Anne Chaumont :  » Ce qui me fait avancer ? La joie de vivre ! »

Anne Chaumont a créé Up’Cycling France en septembre 2014 à Combourg. A partir de chutes de matériaux d’usine, elle crée des lampes et des objets de décoration plein d’élégance. En faisant rimer récup’ et design, elle nous parle de ses convictions.

Anne, peux-tu nous expliquer ce qu’est l' »Upcycling » ?
Avec l’upcycling, un objet en fin de vie ou un rebut de matière première est récupéré, pour en faire un autre objet. Mais l’upcycling exclut tout processus de transformation chimique (avec dépense d’eau, d’énergie). Il exclut aussi le transport sur de longues distances vers des sites de recyclage spécialisés. Le recyclage des bouteilles en verre, par exemple, a un bilan carbone très lourd. On parle aussi d’Upcycling quand on apporte une valeur ajoutée au produit, souvent de façon originale, artistique. C’est un challenge très motivant.

La lutte contre le gaspillage, c’est une préoccupation que tu as depuis longtemps ?
Depuis très longtemps, car j’ai été élevée en partie par ma grand-mère qui était maraîchère dans les Vosges. Elle travaillait dur, par tous les temps. Elle était très généreuse mais chez elle rien ne se perdait, tout se transformait. Cela commençait avec la nourriture, ma mémère était la reine des plats retravaillés à partir des restes de la veille. C’était délicieux !

Grâce à elle tu ne supportes pas le gaspillage !
C’est vrai ! Puis, lorsque j’ai quitté la maison à 19 ans pour aller à Londres, j’ai dû me débrouiller toute seule. Les meubles de ma chambre provenaient déjà des trottoirs de mon quartier ! Je les avais réparés et customisés. J’ai encore certains d’entre eux chez moi, car ils sont devenus emblématiques de ma démarche et j’y suis très attachée. J’ai beaucoup de mal à jeter ce qui peut servir.
Plus tard, j’ai épousé un Brésilien qui m’a fait voir à quel point ici nous gaspillons nos ressources. Nous avons des poubelles très « riches » ! Et les nouvelles plateformes de collecte et de tri des déchets de nos communes sont devenues un non-sens, où tout est jeté sans possibilité de collecte ou d’échange entre particuliers.

Comment t’est venue l’idée de te lancer dans cette entreprise ?
J’ai occupé pendant plus de 20 ans des fonctions de commerciale et gestionnaire d’entreprise. A force de travailler avec des chiffres, des statistiques… j’ai fini par me sentir déconnectée de la réalité. Je rêvais de toucher, palper mon travail, de retrouver des valeurs, de sentir que je pouvais changer ce qui ne me plaisait pas.
Après la mort de mon père, j’ai eu un déclic. J’ai réalisé que la vie est trop courte pour passer à côté de soi et de ceux que l’on aime, pour de l’argent, un statut…
J’ai pensé au traitement des déchets tout naturellement. Tout au long de ma carrière, j’avais été impliquée dans des groupes de réflexion ou d’action sur la réduction de nos pollutions industrielles. Ma mère répare et vends des objets anciens depuis des années. Une nuit, j’ai décidé que j’allais faire des objets à partir de ce que l’on jette, avec des gens que l’on rejette, tout près de chez moi, et que le résultat serait du haut de gamme. J’ai voulu pousser le concept jusqu’au bout dans toutes ses dimensions. Voilà comment j’ai voulu donner du sens et une âme à des objets, mes objets.

Up’Cycling France travaille avec des personnes handicapées, parle-nous de cette collaboration…
Je savais qu’il y a beaucoup de compétences et métiers différents dans les ESAT (Etablissement et Service d’Aide au Travail), mais j’ai découvert plus que cela quand je suis allée à leur rencontre !
Ce sont des établissements où l’on trouve des dirigeants et des chefs d’ateliers de tous horizons. Des gens qui au quotidien trouvent des astuces pour palier les difficultés issues du handicap de leurs salariés. Ils ont une imagination inépuisable. Et là où dans les entreprises on irait chercher de la technologie, eux trouvent des solutions souvent bêtes comme chou, plus simples et efficaces.

Alors Up’Cycling et les ESAT, c’est une collaboration réussie ?
Oui ! Je rencontre au quotidien des gens heureux de travailler, souriants et fiers de ce qu’ils font (toutes tâches confondues), et dont le travail est de qualité.

Cette démarche est « éco-responsable » à plus d’un titre ! Le public est-il sensible à cela ?
Le public y est sans doute sensible, mais pas suffisamment pour accepter de payer un peu plus cher ! Je mise donc sur la volonté des entreprises, et une démarche volontariste des professionnels pour avancer, car je crains que les clients particuliers soient difficiles et longs à convaincre. Mais je ne baisse pas les bras pour autant !

Quel genre de matériaux ou objets recycles-tu ?
Je recycle des chutes de matériaux initialement destinés à la réalisation de plans de travail de cuisines ou salles de bain, ou d’agencement de magasins haut de gamme, notamment du marbre artificiel et des stratifiés compact. Je m’inspire aussi d’objets que je détourne. Je travaille actuellement sur des instruments à vent et des composants de métiers à tisser industriels récupérés dans les Vosges.

Tu n’as pas de difficultés à t’approvisionner ?
Si, et je dois d’ailleurs varier mes sources d’approvisionnement. Je souhaiterais pouvoir négocier directement avec les fabricants des matières premières qui ont des quantités phénoménales de malfaçons et jettent en conséquence.

Es-tu à la recherche de nouveaux matériaux ou fournisseurs ?
Oui toujours. Je recherche actuellement des chutes de cuir épais et du bois.

Raconte-nous un de tes plus beaux moments depuis que tu as créé Up’Cycling…
Le jour où nous avons fini de monter ma première série de luminaires. J’avais apporté quelques ampoules électriques pour les tester. Notre petit groupe de personnes handicapées, huit au total, était assis autour d’une grande table. Chacun a vissé son ampoule et à mon signal, ils ont pressé l’interrupteur, toutes les lampes se sont allumées, ils se sont alors levés en criant de joie et en applaudissant. Une joie sincère et franche comme je n’en avais jamais vu en entreprise auparavant, elle venait du cœur et de leur fierté d’avoir réalisé les lampes. J’ai eu beaucoup de mal à ne pas pleurer. Vous savez, ils applaudissent encore à chaque test de lampe, et rien que cela, ça vaut tous mes mercis !
Que cherches-tu dans le réseau Femmes de Bretagne ?
Des rencontres et du partage. J’aimerais aussi que mon expérience puisse aider d’autres femmes.

Alors si tu devais donner un conseil aux femmes qui veulent se lancer, ce serait quoi ?
Ayez de la volonté, de l’optimisme, une dose d’insouciance et un environnement aimant !

En quoi as-tu changée depuis le début de cette aventure ?
Je suis enfin en accord avec ce que je crois être moi, mais je découvre un nouveau petit morceau de moi tous les jours, notamment parce que je m’autorise enfin à rencontrer et écouter les autres. Autre point, je me débarrasse lentement des 45 kilos en trop que j’ai pris dans ma vie pro précédente, quel soulagement ! Mon corps me rend le plaisir dont je l’avais trop longtemps privé.

Qu’est-ce qui te fais avancer dans la vie ?
La joie de vivre, et une envie irrépressible de rire tous les jours.

Quel est ton rêve Anne ?
Rencontrer quelqu’un avec qui partager ma passion et à qui transmettre mon activité.

Céline Domino : « Je fais ce que j’aime »

Céline Domino

Céline Domino est la créatrice de Princesse Model, à Rennes. Cette passionnée de costumes crée de A à Z des déguisements hauts de gamme, un créneau délaissé où elle a fait sa place, grâce à sa créativité et son sens de la communication. Les pieds sur terre et la tête dans les contes de fées.

Céline, quand et comment a commencé l’aventure Princesse Model ?
Je me suis mise à mon compte en avril 2006, à Rennes où j’habitais depuis quatre ans. Nous nous y étions installés, avec mon mari et ma fille alors âgée de quelques mois après avoir quitté Paris où je travaillais dans le marketing, pour la chaine de parfumerie Sephora. J’avais envie de m’épanouir, d’entreprendre. Je cherchais une idée… Je voulais aussi pouvoir m’occuper de mon bébé. J’aime travailler chez moi, seule.

Tu étais depuis longtemps attirée par la couture ?
Non, et je n’ai jamais pris de cours de couture ! Par contre, je suis très manuelle, et j’ai beaucoup vu ma mère coudre. Et mes études d’histoire de l’art m’ont sans doute inspirée pour dessiner et imaginer mes robes 18e, notamment un de mes cours : « architecture et le décor des grandes demeures »… Je me suis toujours intéressée à l’histoire du costume et de la mode ; j’aimais aller au musée Galliera, à Paris.

Qu’est-ce qui a été le déclic pour commencer à créer ?
C’est ma fille qui a tout déclenché ! Elle m’a dit un jour « Maman, je veux une robe de Blanche Neige ! », et je me suis lancée, je lui ai fait sa robe. Cela m’a beaucoup plu. Peu à peu, j’ai créé d’autres modèles, j’en ai parlé autour de moi. J’ai créé mon propre site internet…

Toute seule ?
Oui et je recommande à toutes celles qui le peuvent d’essayer de se former et de se lancer, c’est très instructif et enrichissant. J’ai continué dans ce sens, et en parallèle de mon activité j’ai développé pour d’autres personnes des sites très simples. Cela m’a permis de développer d’autres compétences.

Là encore, tu as une position d’autodidacte…
J’ai toujours eu une certaine curiosité pour l’outil informatique. C’est un plus. J’aime expérimenter, essayer. Au début ce n’est pas facile, puis quand on voit que l’on maîtrise, cela devient un jeu.

Ta présence sur internet t’a aidée pour le développement de ton activité ?
Oui et je me suis lancée à fond très rapidement. Je me suis dit que ce n’était pas parce que mon activité était naissante et encore incertaine que je ne devais pas faire « comme les grands ». J’ai visé haut ! J’ai toujours mesuré l’importance de bien communiquer. Je m’efforce toujours de le faire de façon positive.

Sur quels réseaux t’es-tu appuyée pour lancer ton activité ?
J’étais en recherche de réseautage mais je ne trouvais pas ce que je cherchais, alors j’ai moi-même monté un réseau de créatrices (Lescréatrices.fr), en 2008, puis un groupe Facebook. Nous étions au début une cinquantaine puis une centaine dans toute la France. J’ai été modératrice et cela n’a pas toujours été facile. J’ai dû devenir un peu « policière » ! Mais une fois de plus, en faisant, j’ai appris. J’aime l’idée de réseaux. Depuis, je travaille sur un nouveau projet, d’ailleurs je suis toujours en alerte sur internet.

Je crois que tu es très active sur le réseau Femmes de Bretagne ?
J’ai tout de suite vu le potentiel de ce réseau et aimé la ligne directrice que lui a donné Marie Eloy. L’entreprenariat au féminin. Le fait qu’il faut donner pour recevoir et que pour recevoir de l’aide, il faut en demander ! Et donner du temps, de l’écoute, c’est gratifiant, agréable.

Aurais-tu un conseil à donner aux adhérentes de Femmes de Bretagne ?
Oui, de profiter du site internet pour demander de l’aide. Et pour cela, il faut être claire dans la formulation de la question. Bien réfléchir à sa demande, et bien la formuler : tout doit être dans le titre ! Pour celles qui veulent travailler à domicile, d’essayer autant que possible d’établir des limites entre la vie « privée » et le travail, des limites dans le temps ou dans l’espace, à inventer !

Ta famille a-t-elle été un soutien à tes débuts ?
La décision de créer cette entreprise a été prise à deux. Mon mari, qui a la tête sur les épaules, m’a dit « vas-y, lance-toi », tout en m’encourageant à ne pas perdre de vue la rentabilité. Le fait qu’il soit comptable m’a bien sûr aidé, c’est une chance. Je travaille depuis le début avec le statut d’auto-entrepreneur, et cela me convient. En consacrant un peu de temps régulièrement à l’administration et avec un peu d’organisation, on y arrive !

Parlons maintenant de Princesse Model, quelle est ton actualité ?
Mon activité est très aléatoire, mais comme souvent en juin, j’ai eu énormément de travail, grâce à un événement qui commence à être assez reconnu : un bal pour enfants à Versailles ! J’organise aussi depuis cinq ans un concours de dessin qui me tient très à cœur (je réalise la robe dessinée par la gagnante du concours). En un mois, je reçois des centaines de dessins.

C’est tout une logistique un tel concours !
Oui, j’ai d’abord cherché des partenaires, qui peuvent être aussi membres du jury, et plus il y a de partenaires, plus il y a de cadeaux à distribuer ! Ainsi 90 petites filles ont été gagnantes cette année ! Je travaille avec de grandes marques, mais aussi des créatrices comme moi, certaines rencontrées sur Facebook. Cela demande beaucoup d’organisation et de temps mais en retour ce que je reçois est important pour moi. Certaines petites filles s’investissent beaucoup, je reçois des remerciements de maman qui me touchent vraiment, et il y a une relation de confiance qui s’instaure. Ce n’est pas que du marketing !

Tes créations se situent sur du « haut de gamme », c’est ton choix depuis le début ?
Oui, car je veux offrir de la qualité, de la cohérence, de la conception aux finitions. J’apporte du soin aux associations de couleurs, au choix des tissus, à la découpe, à toute la réalisation. En plus de la qualité des matériaux que j’utilise, ce travail artisanal et sur mesure demande du temps, alors bien sûr cela a un coût.

Quelle est la marque de ta machine à coudre ?
Bernina, une marque suisse, pas la plus connue. Pas pro mais familiale, avec toutes les options qui font la différence !

Penses-tu un jour créer aussi pour la gent masculine ?
C’est l’univers des petites filles qui m’inspire depuis le début, qui exalte mon imagination. C’est ma sensibilité et c’est devenu ma marque de fabrique. Pour l’instant je ne me vois pas changer.

Je te laisse le mot de la fin.
En huit ans j’ai fait beaucoup de chemin et aussi plein de belles rencontres. Je fais ce que j’aime. Aujourd’hui j’ai plein d’idées qui mûrissent, et en projet une collection un peu différente, mais pour l’instant, c’est secret !