur Facebook. Cela demande beaucoup d’organisation et de temps mais en retour ce que je reçois est important pour moi. Certaines petites filles s’investissent beaucoup, je reçois des remerciements de maman qui me touchent vraiment, et il y a une relation de confiance qui s’instaure. Ce n’est pas que du marketing !

Tes créations se situent sur du « haut de gamme », c’est ton choix depuis le début ?
Oui, car je veux offrir de la qualité, de la cohérence, de la conception aux finitions. J’apporte du soin aux associations de couleurs, au choix des tissus, à la découpe, à toute la réalisation. En plus de la qualité des matériaux que j’utilise, ce travail artisanal et sur mesure demande du temps, alors bien sûr cela a un coût.

Quelle est la marque de ta machine à coudre ?
Bernina, une marque suisse, pas la plus connue. Pas pro mais familiale, avec toutes les options qui font la différence !

Penses-tu un jour créer aussi pour la gent masculine ?
C’est l’univers des petites filles qui m’inspire depuis le début, qui exalte mon imagination. C’est ma sensibilité et c’est devenu ma marque de fabrique. Pour l’instant je ne me vois pas changer.

Je te laisse le mot de la fin.
En huit ans j’ai fait beaucoup de chemin et aussi plein de belles rencontres. Je fais ce que j’aime. Aujourd’hui j’ai plein d’idées qui mûrissent, et en projet une collection un peu différente, mais pour l’instant, c’est secret !